Contrairement à ce qu'avait avancé son gendre Rafik Abdessalem, c'est un Rached Ghannouchi délirant et totalement à côté de la plaque que nous avons suivi lors d'une interview publiée le 21 janvier 2023 par la chaîne Zitouna TV. Le gourou des islamistes s'est entêté à parler du mouvement Ennahdha comme étant un grand parti victime des pouvoirs contre-révolutionnaires et non de son incompétence. Tout au long de l'interview, le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, n'a fait qu'insister de façon claire ou tacite sur son envie d'un retour vers la situation d'avant le 25 juillet 2021. Comme si d'un simple coup de baguette, on pouvait effacer ce qui s'était passé à partir de cette date-là. Comme si toute cette mouvance politique n'avait jamais existé ! Comme si Ennahdha avait le droit d'agir de façon unilatérale et de s'approprier le pays, c'est-à-dire, user des mêmes subterfuges et manœuvres reprochés au président de la République. Rached Ghannouchi a, aussi, tenté de s'approprier l'échec du pouvoir en place et de le transformer en une victoire du mouvement Ennahdha. Il a qualifié le faible taux de participation au premier tour des législatives de boycott et d'acte révolutionnaire visant le coup d'Etat. Il a esquivé la question du journaliste, Ameur Ayed, évoquant la défaillance de l'élite tunisienne et de la classe politique et a assuré que le 17 décembre 2022 était une victoire de la révolution et une défaite du putschiste, Kaïs Saïed. Un journaliste qui d'ailleurs était plus que complaisant. Tête presque baissée et cumulant les « monsieur » et les « professeur » lancés d'un ton de soumission exemplaire, Ameur Ayed s'est contenté d'évoquer des questions et des remarques mettant en évidence une légitimité du parlement de 2019 et soutenant le mouvement Ennahdha dans ses positions. Le journaliste a, même, tenté de tacler les partis de l'opposition et d'affirmer qu'Ennahdha était le plus grand parti politique.
Rached Ghannouchi a assuré que la Tunisie traversait encore une phase transitoire et que les difficultés auxquelles faisait face le peuple étaient acceptables. Un discours rejetant complètement les défaillances des gouvernements précédents au niveau économique. Ces gouvernements, selon lui, ont des petits problèmes. On aurait même cru qu'il s'agissait de minuscules détails insignifiants. Rached Ghannouchi aurait oublié les graves incidents du Palais El Abdelliya ? L'attaque de l'ambassade américaine à Tunis ? La conquête de l'horloge de Tunis ? Les innombrables sit-in menés par des salafistes dans le but de purifier, on ne sait plus quelle institution ou établissement, notamment celui visant la Télévision nationale ? Les incursions dans les fêtes et les festivals ? Les attentats terroristes, dont ceux de Sousse et du Bardo ? Et les assassinats de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi ? Ces éléments-là ne représentent pour Rached Ghannouchi que des petits détails de l'histoire ou des faits mineurs résultant d'une minuscule défaillance de quelques gouvernements ! Le gourou a, par la suite, évoqué l'acceptation de l'autre et la coexistence. Il a critiqué l'exclusion et l'a qualifié de peste. Etrange approche venant du président d'un parti qui avait tendance à qualifier ses opposants de zéro. Ce discours comporte encore un deuxième volet d'incohérence et de bizarrerie puisque Rached Ghannouchi a tout fait pour s'emparer du mouvement Ennahdha et exclure ses opposants. De nombreux leaders et dirigeants du parti avaient quitté le navire suite à l'entêtement de ce dernier. Ceci a eu lieu avant même l'annonce des mesures exceptionnelles du 25 juillet 2021. L'ancien ministre et ancien député, Zied Ladhari avait démissionné en mai 2021 d'Ennahdha en raison de certaines décisions prises par le parti. Après le 25 juillet 2021, plus de cent personnes ont démissionné en raison de l'entêtement de Rached Ghannouchi, de l'absence de processus démocratique interne et de l'application d'une politique d'exclusion envers certains dirigeants. Le président du parti devrait, donc, recevoir des leçons au sujet de la démocratie et non en donner. Rached Ghannouchi a insisté sur le retour vers un cadre légitime afin de préserver la démocratie et les acquis de la Révolution. Encore une fois, le président du mouvement Ennahdha se retrouve dans une position dans laquelle son discours est à l'opposé des décisions du parti alors qu'il était au pouvoir. Nous pouvons rappeler, qu'au temps du gouvernement Mechichi, des moyens démesurés employés dans le but de bloquer les manifestants en 2021 alors qu'Ennahdha était au pouvoir. Plusieurs dépassements ont été enregistrés. À la suite des manifestations, des raids policiers avaient été organisés pour procéder à l'arrestation d'activistes et de manifestants. En plus d'arrestations de mineurs, des activistes avaient été interpellés en raison de leurs publications sur les réseaux sociaux. Continuant dans son élan de déni, Rached Ghannouchi a évoqué la situation des magistrats et de la justice tunisienne. Il a complètement mis de côté les dépassements et les défaillances des tribunaux tunisiens et de certains ministres de la Justice durant la dernière décennie. Rached Ghannouchi n'est pas revenu sur la révocation de magistrats par l'ancien ministre et figure d'Ennahdha Noureddine Bhiri. Il a, également, ignoré la question de l'absence de réforme du système et de révision des lois durant le règne d'Ennahdha. Le journaliste, en bon sous-fifre qu'il était, a évidemment délaissé ce genre de sujet alors que M. Ghannouchi avait évoqué la poursuite de civils devant les tribunaux militaires.
Affirmant que la communauté internationale rejetait le processus entamé depuis le 25 juillet 2021, Ameur Ayed a interrogé Rached Ghannouchi sur son avis par rapport à cette prise de position. On aurait dit que Ameur Ayed cherchait à affirmer qu'il n'y avait pas de démocratie sans Ennahdha à la tête du pays. Rached Ghannouchi a, aussi, assuré que l'Algérie ne soutenait pas le chef de l'Etat. Pour ce qui est de la situation économique du pays, Rached Ghannouchi a tenu à préciser qu'Ennahdha n'était pas fautive de la situation. Il a qualifié l'argument évoquant un cumul et un héritage de la décennie noire de ridicule. Rached Ghannouchi semble avoir oublié qu'Ennahdha et ses figures avaient usé du même argument en évoquant un cumul et un héritage du régime de Zine El Abidin Ben Ali. Malheureusement, aucun remord ou mea-culpa n'a été prononcé par Rached Ghannouchi. Tout au long de l'interview en question, le président du mouvement Ennahdha s'est entêté à déformer la réalité et à défendre son parti par tous les moyens quitte à tenir les autres responsables des échecs et des défaillances. Il a même affirmé qu'Ennahdha avait toujours défendu la liberté et la démocratie et que les fameux pouvoirs contre-révolutionnaires complotaient dans le but de causer sa chute. Une hypothèse assez similaire à celle des comploteurs et traîtres souvent évoqués par le chef de l'Etat.