La juge et présidente d'honneur de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), Raoudha Karafi, a appelé la présidence de la République et le ministère de l'Intérieur à fournir des explications quant à l'existence d'un tunnel menant vers la résidence de l'ambassadeur de France en Tunisie. « Les autorités tunisiennes doivent communiquer dans ce genre de situation afin de rassurer les Tunisiens », a-t-elle ajouté. Invité le 3 novembre 2021 par la radio Shems FM, Raoudha Karafi a, également, salué l'arrestation du meurtrier de Firas Kacem. « Les Tunisiens doivent ressentir l'existence d'une justice et d'une sécurité qui les protégeront », a-t-elle déclaré. Par la suite, la présidente d'honneur de l'AMT a considéré que la justice tunisienne était dans une phase de construction. La Constitution a, par la suite, concrétisé l'indépendance de la justice. La mise en place d'un système judiciaire indépendant dans le cadre de l'Etat de droit et de la démocratie, selon elle, nécessite du temps. « Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) est un acquis. Nous ne devons pas le dissoudre ou le détruire », a-t-elle affirmé.
Au sujet de la promulgation d'un décret concernant le CSM, Raoudha Karafi a considéré qu'il s'agissait d'ingérence dans la justice tunisienne et portait atteinte à son indépendance. Selon elle, le pouvoir judiciaire ne peut être régit par des décrets émanant du pouvoir exécutif et de façon unilatérale. Une législation doit émaner d'une assemblée législative et doit subir un contrôle de constitutionnalité du texte. La juge a, par la même occasion, déploré la dissolution de l'Instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi (IPCCPL). « Nous n'avons aucune garantie face à la monopolisation des pouvoirs par le président de la République. La situation est dangereuse et effrayante. L'impossibilité de s'opposer aux décrets présidentiels signifie une annulation de la justice administrative ! », a-t-elle critiqué.
« Nous sommes dans un système autocratique. Le président ne doit pas toucher au CSM puisque la Tunisie se trouve déjà dans une situation fragile. J'ai peur que tout ce qui se passe actuellement soit orchestré ! L'Inspection Général du ministère de la Justice doit faire son travail ! La ministre de la Justice doit s'opposer aux atteintes au CSM. Le président de la République ne doit pas menacer les juges. C'est au ministère public de poursuivre les corrompus et d'ouvrir les enquêtes.Les paroles du président de la République ont provoqué des campagnes visant plusieurs magistrats. Il doit arrêter ses discours d'incitation ! », a-t-elle déclaré. « Nous ne sommes plus dans l'état d'exception ! Nous sommes en dehors de la légitimité constitutionnelle ! Il n'y a pas d'état d'exception sans assemblée législative, de contrôle de constitutionnalité des lois et sans délai ! », s'est-elle exclamée.
La présidente d'honneur de l'AMT a considéré que l'affiliation du CSM au pouvoir exécutif portera atteinte à l'intégrité de la justice et conduira à une instabilité au sein de ce pouvoir. Elle a, également, estimé que la proposition du président de la République était inapplicable. Elle a critiqué l'élection d'un tiers des membres du CSM par des magistrats à la retraite. « Nous ne devons pas oublier que plusieurs juges étaient au service du système de Ben Ali. Ces derniers ont contribué à la mise en place de la dictature et à restreindre les libertés. D'autres juges se sont rapprochés de partis politiques après la révolution. Comment allons-nous les identifier ? Le président de la République avait affirmé, le 25 juillet 2021, qu'il présidera le ministère public. Ceci montre ses intentions ! », a-t-elle déclaré.