Le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, a donné ce soir, du samedi 23 juillet 2022, une interview au journaliste de Zitouna TV, Ameur Ayed. Rached Ghannouchi a clairement appelé au boycott du référendum de Kaïs Saïed, rappelant ainsi la position du mouvement islamiste contre le projet du président de la République, et mettant en doute les résultats du référendum et tout le processus référendaire. Il a souligné que la constitution de Kaïs Saïed est le socle d'un nouveau régime dictatorial par lequel l'actuel président œuvre à s'accaparer tous les pouvoirs à la manière des « pharaons ». « Même si le projet de constitution comporte des références à l'islam, ce que nous apprécions, il restreint les libertés et installe un régime présidentialiste dans lequel tous les pouvoirs sont détenus par une seule et unique personne. Si nous devions choisir entre une constitution remplie de références à l'islam et balayant les libertés et une autre sans la moindre référence à l'islam mais garantissant les libertés et consacrant la démocratie, c'est clairement la seconde que nous choisirons » a affirmé le leader du mouvement islamiste.
Rached Ghannouchi a indiqué que la situation du pays est au pire depuis les mesures du 25 juillet 2021, évoquant la flambée des prix, la pénurie des produits de première nécessité et le harcèlement des intellectuels et des opposants. « Nous avons perdu nos libertés et n'avons pas résolu les problèmes dont nous souffrions avant le 25 juillet, y compris la question du développement. La dernière décennie n'était pas prospère mais n'était pas hors contexte. La Tunisie était une icône dans le monde et a remporté le prix Nobel de la paix pour la première fois de son histoire, et nous avons fait partie de ce processus à travers le consensus qu'il y a eu entre Ennahda et le président Béji Caïd Essebsi, et le consensus entre islamistes modérés et laïcs modérés » a poursuivi Rached Ghannouchi.
Concernant la constitution soumise au référendum, le chef du mouvement Ennahdha a déclaré qu'il s'agit d'une constitution qui a été faite sur mesure par Kaïs Saïed pour Kaïs Saïed contrairement à la constitution de 2014 qui a été élaborée par les forces politiques et civiles, dans le consensus.
Le chef du mouvement Ennahdha a déclaré qu'il n'y a rien à attendre de bon d'une constitution écrite sur mesure, estimant que Kaïs Saïed- qu'il a sans cesse appelé par son unique prénom- se sent investi d'une mission divine et qu'il refuse systématiquement tout dialogue, malgré les appels répétés des forces qui l'entourent. « Ce projet de constitution n'appartient pas à l'ère moderne et nous fera replonger dans l'ère des sultans et des pharaons. Des dictateurs qui se prennent pour dieu. Celui qui a initié ce jeu, est celui qui en a posé les règles et ses discours sont des projets de guerre civile. Il n'y a pas plus grand danger que la dictature et l'exclusion » a-t-il ajouté.
Rached Ghannouchi a également évoqué le projet d'un Front d'opposition qui devra se pencher sur les questions économiques et proposer un plan de sauvetage du pays avec l'organisation, à terme, d'élections « législatives et présidentielle anticipées ».
Il convient de rappeler que l'animateur Ameur Ayed avait été arrêté en octobre 2021 pour avoir qualifié le président de la République « de frère d'Hitler », de « enfant illégitime » avant d'ajouter qu' il « se cachait sous les jupons d'une femme pour sauver son coup d'Etat ».