Deux week-ends joyeux successifs ! C'est un bon présage ! Soyons optimistes, peut-être que le Messie va arriver et sauver ce pays du marasme dans lequel il est. Après celui de l'aïd, le week-end dernier a apporté son lot de bonnes nouvelles dont nous avons bien besoin. La tenniswoman Ons Jabeur (7e mondiale) a remporté le tournoi de Madrid samedi . Ah que c'est agréable de voir le drapeau national en haut du podium hissé par une Tunisienne. Merci Ons pour cette finale, c'était un beau match. Il y avait du jeu, du suspense et du spectacle. Ce prix est le couronnement d'années de travail acharné, avec des hauts et des bas, des certitudes et des doutes. Le travail sérieux est toujours couronné de succès, c'est une règle immuable. Merci Ons de nous l'avoir rappelé, merci pour tous ces moments. Avec ton équipe, tu es une fierté pour la Tunisie, pour le sport tunisien et pour la femme tunisienne. L'autre fait plaisant du week-end, et c'est une joie mauvaise, c'est assurément la débâcle de la manifestation pro-régime organisée hier au centre-ville de Tunis. On a mobilisé les bus et les gouverneurs pour ramener des milliers de personnes parmi les soutiens de Kaïs Saïed. Au lieu de milliers, il y en a eu que des centaines. Quelques centaines. Le peuple, dont parle tout le temps le président de la République, n'était pas au rendez-vous. A l'exception de la Corée du Nord, il n'y a plus de pays où le peuple descend dans la rue pour manifester son approbation au régime. Ce temps-là est révolu, mais Kaïs Saïed ne le sait pas visiblement.
Depuis le 25-Juillet, date à laquelle il s'est accaparé tous les pouvoirs, Kaïs Saïed est manipulé par des ministres et des groupes d'influence qui lui font croire des choses qui n'existent pas. Il est, on dirait, comme un pantin dirigé, dans tous les sens, par plusieurs marionnettistes pour différentes raisons. La dernière manipulation date de jeudi dernier quand il s'est dirigé vers ce bain de foule face au ministère de l'Intérieur, avant d'aller boire un café. Tous les Tunisois le savent, il y a très peu de personnes qui rôdent à l'avenue Habib Bourguiba à minuit et il n'y a pas de cafés ouverts à cette heure. Pas face au ministère de l'Intérieur en tout cas. Qui sont ces dizaines de personnes, hommes et femmes, réunies autour du président pour l'acclamer et crier, à tue-tête, « nouvelle république » ? Des gens que quelqu'un a ramené pour faire croire au président que le peuple l'aime et l'acclame. C'est de la pure manipulation grotesque et indigne.
A plusieurs reprises, Kaïs Saïed a parlé du succès de sa consultation nationale. Or cette consultation a été un fiasco total et les chiffres le démontrent. Mais quelqu'un lui a expliqué et l'a convaincu qu'elle était un succès, ce qui l'a poussé à répéter sans cesse ce qu'on lui a dit. On lui a également dit que la plateforme de la consultation a fait l'objet de 120.000 attaques et il a répété invariablement ce qu'on lui a dit, sans se douter qu'il était en train de se ridiculiser. Explication. Pour être prise en considération, la consultation devait voir la participation d'autant d'hommes que de femmes. Elle doit être représentative de l'ensemble des couches sociales, de l'ensemble des régions et de l'ensemble des âges selon la répartition officielle telle que définie par le dernier recensement. Tous les instituts de sondage connaissent cette règle basique et l'appliquent scrupuleusement dans toutes leurs enquêtes. Pour la consultation nationale, de prime abord, le nombre de participants a été de 83% inférieur à l'objectif initial annoncé par le ministre de la Jeunesse à son lancement. 535.000 participants sur trois millions (au minimum) espérés. Mieux, les 535.000 participants sont sujets à caution puisque, comme l'ont remarqué plusieurs journalistes et observateurs, une même personne pouvait participer à plusieurs reprises à l'enquête. C'est une évidence, pour beaucoup, il y a eu 535.000 visites et non 535.000 visiteurs uniques. Enfin, et à propos des attaques de piratage dont parle le président, le chiffre prête vraiment à rire. Quand un « pirate » tente d'attaquer un site ou une plateforme, il envoie des milliers de requêtes. Il est possible qu'une ou deux personnes envoient 120.000 requêtes, soit pour pénétrer la plateforme, soit pour la tester. Cela n'autorise pas à dire qu'il y a eu 120.000 attaques, comme le fait le président, il n'y en a peut-être eu qu'une seule ou deux. Si un parti, ou une partie, est capable de mobiliser 120.000 personnes pour attaquer la plateforme de la consultation nationale, il (ou elle) aurait la possibilité de prendre le pouvoir carrément. Aucun site web au monde ne résisterait aux attaques envoyées par 120.000 personnes à la fois. Ce n'est un secret pour personne que Kaïs Saïed ne comprend rien aux nouvelles technologies, il l'a avoué lui-même. Mais c'est une évidence, quelqu'un lui a menti et lui a donné ce chiffre de 120.000 attaques et il l'a répété à plusieurs reprises. C'est comme si quelqu'un lui a mis dans la tête qu'il est assailli de toutes parts dans l'objectif de lui nuire et de nuire au « pauvre peuple tunisien affamé ».
Ce n'est pas la première fois que le président se met dans la posture du président ciblé, assailli et attaqué. On l'a déjà vu avec l'histoire de l'enveloppe empoisonnée, du pain contaminé ou encore du tunnel menant vers la résidence de France. Un projet criminel, disait alors Kaïs Saïed, devant ce qui s'est avéré ensuite être un trou dans un jardin. N'est-ce pas une manipulation du président que de lui dire que ce trou était un tunnel au point qu'il est allé lui-même sur le terrain, très tard le soir, accompagné de sa cheffe du gouvernement ? Il y a plein d'autres exemples de ce type, comme l'histoire du TGV qu'il veut lancer, l'histoire rocambolesque de 13500 milliards volés par 146 hommes d'affaires, « Ommek sannefa », etc. Soit, il y a quelqu'un qui souffle au président ces idées ridicules, soit il n'y a personne pour l'arrêter et lui dire qu'il ne faut pas dire ça publiquement. Dans un cas, comme dans l'autre, le président se ridiculise publiquement.
Si ce genre de faits est anecdotique et fait juste ternir l'image du président de la République, d'autres types de manipulations ont de graves incidences sur des citoyens innocents. Ainsi le cas de toutes ces personnalités politiques qu'il a mises en résidence surveillée et qu'il a interdites de voyage en août et septembre derniers. Qui a manipulé Kaïs Saïed pour lui faire croire que ces personnes sont coupables de quoi que ce soit ? Elles ont toutes été libérées sans aucune charge contre elles. Il est derrière l'arrestation sauvage de Noureddine Bhiri, assigné à résidence pendant des semaines. Le ministre de l'Intérieur a déclaré que l'islamiste était impliqué dans une affaire terroriste. Il a ensuite été libéré sans aucune charge ! Qui a manipulé le président dans ce dossier et pourquoi n'a-t-on pas présenté un vrai dossier bien ficelé ? L'injustice la plus flagrante demeure celle de l'ancien ministre Mehdi Ben Gharbia qui a fait l'objet d'une tentative de racket de 50.000 dinars (15.000€), quelques jours avant son arrestation. Malgré la décision du juge de le libérer, M. Ben Gharbia est toujours en prison, alors que ses racketteurs jouissent encore de leur liberté.
Pour se prémunir de la manipulation, il faut lire Machiavel et Schopenhauer, mais ce ne sont pas les références de Kaïs Saïed qui préfère citer Omar Ibn El Khattab et Al Ikhchidi. Si au moins, il tirait leurs leçons en matière de justice, mais il n'en est même pas capable, tant il est ébloui par le pouvoir. Si on réussit à manipuler quelqu'un, c'est que ce quelqu'un est manipulable. Et Kaïs Saïed fait partie de ces « quelqu'un » hélas. On l'a encore vu la semaine dernière, quand il a reçu cette dame qui, la veille, chantait ses louanges à la télé. Ce n'était même pas des louanges, c'était un grossier mensonge ! Il suffit donc de lancer un grossier mensonge à la télé pour être reçu par le président ! N'est-ce pas là la preuve absolue, que ce président est une marionnette que chacun manipule à dessein ? Les uns pour le caresser dans le sens du poil, les autres pour asseoir leur pouvoir et les autres encore pour obtenir des faveurs ou pour éviter ses colères. Le souci n'est pas dans la manipulation du président. Lui il va partir tôt ou tard, comme sont partis 100% de ses prédécesseurs. Le souci est dans cette frange du peuple qui se fait manipuler par ce président et qui se laisse aller au gré du vent, par l'émotion et le verbe d'hommes politiques niais ou machiavéliques. Une fois, ce sont les révolutionnaires, une autre ce sont les islamistes, une autre encore ce sont les RCDistes et ça ne finit pas. Il suffit pourtant d'un peu de bon sens et de raisonnement pour que ce peuple ne se fasse pas avoir une énième fois.