Le président de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), Anas Hmaidi a considéré que la décision de révocation de 57 magistrats prise par le chef de l'Etat, Kaïs Saïed, était symbolique et servait de message au reste des juges. Il a assuré que les magistrats révoqués étaient chargés de dossiers concernant des opposants politiques à Kaïs Saïed. S'exprimant à l'occasion de la conférence de presse tenue par la coordination des instances judiciaires à la date du 9 juin 2022, Anas Hmaidi a assuré que les magistrats révoqués n'ont pas fait l'objet d'enquêtes ouvertes par l'inspection générale du ministère de la Justice. « Ils ont fait l'objet de rapports sécuritaires… Il s'agit de rapports élaborés par le ministère de l'Intérieur… Pourquoi ne parle-t-on pas de la corruption au sein de ce ministère ? Pourquoi le président de la République ne parle-t-il pas du ministère de l'Intérieur ? », a-t-il déclaré. Le président de l'Association des magistrats tunisiens (AMT) a, également, déploré l'attitude de la ministre de la Justice, Leila Jaffel. Anas Hmaidi a considéré que la ministre de la Justice était à la botte du chef de l'Etat, Kaïs Saïed. « Elle est chargée d'appliquer l'agenda de son seigneur... Je me permets de le dire... Elle est au service du président de la République », s'est-il exclamé. Il a affirmé que la révocation du président du Conseil supérieur de la magistrature, Youssef Bouzakher était infondée. « Le président a pris pour cible les symboles de la magistrature. Il a révoqué Youssef Bouzakher en raison de son opposition à la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature… Je mets le président de la République au défi de prouver la culpabilité de ce dernier », a-t-il ajouté.
Par la suite, Anas Hmaidi a expliqué que les révocations ont porté sur l'inspecteur général, deux procureurs généraux, deux premiers présidents auprès des Cours d'appel, le procureur de la République de Tunis, un président d'une chambre criminelle auprès de la Cour d'appel, une présidente d'un tribunal de première instance et le doyen des juges d'instruction. Il en a déduit que le président avait pris pour cible les hautes fonctions de la justice tunisienne. La liste, selon la même source, inclut 19 représentants du ministère public dont un procureur de la République auprès du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme. Pour ce qui est du corps chargé des instructions, Anas Hmaidi a indiqué que dix juges d'instruction dont deux auprès du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme et un juge auprès du pôle judiciaire financier. « Plus de la moitié représente le corps des juges d'instruction et des représentants du ministère public… Ceci reflète l'intention du président de la République de mettre la main sur la justice tunisienne… Ceux qui ont dit non aux instructions du président de la République et de la ministre de la Justice se sont retrouvés sur cette liste… Le ministère public et les juges d'instruction pour avoir refusé d'être exploités par le président de la République dans le cadre de règlements de comptes avec les opposants politiques », a-t-il poursuivi.
Anas Hmaidi a considéré que la révocation de 57 magistrats ne visait pas à lutter contre la corruption, mais à créer des vacances au sein des postes clé afin d'y nommer, par la suite, des personnes prêtes à appliquer l'agenda du président de la République. Il a affirmé que les adhérents de l'Association des magistrats tunisiens, du Syndicat des magistrats tunisiens, de l'Union des magistrats de la Cour des comptes, de l'Association des magistrates tunisiennes, de l'Union des magistrats administratifs et de l'Association tunisienne des jeunes magistrats refusent toutes nominations aux postes de leurs collègues révoqués. « Le président de la République Kaïs Saïed a enfreint les dispositions de la constitution. Il a enfreint les dispositions du préambule garantissant la séparation des pouvoirs en procédant à la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature. Il a enfreint les dispositions de l'article 24 relatif à la protection des données personnelles et de la vie privée des citoyens en évoquant les révocations. Il a enfreint les dispositions de l'article 107 relatif à la mutation, la révocation et aux sanctions disciplinaires. Celles-ci doivent émaner du conseil supérieur de la magistrature », a-t-il dit.
Anas Hmaidi a, aussi, affirmé que le chef de l'Etat n'a pas respecté les règles d'entrée en vigueur des textes de lois. Il a expliqué que le président avait annoncé la révocation des magistrats et la création de la liste et qu'il avait par la suite procédé à la révision de la loi relative au Conseil provisoire de la magistrature. Le président de l'AMT a insisté sur la solidarité entre les magistrats et a appelé le président de la République à annuler la décision de révocation de 57 magistrats par décret. Il a expliqué que les magistrats ne se soumettront pas aux menaces telles que celles profanées par l'un des membres de l'Instance supérieur indépendante pour les élections.