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Noureddine Boutar, silence radio !
Publié dans Business News le 21 - 02 - 2023

Après avoir mis au pas l'administration et les magistrats, le pouvoir se tourne vers les avocats et les journalistes et ce avant d'attaquer les syndicalistes. Dernière victime de la machine répressive, Noureddine Boutar, jeté en prison à cause, notamment, de la ligne éditoriale de sa radio.

Séisme dans le paysage médiatique tunisien avec l'arrestation de Noureddine Boutar, directeur de la radio la plus écoutée du pays et une des rares radios tunisiennes qui a gardé un ton mordant après le 25 juillet 2021, date à laquelle le président Kaïs Saïed s'est accaparé les pleins pouvoirs.
Lundi 20 février 2023, le juge d'instruction chargé de son dossier a émis un mandat de dépôt et ce après une semaine de garde à vue. Noureddine Boutar passera ainsi sa première nuit à la prison de Mornaguia à côté des criminels.
Son crime est d'avoir fondé une radio écoutée par la majorité des Tunisiens et à la tête des radios les plus écoutées du pays depuis une bonne quinzaine d'années non-stop. Le secret du succès de Mosaïque FM est la liberté et le professionnalisme dont bénéficient les journalistes et animateurs de la station. Lui-même journaliste, M. Boutar a su comment mettre à profit son expérience pour en faire bénéficier son équipe et, forcément, ses 1,3 million d'auditeurs quotidiens.
La radio est l'un des rares médias tunisiens (avec Diwan FM et Business News) à avoir mis une charte éditoriale visible par tout le monde. Elle est la première à avoir créé le poste de médiateur entre le public et la station. Mosaïque est aussi l'un des rares médias tunisiens à dégager des exercices bénéficiaires. Si sa ligne éditoriale progressiste, démocrate et républicaine est claire, cela ne l'empêche pas d'ouvrir ses ondes à toutes les couleurs politiques du pays. Pour diriger sa radio, Noureddine Boutar avait un seul et unique leitmotiv : professionnalisme. Et il en connait un coin.

Ce professionnalisme et cette liberté de ton avaient de quoi agacer le pouvoir politique en place. Forcément. La radio a été flanquée du sobriquet « média de la honte » (اعلام العار) sous la troïka post-révolutionnaire avec pour objectif de la discréditer auprès du public. Elle n'était cependant pas la seule, plusieurs médias progressistes et ouvertement anti-islamistes avaient droit au même traitement de la part des islamistes et des autoproclamés révolutionnaires du CPR de l'époque.
Un seul cependant était dans la ligne de mire du pouvoir, Sami El Fehri, patron de la chaîne TV Ettounsia, alors télé la plus regardée du pays. Officiellement, M. El Fehri avait des casseroles judiciaires en raison du lourd contentieux qu'il avait avec la télévision publique, du temps de l'ancien régime. Officieusement, c'était la ligne éditoriale de la télévision qui était visée. La chaîne avait une grande liberté de ton et des émissions qui dérangeaient vraiment le régime de la troïka. Des animateurs vedettes au ton acerbe, comme Moez Ben Gharbia, des émissions satiriques débordantes d'énergie et de créativité comme les Guignols, des plateaux politiques polémiques, des reportages qui mettaient à nu la corruption du régime (comme celui des Chocotom), etc. Jeté en prison à plusieurs reprises, Sami El Fehri a même fait l'objet d'un chantage à l'intérieur même de sa cellule. L'épouse de l'ancien ministre de la Justice Noureddine Bhiri (actuellement en prison) est carrément venue lui proposer la liberté contre le changement de sa ligne éditoriale. Il a compris tardivement le message et a fini par jeter l'éponge, sa chaîne ne diffuse plus aucune émission politique depuis 2019.

La « disparition » d'Ettounsia (devenue par la suite El Hiwar Ettounsi) a fait que Mosaïque soit le premier média politique réellement indépendant du pays. Alors que plusieurs de ses concurrents ont ouvert leur antenne aux sbires du régime de Kaïs Saïed et ce en créant de toutes pièces des postes de chroniqueurs, Noureddine Boutar a choisi la carte de l'indépendance totale et du ton ouvertement critique contre le régime. Derrière les micros, il n'y avait que des journalistes et chroniqueurs professionnels, originaires du secteur.
Son émission phare « Midi Show » est l'émission politique la plus suivie du pays. Cinq fois par semaine, elle décortique la politique de Kaïs Saïed et analyse, mot à mot, ses discours décousus. En fait, Mosaïque a maintenu, telle qu'elle, sa ligne éditoriale et c'est ce qui dérange le régime.
Un contrôle approfondi de l'Etat a été ordonné, mais il n'a abouti à rien, d'après l'un de ses avocats. « Tout est transparent, la comptabilité est tenue d'une manière religieuse, tout est déclaré aux autorités que ce soit fiscales, administratives, judiciaires ou celles s'occupant de la lutte anti-corruption », nous dit-il.
Du côté du syndicat des journalistes, on ne tarit pas d'éloges sur le management de M. Boutar. « Les journalistes ont tous leurs droits, des salaires décents et les primes prévues par la loi », témoigne Mahdi Jlassi, président du syndicat dont la première vice-présidente est, elle-même, salariée de la radio.
Faute de casseroles, comme Sami El Fehri, il est devenu difficile d'attaquer la radio sur des faits tangibles. Peu importe.
Kaïs Saïed joue l'intimidation et invective Chaker Besbes, un des animateurs-vedettes de Mosaïque, venu l'interroger en marge du sommet de la francophonie et quelques jours seulement après la plainte déposée par la ministre de la Justice contre Business News, sur la base du décret 54 liberticide. Ce décret, pondu en septembre dernier par le président, vise à museler la presse et punit, jusqu'à dix ans de prison, les articles diffamatoires ou injurieux.
Ce double avertissement lancé par le pouvoir n'a pas été reçu par Noureddine Boutar. La station n'a pas changé d'un iota sa ligne éditoriale et Midi Show n'a pas du tout calmé son ton acerbe. C'est même tout le contraire.

Refusant d'abdiquer devant des critiques quotidiennes aussi virulentes de sa politique, le pouvoir est monté d'un cran la semaine dernière en faisant arrêter à son domicile Noureddine Boutar, tard le soir. Que lui reproche-t-on au juste, pourquoi cette arrestation spectaculaire nocturne, pourquoi la garde à vue, alors qu'il ne présente aucun danger ? Traduit devant le pôle antiterroriste, le journaliste-directeur est interrogé sur la ligne éditoriale de la radio et sa politique de recrutement. Le milieu médiatique, les partis politiques et les ONG nationales et internationales crient en chœur au scandale. D'autant plus que cette arrestation coïncidait avec celles de plusieurs autres figures publiques du pays.
Au vu du dossier vide, tel que décrit par son avocate Dalila Msaddek, la brigade antiterroriste n'a pas trouvé grand-chose pour le traduire devant un juge d'instruction. Noureddine Boutar est traduit quelques jours plus tard devant le pôle financier. On aurait pu croire qu'il avait des opérations de malversation ou de blanchiment d'argent, mais rien de bien concret de transparait.
Transmis à un juge d'instruction, ce dernier a décidé lundi 20 février d'émettre un mandat de dépôt. Les raisons ? « Pour avoir utilisé la ligne éditoriale de Mosaïque Fm afin de porter atteinte au plus haut sommet du pouvoir et aux symboles de l'Etat, mais aussi pour envenimer la situation dans le pays », a déclaré Ayoub Ghedamsi, avocat mandaté par le Syndicat des journalistes tunisiens (SNJT) pour défendre le patron de Mosaïque. Précision, l'avocat est sommé de se retirer tout de suite s'il y a la moindre suspicion que M. Boutar est arrêté pour un autre motif que la liberté de la presse. « C'est une persécution flagrante de Noureddine Boutar à cause des activités des journalistes de la radio. C'est la ligne éditoriale qui dérange. L'accusation de blanchiment d'argent est une couverture pour dissimuler la principale accusation en rapport avec la ligne éditoriale », a ajouté Me Ghedamsi.
Quel est le rapport entre le pôle financier et ces accusations ? Officiellement, il est poursuivi pour blanchiment d'argent et enrichissement illicite. Y a-t-il un seul fait tangible ? Non, répond Me Ghedamsi. Ce dernier ose même préciser : "le juge d'instruction lui même a admis qu'il n'y avait pas de crime !". Autre précision de l'avocat, le juge n'aurait pas respecté les procédures classiques et, bien qu'il soit théoriquement indépendant, il aurait consulté le parquet avant d'émettre son mandat de dépôt.
Si l'on se réfère donc à ce que dit la défense, le seul crime de M. Boutar est d'avoir une ligne éditoriale hostile au régime et au président de la République.
Refuser de faire de la propagande, s'opposer et critiquer la politique présidentielle s'apparenterait désormais à un crime suffisant pour mettre son auteur derrière les barreaux.
Noureddine Boutar n'est pas seul à devoir répondre de ce nouveau crime, Kamel Letaïef, Lazhar Akremi, Khayam Turki, Abdelhamid Jelassi, ont été arrêtés comme lui la semaine dernière et doivent, comme lui, répondre d'actes comparables. Leur crime est d'avoir participé à un débat politique durant lequel on cherchait comment s'opposer efficacement à Kaïs Saïed. Noureddine Bhiri doit pour sa part répondre d'un speech hostile, lors d'une manifestation anti-régime organisée le 14 janvier dernier. Tous logés à la même enseigne, tous en prison, tous criminels.
Quid de la justice ? « Elle est au pas, explique un avocat, depuis la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature et le limogeage de 57 magistrats désobéissants ».
L'association des magistrats tunisiens a beau appeler à ne céder à aucune pression ou intimidation, elle est devenue inaudible, ses adhérents craignent, ni plus ni moins, de perdre leurs fonctions si jamais ils ne cèdent pas.

Ce tournant répressif n'étonne qu'à moitié et n'est qu'un début. Si le nombre d'arrestations se compte sur les doigts de la main, pour le moment, plusieurs personnalités politiques sont en liberté provisoire. Des avocats, des journalistes et des syndicalistes risquent de se trouver bientôt sur le chemin de la Mornaguia, à cause de plaintes et de procès fallacieux en cours. Il est amusant ici de noter que le pouvoir actuel utilise les mêmes méthodes et les mêmes manœuvres utilisées par les islamistes quand ils étaient au pouvoir. Pourtant, le régime de Kaïs Saïed n'a cessé de clamer qu'il serait en rupture avec les « anciennes pratiques ».
La confiance en la justice vaut désormais son pesant de cacahuètes vu que les magistrats se sont trouvés, malgré eux, entre le marteau et l'enclume. Et inutile de compter sur un soutien extérieur, car on risque carrément l'accusation de haute trahison. En une semaine, nous avons eu droit à deux sorties présidentielles qui parlent de la souveraineté de la Tunisie dans ses prises de décisions et à un communiqué, dans la même ligne, du tout nouveau ministre des Affaires étrangères.
À qui le tour ? Après les magistrats, les avocats, les journalistes et les figures politiques, viendra le tour sans aucun doute de la puissante UGTT et, peut-être, l'Ordre des avocats et la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, uniques forces à rester encore debout devant le régime.
Les autres organisations nationales, Utica (patronat), UNFT (femmes), Utap (agriculteurs) se sont couchées rapidement dès le lendemain du 25-Juillet.


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