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Indécence d'Etat
Publié dans Business News le 06 - 06 - 2022

La semaine a été riche, le président de la République et sa hachia (cour) n'ont pas chômé. Lundi, Kaïs Saïed a tiré à boulets rouges sur la commission de Venise qu'il accuse d'ingérence dans les affaires intérieures de la Tunisie avant de déclarer ses membres personae non gratae sur le territoire de la République.
Leur tort ? Avoir fait leur travail, c'est-à-dire donner un avis sur l'indépendance de l'Instance supérieure indépendante des élections. Instance qui a perdu totalement son indépendance depuis que ses membres sont désignés par le président.
La commission de Venise ne s'est pas réveillée le matin pour donner son avis, elle a agi sur demande de la délégation de l'Union européenne en Tunisie.
Maintenant que la commission de Venise a été publiquement humiliée par le président, il serait intéressant de voir comment son gouvernement va obtenir le lobbying nécessaire pour que le FMI lui accorde un crédit. Kaïs Saïed sait-il que sans l'appui de l'Union européenne, il ne peut rien obtenir ? Il ne peut même pas vendre de cacahuètes. Comme a dit feu Bourguiba, il faut être indépendant pour parler de souveraineté. Or la Tunisie est fortement dépendante des autres pays et notamment de l'Union européenne, premier client et premier fournisseur. Dépendante en tout, indépendante en rien.

L'autre événement de la semaine est l'ouverture, samedi, de cette sorte de Dialogue national qui ne dit pas son nom. Aux participants, le président Sadok Belaïd a demandé de rédiger, en deux feuilles et sous 72 heures, leur vision de la Tunisie dans quarante ans.
À propos de cette réunion et de ses invités, me vient à l'esprit cette citation de Gustave Le Bon qui en 1895 dans son ouvrage « Psychologie des foules » a dit : « Ce n'est pas le besoin de la liberté, mais celui de la servitude qui domine toujours dans l'âme des foules. Elles ont une telle soif d'obéir qu'elles se soumettent d'instinct à qui se déclare leur maître ».
Pensée à Mokhtar Khalfaoui, Leïla Toubel, Samir Majoul, Mongi Rahoui et quelques autres qui se sont assis aux côtés de Najib Dziri, Fatma Mseddi and co. Vous faites honte mes amis.
Pensée à Soufiane Ben Farhat, Fadhel Abdelkefi et Noureddine Taboubi, vous honorez votre nom, votre fonction et votre pays, mes amis.
Une petite leçon à Sadok Belaïd. Je déteste donner des leçons, mais il en a bien besoin, lui qui a demandé à ses invités de donner leur vision pour la Tunisie dans quarante ans. Documentez-vous sur « la Prospective », cette science créée au début du XXe par Gaston Berger. Elle consiste à élaborer des scénarios possibles et impossibles du futur de l'être humain. Il ne s'agit pas de prévoir l'avenir, il ne s'agit pas d'avoir des révélations, il s'agit d'avoir une approche rationnelle et holistique. Il s'agit de toute une science, Monsieur Belaïd, et cette science ne peut en aucun cas être résumée par quelques hurluberlus serviles en deux feuilles sous 72 heures.
Question, enfin, pour Mme Bouden, cheffe du gouvernement, grande écartée du dialogue national. Quelle est la portée du programme que vous avez établi pour le soumettre au FMI ? Nous, en tant que Tunisiens, doit-on prendre en considération votre programme, diffusé vendredi, ou bien celui de Sadok Belaïd mis en route samedi ? Est-ce que vous êtes en train de vous moquer du FMI (et de nous) ou bien est-ce que le président de la République se moque de vous (et de nous) ?

L'événement majeur de la semaine est incontestablement cette révocation de 57 magistrats et la publication d'un décret-loi permettant au président de la République de révoquer n'importe quel magistrat. Ce décret-loi 35 est une violation de l'article 107 de la Constitution qui énonce clairement : « Le magistrat ne peut être révoqué, ni faire l'objet de suspension ou de cessation de fonctions, ni d'une sanction disciplinaire, sauf dans les cas et conformément aux garanties, fixés par la loi et en vertu d'une décision motivée du Conseil supérieur de la magistrature ». Passons, ce n'est pas la première fois que le président viole la constitution.
Dans son monologue du 1er juin 2022, Kaïs Saïed a énoncé quelques raisons de sa décision de révoquer 57 magistrats. Il dit s'être appuyé sur des rapports qui ne font pas l'objet d'un doute et qu'il n'y a pas d'injustice. Merci de croire sur parole les rapports des services de renseignements, les rapports de police, les posts Facebook de quelques racketteurs et les dénonciations de délateurs intéressés.
Le fait est que le président a affirmé publiquement que certains, parmi les magistrats, sont accusés d'adultère (ou de rapports sexuels, puisque l'arabe autorise les deux traductions), d'enrichissement, d'entrave aux enquêtes et aux poursuites de suspects, etc.
En quoi ces motifs sont contraires à la loi ? Que fait le président de la République dans la chambre à coucher et qu'est-ce qu'il en a à faire si un ou une juge a des rapports sexuels ou trompe son ou sa partenaire ? Est-ce la mission du chef de l'Etat et le rôle de la République de s'intéresser aux culs des citoyens ? En quoi l'enrichissement d'un juge pose problème si cet enrichissement n'est pas illicite et qu'il est justifié ? Qu'un juge empêche la police de faire ce qu'elle veut et d'emprisonner qui elle veut, n'est-ce pas là son rôle premier ? Ce n'est pas pour cela qu'on exige un mandat d'un juge avant toute perquisition par la police ? C'est quoi ce délire du président de la République de punir des gens pour avoir fait leur travail ?
Le pire est que le président, dans son décret, a interdit tout recours immédiat. Or, depuis la nuit des temps, depuis l'époque romaine et la naissance de ce qu'on appelle justice, il y a toujours eu le droit à la défense, le droit au recours et la présomption d'innocence. En résumé, le droit à la justice ! Kaïs Saïed, par son décret, a bafoué un des droits premiers de l'humanité ! Pensée aux avocats et à leur bâtonnier : sans le droit à la défense, ils n'existeraient pas !

Le problème, et c'est vraiment un gros problème, c'est que de nombreux Tunisiens ont fortement applaudi la décision du président. Depuis le temps qu'on appelle, en vain, à l'assainissement de la justice, il était temps que vienne quelqu'un exaucer ce vœu.
Les Tunisiens ne peuvent pas comprendre comment une juge peut être interceptée avec 1,5 million de dinars en devises et libérée de suite.
Ils ne peuvent pas comprendre comment Taïeb Rached avoue publiquement être un gachar de terrains (intermédiaire) et rester libre. Pire, il était premier président de la cour de la cassation.
Ils ne peuvent pas comprendre comment l'ex procureur Béchir Akremi est accusé d'étouffer 6268 dossiers terroristes et ne pas être interrogé à ce sujet, ni arrêté.
Ils ne comprennent pas comment les instances professionnelles des magistrats (AMT et SMT) peuvent défendre ces deux énergumènes qui ont bien sali le corps.
Ils ne comprennent pas comment un voyou comme Seïf Eddine Makhlouf peut injurier publiquement un magistrat, agresser verbalement et physiquement une femme et rester libre. Idem pour Néji Jmal.
Les Tunisiens ne comprennent pas ce corporatisme aveugle qui empêche, depuis onze ans, d'assainir la justice.
Kaïs Saïed a averti des dizaines de fois les magistrats et leur a demandé d'assainir leur corps et il n'y a point eu de réponse.
Tout cela est vrai et les Tunisiens ont raison d'applaudir toute opération d'assainissement de la justice.

Sauf que le sujet est plus complexe et ce qu'a fait Kaïs Saïed n'est pas de l'assainissement, c'est une revanche et un règlement de comptes.
La lenteur de la justice s'observe partout dans le monde, y compris dans les pays les plus développés. Des affaires qui restent cinq ans, c'est très courant et pas que chez nous.
Notre appareil judiciaire souffre, hélas, de problèmes structurels. Il est à la portée à tout un chacun d'entrer dans une salle du palais de justice pour constater les centaines de dossiers examinés par un juge.
Les magistrats sont défaillants ? C'est indéniable, mais ils font partie de toute une société elle-même défaillante. Qu'on me cite un seul corps qui ne le soit pas. Entrez dans n'importe quel hôpital pour constater les défaillances du corps médical. Notre sport est à des années lumières de ce qui s'observe ailleurs. Nos médias sont des amateurs comparativement à ce qui existe outre Méditerranée. Nos hommes d'affaires sont de petits joueurs. Notre climat des affaires ne favorise en aucun cas l'émergence d'un Elon Musk ou d'un Mark Zuckerberg. Et notre police ? Et nos avocats ? Et notre fonction publique ? Et notre système bancaire ? Qui de nos ingénieurs a créé un semblant d'outil servant l'humanité ? Laquelle de nos chansons a fait le tour du monde pour se hisser au top 50 ? Laquelle de nos séries a mérité d'entrer dans le catalogue de Netflix ou d'Amazon et lequel de nos films a obtenu un César ou un Oscar ?
Ce qu'a fait Kaïs Saïed, c'est jeter le bébé avec l'eau du bain.
Il y a, parmi les 57, plusieurs cas d'injustice flagrante. Pas uniquement celui de la magistrate que le président et ses proches ont jeté en pâture à cause d'une hypothétique affaire d'adultère.
Samedi dernier, lors de leur réunion, les magistrats étaient nombreux pour parler de l'injustice qu'ils ont subie. La majorité a déclaré avoir refusé d'obéir aux ordres. Parmi les témoignages, celui évoqué par Business News il y a deux semaines, avec les intimidations subies par le juge d'instruction chargé du dossier de Mehdi Ben Gharbia. Il n'a rien trouvé dans le dossier, il a décidé la libération, il a été intimidé avant d'être révoqué.
Les témoignages livrés samedi ne sont pas exhaustifs, plusieurs ont parlé en aparté et attendent encore le moment propice pour divulguer, au public, ce qu'ils ont comme secrets (et scandales) liés au palais et à la ministre de la Justice. Nous savons déjà ce qu'il en ressort et nous ne manquerons pas de relayer ces informations en temps et en heure.

Kaïs Saïed a été malin et pernicieux dans cette affaire. Il a ouvert la liste avec les noms de juges controversés (Taïeb Rached et Béchir Akremi) ce qui a donné du crédit à sa liste et déclenché un tonnerre d'applaudissements. Ces deux noms lui ont permis d'inclure qui il veut parmi les magistrats qui ont refusé de violer la loi et les procédures pour servir ses desseins politiques.
Kaïs Saïed n'a pas touché que les magistrats véreux, il n'a pas cherché à assainir le corps. Il a fait, en pire, ce qu'a fait Noureddine Bhiri il y a dix ans : régler des comptes. L'islamiste, au moins, a autorisé le droit de recours et n'est pas entré dans la chambre à coucher des magistrats.


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