Dans un sens, peu importe lequel, nous sommes un peuple vraiment extraordinaire. Ce n'est pas tant parce que nous avons fait une révolution qui a émerveillé le monde. Il revient à celui qui croit à cette ineptie d'en apporter la preuve. Mais c'est surtout parce que nous avons réussi l'exploit de réunir sur ce petit lopin de terre millénaire, au même moment, les pires dirigeants et responsables qui puissent exister sur terre et leur donner les rennes de notre pays. Le résultat c'est que les déboires passés et futurs, les crises politiques, économiques, sociales et sanitaires ne sont pas une surprise. C'est juste une catastrophe annoncée. Pour en avoir la conviction, il n'y a qu'à voir les trois présidences qui se disputent les prérogatives depuis presque deux ans, prêts à mettre le pays à feu et à sang, pas pour l'intérêt des Tunisiens mais pour satisfaire leurs égos surdimensionnés. Sans oublier bien entendu leurs conseillers panégyristes qui ne leur sont d'aucune aide, les ministres sans pouvoir, les députés censés représenter le peuple et les partis politiques au pouvoir comme ceux de l'opposition qui sont passés maitres dans l'art de la magouille et de la connivence. On pourrait même leur rajouter, pour compléter le tableau, un large pan d'hommes d'affaires, de journalistes, de policiers et de magistrats crapuleux. En somme toute la classe politique et la quasi-totalité de ceux qui agitent l'espace public. Les exceptions, qui existent certes, mais qui sont tellement rares, ne peuvent être prises en compte pour brosser ce tableau.
Voyons du côté du président de la République. En une année et demie, il n'a présenté aucune initiative législative, il n'a cité aucun nom parmi tous ceux qu'il ne cesse d'accuser d'agir depuis les chambres obscures. Au pire moment de la crise sanitaire, il se cramponne à ses propres priorités qui sont la révision du régime politique, une nouvelle constitution et l'organisation d'un référendum. Il a tellement mis de conditions à l'organisation du débat national qu'il a semblé accepter au départ, qu'il devient sans intérêt. En vérité, le président de la République n'a jamais été convaincu par le bien fondé du débat national mais ne voulait pas le dire franchement. Il a certes gagné quelques mois en soufflant le chaud et le froid, mais il a fait perdre des opportunités au pays. Surtout, le président de la République a démontré qu'il n'est pas une force de proposition, capable d'insuffler une dynamique positive dans le pays. il est juste une force de blocage. Le président du parlement est pire. Depuis quarante ans, il est associé, d'une manière directe ou indirecte, à toutes les crises du pays. La veille de son retour d'exil londonien à la fin du mois de juin 2011, il avait écrit lui-même qu'il ne compte se présenter à aucune élection présidentielle ou parlementaire ni briguer aucun poste. On connait la suite. Depuis dix ans, il n'a fait que servir les siens au détriment des Tunisiens. On le soupçonne même d'avoir protégé des terroristes et d'être le chef du bras militaire de son parti. Aujourd'hui, il concentre entre ses mains tous les pouvoirs au sein de sa fratrie et au parlement. Mais comme cela ne lui suffit pas, il a mis le gouvernement sous son emprise et tente de grignoter sur les prérogatives du président de la République. Quant au pauvre chef du gouvernement, par charité ou par lassitude, autant ne pas s'attarder sur son cas. Les Tunisiens cherchent toujours ne serait-ce qu'une seule réalisation ou une initiative orpheline à mettre à son actif.
Comme la démocratie a besoin de démocrates, les Etats ont besoin d'hommes d'Etats pour les diriger. On pourrait changer la constitution, le régime politique, la loi électorale et toutes les lois qu'on veut, cela n'y changerait rien tant qu'on n'a pas les femmes et les hommes capables de se hisser au niveau de leurs missions. Chez nous, ces femmes et ces hommes font atrocement défaut. Ceux qui se meuvent actuellement sur la scène politique ont montré leurs limites. C'est pourquoi toute la classe politique doit partir.