Décidément, Youssef Chahed fait tout de travers depuis l'enclenchement du processus électoral. En l'espace d'une semaine seulement, il a accumulé les erreurs, multiplié les maladresses au point de se mettre tout le monde à dos. Pour un candidat en compétition à la présidentielle, s'il voulait s'auto-éliminer de la course et anéantir ses chances de passer au second tour, il ne s'y prendrait pas autrement. Tout a commencé avec l'affaire de sa nationalité française soigneusement gardée secrète durant de longues années au point que les plus proches parmi ses proches sont eux aussi tombés des nues en apprenant la nouvelle par le journal officiel français. Il ne s'agit pas dans cette affaire d'un débat sur la double nationalité. Parmi la vaste communauté des Tunisiens résidant à l'étranger, plusieurs milliers d'entre eux sont des binationaux sans que cela ne pose aucun problème sur le plan juridique, politique ou social. Il s'agit d'un problème de confiance ou plus exactement, d'un problème de rupture du contrat de confiance entre les citoyens tunisiens et leur chef de gouvernement, qui a voulu jouer la carte de la transparence depuis son arrivée au pouvoir il y a trois ans, mais qui s'est permis de leur cacher un élément important de son cv. Dans cette affaire Youssef Chahed est coupable au moins de mensonge par omission, lui qui s'est rendu coupable à plusieurs reprises, de mensonge caractérisé et aggravé, chaque fois qu'il parle du bilan politique, sécuritaire, financier, économique et social de son gouvernement.
Par la suite est venue cette affaire de délégation temporaire de ses prérogatives à Kamel Morjane, une manœuvre qui n'a aucun fondement juridique solide ou acceptable. En fait, elle sonne comme une récompense symbolique à un allié pour services rendus, un écran de fumée pour détourner l'attention de l'affaire de sa double nationalité et surtout une manigance pour éviter de participer aux travaux du conseil des ministres prévu mercredi dernier sous la présidence du chef de l'Etat par intérim Mohamed Ennaceur. Il semblerait d'ailleurs que la dernière entrevue entre Ennaceur et Chahed s'est passée dans un climat tendu qui a justifié l'annulation pure et simple de la réunion du conseil des ministres. Il est surprenant que les observateurs et les analystes se soient attardés sur la question de la conformité de la délégation de Chahed de ses prérogatives de chef de gouvernement avec les dispositions de la constitution tunisienne. Ceci, alors qu'ils ont totalement occulté la question de savoir pourquoi le chef de gouvernement voulait éviter à tout prix d'assister à un conseil des ministres qu'il ne présidera pas, qui se déroulera probablement en l'absence de son concurrent Abdelkrim Zbidi ce qui est porteur de beaucoup de messages et qui l'obligera à prendre des engagements concernant le processus électoral en cours devant aussi bien ses ministres que devant le chef de l'Etat et l'opinion publique.
Il y a eu ensuite l'épisode de règlement de compte avec l'arrestation de Nabil Karoui à un péage d'autoroute et la fouille au corps de Hafedh Caïd Essebsi à l'aéroport. Il ne s'agit nullement ici de défendre l'une ou l'autre personne citée. Il s'agit de défendre à un jeune gouvernant visiblement obnubilé par le pouvoir, d'utiliser les moyens et les structures de l'Etat pour régler ses comptes avec ses concurrents et ses ennemis. Il s'agit de défendre un Etat de droit qui se conforme strictement à la loi même face aux plus odieux des malfrats et des criminels. Il s'agit de défendre une République civile et démocratique contre toute velléité de retour en arrière, d'autoritarisme ou de dictature. On ne s'attardera pas sur la bêtise de refuser la cité de la Culture pour abriter la commémoration du quarantième jour du décès de feu Béji Caïd Essebsi. C'est trop puéril et mesquin de la part de ceux qui ont cru qu'il était possible de gagner une bataille contre l'histoire. Or il s'avère que Bajbouj fait désormais partie de l'histoire de ce pays.
En quelques jours donc, Youssef Chahed s'est rendu coupable de mensonge, de fourberie, de banditisme d'Etat et de bêtise politique. Tous les ingrédients pour en faire un dictateur bien de chez nous. Les cireurs de pompes, les panégyristes, les bouffons et autres escrocs et opportunistes qui devraient constituer le gros de sa cour se bousculent déjà au portillon.