Le doyen et président de la commission consultative nationale pour une nouvelle République, Sadok Belaïd, est intervenu ce lundi 4 juillet 2022, sur la télévision nationale pour revenir sur le projet de constitution soumis au référendum et la version proposée par la commission. Sadok Belaïd a souligné que la version remise par la commission au président de la République, Kaïs Saïed, était axée sur le volet économique qui a été totalement supprimé du projet publié dans le Jort. « Notre problème est économique, c'est la priorité, le politique est le corollaire mais c'est l'économie qui doit bénéficier de toute l'attention. Nous avons dédié le premier chapitre du projet que nous avons élaboré à l'économie et cela a été supprimé, c'est quoi ça ! Je vous le dis vous êtes à côté de la plaque, cette constitution n'a que l'objectif de consacrer un régime présidentialiste à l'image du président, les deux projets sont comme deux lignes parallèles, ils ne se rencontrent jamais ! » a-t-il déclaré.
Sadok Belaïd avait, rappelons-le, indiqué, dans une lettre, que des modifications partielles auraient été acceptables de manière générale, mais que « malencontreusement, dans le cas d'espèce, des modifications fondamentales ont été opérées. Il est donc de notre devoir d'annoncer avec force que le texte publié n'a rien à voir avec le projet présenté au président de la République. En ma qualité de président de la commission consultative et après consultation de Amine Mahfoudh, je déclare avec regret que la commission dégage totalement sa responsabilité du projet soumis au référendum ». Il a ensuite dressé une liste préliminaire des aspects les plus dangereux de la nouvelle constitution : -Défiguration de l'identité tunisienne. -Un retour suspect à article 80 de la constitution de 2014, à propos du « péril imminent » à travers lequel le président se garantit des prérogatives élargies, dans des conditions qu'il définit seul, ce qui constitue un prélude à un régime dictatorial. -L'absence de responsabilité politique du président. -Un système régional et territorial obscur et ambigu qui n'augure rien de bon. -Une organisation inadéquate et tronquée de la Cour constitutionnelle, notamment un système de désignation de ses membres exclusivement de la magistrature, ce qui toucherait à son indépendance. -L'absence de la dimension économique, sociale, culturelle et écologique. Aujourd'hui, dans une interview donnée au journal français Le Monde, Sadok Belaïd affirme qu' « idéologiquement, il s'agit d'un modèle rétrograde et dépassé » et « demande simplement au chef de l'Etat d'annuler son projet, qui a une valeur déplorable ». Le constitutionnaliste pense que le président de la République doit « relancer le débat auprès de l'opinion publique sur l'ensemble de la construction du pouvoir dans notre pays », à travers un dialogue plus large.
M. Belaïd estime que « le pouvoir est en train de s'orienter, à travers le soi-disant principe du présidentialisme, vers l'établissement d'une sorte de dictature sans fin dans le pays au profit du président actuel ».