On aura tout vécu durant cette année 2021. Celle-ci constituera probablement sinon surement une période marquante dans l'histoire du pays dans tous ses aspects, politique, socioéconomique et culturel. Car, rarement pays ne s'est retrouvé sur un chemin de crête aussi périlleux. D'un côté une pente relativement douce mais non sans risque qui permet néanmoins au pays de reprendre son souffle et pouvoir de la sorte escalader un nouveau versant menant vers plus de progrès et de prospérité et de l'autre une descente si abrupte que le moindre faux-pas risque de faire éclater le pays en plusieurs morceaux. Malheureusement, cette position risque bien de perdurer si l'on s'en tient au contenu de la récente intervention du président de la République, Kaïs Saïed. Une intervention qui s'apparente plus à des ragots de quartier qu'à une feuille de route claire, dans la continuité des décisions du 25 juillet et conséquemment du décret 117 organisant de nouveaux pouvoirs, indépendamment de la position que l'on peut avoir à l'égard de ce processus. En tout cas, l'incertitude demeure totale pour, au moins, une année encore. Elle l'est du point de vue politique dans la mesure où l'élection d'un nouveau parlement qui consacre la fin de cette période transitoire n'est prévue qu'à la fin de l'année prochaine. Un objectif ambitieux pour ne pas dire illusoire dans l'hypothèse où le pays décide de changer le mode de scrutin, d'un scrutin de liste vers un scrutin uninominal comme semble le souhaiter le chef de l'Etat. Car, pour cela, il faudra changer du tout au tout le logiciel de gestion de l'élection parlementaire de l'ISIE (Instance supérieure indépendante pour les élections). Or, plus le choix du mode de scrutin tarde à être établit, plus l'ISIE sera dans l'incapacité organisationnelle et logistique d'être au rendez-vous de cette échéance électorale.
L'incertitude l'est également et plus qu'ailleurs au niveau socioéconomique. Le chef de l'Etat a pratiquement zappé ce qui constitue le plus gros défi qu'affronte actuellement le pays dans le mesure où les risques d'effondrement sont réels, palpables. Aurait-il conscience que le pays va enregistrer cette année l'un des plus faibles rebonds techniques de croissance dans le monde après la chute brutale d'activité de 2020, conséquente à la pandémie du Covid-19 ? Au sein de la zone MENA-Asie centrale, la Tunisie afficherait cette année, selon la Banque mondiale, le plus faible taux de croissance après le Liban. Ce constat résume à lui seul les autres « performances » socioéconomiques du pays, que ce soit en termes d'investissement, d'emploi et de chômage, de revenu et de conditions de vie, etc.. Partant, il est pour le moins stupéfiant que le discours télévisé de Kaïs Saïed se réduise à deux mesures déjà annoncées, celle de la réconciliation pénale et l'autre qui remet au goût du jour le concept des sociétés coopératives ouvrières de production (Scop). Cela ne peut constituer un dessein, ni esquisser une vision, ni résoudre les problèmes socioéconomiques les plus urgents. En tout cas, cela ne résoudra pas de façon significative les déficits jumeaux, budgétaires et de paiements courants, ni ne freinera les besoins de financement de l'Etat et donc l'endettement du pays qui a atteint un seuil mettant en péril non seulement la capacité du pays à honorer ses engagements à l'échéance, mais également le système bancaire à travers les banques détenant une forte proportion de créances publiques par rapport à leurs fonds propres. La dégradation récente de la note de certaines banques de la place par l'agence de rating Moody's s'appuie entre autres sur ce constat. On pourrait énumérer bien d'autres aspects de la situation socioéconomique nécessitant un traitement d'urgence que les propos du président de la République ont totalement occulté.
Cela étant, est-ce que le chef de l'Exécutif peut encore combler les lacunes de son allocution télévisée du lundi 13 décembre 2021 ? C'est toujours possible à la faveur d'une campagne de communication des membres de son gouvernement qui, chacun pour ce qui le concerne, exposeraient sa vision, le programme qui la sous-tend et les modalités de sa mise en œuvre. Que Sihem Nemsia, ministre des Finances, vienne exposer les projets de loi de finances et de budget de l'Etat et donner un aperçu des réformes que le département compte engager à partir de l'année, par exemple. Que Samir Saïed, ministre du Développement économique et de la Coopération puisse fournir les axes stratégiques du plan de développement 2022-2025 en cours d'élaboration par son département est un autre exemple. On pourrait allonger la liste des exemples. L'attente est là et la réponse est des plus urgentes.