Le syndrome des murs vides dont nous avons été témoins lors de la campagne référendaire va-t-il se répéter cette année ? Les Tunisiens se sont retrouvés, avant le 25 juillet 2022 date du référendum, face à une campagne électorale sans participants puisque les emplacements dédiés aux affiches électorales, préparés par l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), sont restés vides. Le président de la République, Kaïs Saïed, doit publier sa nouvelle loi électorale avant la date du 17 septembre, afin que l'Isie, qu'il avait lui-même nommée, puisse se préparer pour le prochain événement électoral. Ce calendrier,il l'avait précédemment approuvé dans le cadre du calendrier de "rectification de la trajectoire" à laquelle il s'était accroché et dont il avait entamé la mise en œuvre par le biais d'une consultation et d'un référendum. Les chiffres relatifs à ces derniers prouvent leur échec même si Kaïs Saïd, qui est considéré comme étant populaire, a été élu à la présidence par près de 3 millions de voix. Dans le cadre de sa politique de monopolisation de l'opinion et des pouvoirs, le président de la République s'apprête à publier un nouveau texte "historique" qui ne sera pas différent dans son idée générale et dans son contenu de la "constitution historique". La loi électorale sera un texte rédigé unilatéralement à Carthage après une concertation formelle avec son entourage. Elle reprendra le même esprit d'exclusion du processus entamé le 25 juillet et consacrera le projet politique personnel du président : la gouvernance par les bases. Kaïs Saïed ne représente plus cette figure mystérieuse dont le comportement est difficile à prévoir puisqu'il a opté pour un schéma récurrent tout au long de l'année dernière. Ceci a rendu évident ses prochains choix prévisibles. La loi électorale parachutée portera sur le mode de scrutin des membres des deux chambres : l'Assemblée des représentants du peuple et le Conseil national des régions et des districts. Ceci devrait se faire par scrutin uninominal dans les circonscriptions électorales les plus petites.
Les principaux acteurs politiques, ayant fait partie de législature précédente qui s'était soldée par le gel du parlement puis sa dissolution, ont annoncé un boycott du "processus illégitime" et affirmé ne pas participer aux élections du 17 décembre, puisque le contraire signifierait une "normalisation avec la violation de la loi et de la constitution, du coup d'Etat contre les institutions élues et la reconnaissance de la légitimité du processus entamé par le président". Le mouvement islamiste Ennahdha n'a pas encore fait connaître, par le biais d'un communiqué officiel, sa position au sujet des élections. Neanmoins, le parti islamiste est membre du Front de salut national et il doit, en théorie, se conformer aux décisions prises par ce dernier. Le Front de salut national a annoncé son refus, et celui de toutes ses composantes y compris le mouvement islamiste - qui avait la majorité parlementaire aux élections de 2019 avec 52 sièges en début de législature - de participer aux prochaines élections. Qalb Tounes et la coalition Al Karama, faisant aussi partie du même front et principaux alliés du mouvement Ennahdha, sont concernés par cette décision.
Le collectif "Citoyens contre le coup d'Etat", qui avait précédemment annoncé sa transformation en un organe politique ayant l'intention de participer aux élections, a annoncé, à son tour, le boycott des législatives de décembre 2022, conformément à la position du Front de salut national, qui regroupe aujourd'hui la plupart des composantes de l'opposition. De son côté, la présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, a annoncé que le parti ne s'intéressait pas aux élections législatives et ne participera pas au "Conseil de la Choura du califat". Elle considère que la préparation d'une loi électorale sur -mesure et permettre à Kaïs Saïed de fixer les règles du jeu quelques semaines avant la date des élections, était "un crime contre l'Etat".
En attendant qu'Attayar, Ettakatol et Al Jomhouri tiennent des réunions en interne afin de trancher sur la question, l'orientation générale est quasi certaine, selon nos sources, d'une annonce par les partis démocrates du refus de participer aux prochaines élections et la non-reconnaissance de l'ensemble du processus du 25-Juillet puisqu'ils ont précédemment boycotté la consultation à laquelle seulement 500 mille Tunisiens avaient participé. Ils avaient, aussi, boycotté le référendum, qui avait témoigné du boycott de 70% des Tunisiens, puisque près de trois millions de citoyens, sur un total de 9 millions enregistrés sur le registre électoral, y ont participé. A son tour, le secrétaire général du Parti communiste Tunisien, Hamma Hammami a confirmé le boycott par son parti des prochaines élections législatives, qui, selon lui, ne seront qu'un "nouvel épisode de la série "Le Coup" écrite par le président Kaïs Saied".
Les partis ayant choisi le boycott des prochaines dates électorales partagent le rejet de l'ensemble du processus et considèrent le 25-Juillet comme un coup d'Etat à part entière dans lequel le pluralisme politique et le débat public ont été abolis. Ils s'accordent, également, sur le scandale que représente l'élaboration d'une loi électorale de manière unilatérale. Cette loi pourrait comporter des éléments empêchant de nombreux dirigeants de ces mêmes partis de participer aux élections en raison des poursuites auxquelles ils font face.