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L'eau, cette denrée qui ne coule plus de source !
Publié dans Business News le 03 - 04 - 2023

Il pleut enfin ! Après des mois d'attente interminable et le spectre d'une sécheresse qui annonçait une catastrophe inéluctable, voilà qu'il pleut dans la plupart des régions du pays. Quelques gouttes, qui ne régleront sans doute pas le problème mais qui redonnent aux Tunisiens l'infime espoir de sauver ce qui peut encore l'être, ou pas ...
Le 31 mars dernier, le ministère de l''Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche a annoncé une batterie de décisions et mesures relatives à la mise en place d'un système de roulement conjoncturel et une interdiction temporaire de certains usages de l'eau, qui prennent effet jusqu'à fin septembre 2023.
Les coupures et perturbations de distribution de l'eau courante qui ont été observées le soir dans le Grand-Tunis, ainsi que les régions de Hammamet, du Sahel ou du Sud annonçaient déjà le début d'une politique de rationnement d'eau et les prémices d'un été 2023 particulièrement difficile, où l'eau va manquer.
Raoudha El Guefraj experte en eau et changements climatiques a alerté, parmi d'autres experts, sur le problème. De retour de la conférence des Nations Unies sur l'eau 2023 ( UN 2023 Water Conference) qui s'est tenue du 22 au 24 Mars à New York, elle a souligné au micro d'Elyes Gharbi la gravité de la situation, qui touche la Tunisie et d'autres régions du monde.
« La crise hydrique dans le monde est très grave. Le 20 mars le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a émis un rapport de synthèse pour alerter les décideurs et les amener à prendre les dispositions nécessaires afin de s'adapter aux changements climatiques. Le stress hydrique est un phénomène mondial qui affecte les productions agricoles et par conséquent la sécurité alimentaire. Lors de la conférence de l'ONU, nous avons insisté sur le fait que ce problème est principalement d'ordre politique, la désalinisation augmentera le prix de l'eau avec des retombées économiques certaines » a déclaré Mme El Guefraj.
Et d'expliquer en ces termes la pénurie d'eau au niveau national : « La situation en Tunisie est très critique étant déjà mauvaise depuis trois décennies. Ce qui a changé la donne ces dernières années c'est la fragilisation de l'écosystème. En Tunisie, les cultures agricoles irriguées sont de 8 %, le reste sont des cultures pluviales (blé, olives, amandes etc.) qui sont en danger à cause du réchauffement climatique et de la faible pluviométrie ».
L'experte a souligné que seulement 20% de l'eau utilisée pour l'irrigation agricole est issue des barrages, le reste provient des nappes phréatiques. Ces nappes sont déjà en état d'épuisement.
Elle a précisé que les nappes phréatiques sont de deux types : des nappes qui se réalimentent grâce aux précipitations et des nappes qui ne réalimentent plus. Au total, elles représentent cinq milliards de mètres cubes d'eau.
« L'extraction intensive de ces nappes phréatiques non renouvelables est une vraie catastrophe écologique. Depuis 2015 la quantité d'eau utilisée pour l'irrigation n'a pas diminué. En 2020, on a recensé 21.290 puits d'extractions clandestins. A Kébili il y a 30.000 hectares d'oasis clandestines, 100.000 puits d'extractions clandestins (50% des puits clandestins dans le pays) faits pour la production intensive des dattes destinées à l'exportation. Une seule datte équivaut en moyenne à cinquante litres d'eau alors que l'eau potable manque » a déclaré l'experte en eau.
« J'avais déjà averti dès 2018 et notamment le président Kaïs Saïed du danger imminent résultant de la mauvaise gestion des ressources hydriques. Il faut des mesures exceptionnelles pour cette situation critique. Il n'y a eu aucune réponse, aucun plan pour sauver la situation. L'état a continué à fermer les yeux » a-t-elle poursuivi.
Avant d'ajouter : « Le bureau de la planification et des bilans hydriques et le secrétaire d'Etat chargé des eaux planifient et distribuent l'eau aux différents prestataires dont la Sonede, à qui on attribue 50% de l'eau issue des grands barrages ce qui ne suffit pas à la consommation quotidienne des citoyens. La Sonede ne gère que la quantité d'eau attribuée, elle ne peut pas faire de coupures structurées, étant un réseau à la demande fait de dizaines de milliers de vannes. L'eau coupe dès que les réservoirs sont vides par épuisement. En ce moment, la quantité d'eau par citoyen est réduite à moins de 500 mètres cube. »
Mme El Guefraj a expliqué qu'à chaque coupure, les conduits se remplissent d'air, nécessitant de le ponctionner avant de rétablir l'eau, rajoutant un coût exorbitant pour la Sonede et représentant un risque sur les infrastructures qui sont déjà anciennes. Ces vieilles installations causent des pertes d'eau de près de 30%.
Elle a attiré l'attention sur le fait que le stockage de l'eau par les citoyens contribue lui aussi au gaspillage. En effet l'eau de la Sonede ne peut être stockée pendant longtemps car elle moisit (eau traitée chimiquement contenant du chlore) et que la crise hydrique a amené tout un lot de spéculateurs qui investissent dans le business de la désalinisation de l'eau de mer et sa vente dans des bidons.
« Le gouvernement doit annoncer l'état de sécheresse et mettre en place des mesures d'urgence en interdisant formellement certaines pratiques et par la mise en œuvre d'une caisse de compensation pour les agriculteurs. Il faut annoncer aux Tunisiens que les coupures d'eau seront de plus en plus fréquentes et prolongées et faire des campagnes publiques de sensibilisation pour réduire le stockage abusif et le gaspillage » avait alors averti l'experte.
Mme Guefraj a préconisé qu'au moyen et long terme, les eaux usagées ne devraient plus être jetées en mer mais recyclées pour redevenir potables, que c'est possible du point de vue technologique mais le coût reste colossal donc inenvisageable pour le moment.
« Il faut déjà limiter les fuites d'eau des canaux d'acheminement, la désalinisation de l'eau de mer est inévitable malgré le coût financier pour le citoyen, essayer de prendre l'exemple de certains pays comme l'Arabie Saoudite en équipant les foyers de réservoirs individuels et de les approvisionner en eau potable à chaque période au lieu que cette eau soit acheminée par les conduits de la Sonede. L'état doit assurer un certain quota d'eau équitable aux citoyens quel que soit la région pour éviter les risques sanitaires et de pandémie » a-t-elle conclu.
Le 27 mars 2023, le consultant expert en ressources en eau et ancien secrétaire d'Etat chargé des Ressources hydrauliques et de la Pêche, Abdallah Rabhi, a déclaré lui aussi que la situation hydrique est très difficile et que depuis janvier, il a appelé le gouvernement à intervenir immédiatement en annonçant l'état de sécheresse et en rationnant les réserves en eau.
Il a évoqué des chiffres alarmants : « De 2017 à 2020, en juin, le barrage de Sidi Salem (le plus important barrage du pays, ndlr) accumulait 250 millions de m3 d'eau, alors qu'aujourd'hui, il y a un peu plus de 96 millions de m3 d'eau, alors qu'on ne peut pas descendre en dessous des 80 millions de m3 d'eau à cause des odeurs et de la sécurité du barrage. La quantité est très petite. Nous sommes face une situation exceptionnelle. De ma vie, je n'ai jamais vu une telle situation au niveau du taux de remplissage. En 2019, le taux de remplissage était de 42% ; en 2018, il est passé à 32%, puis à 40% en 2021 et les apports en eau ont atteint 326 millions de m3 d'eau depuis le début de l'année et jusqu'à la date d'aujourd'hui. Si l'on versait toute cette quantité dans le barrage de Sidi Salem, il ne serait pas rempli. Nos besoins se situent à 1,49 milliard de m3 d'eau. Or, on manque de 1,16 milliard de m3 d'eau » a affirmé l'expert.
Ce n'est donc que lorsque la situation a atteint un degré de gravité tel qu'il eut été impossible d'esquiver la question et après un long silence maintes fois critiqué, que les mots furent lâchés ! Sécheresse et rationnement. Une situation critique dit la Sonede, qui nécessite un rationnement ajusté selon les régions où l'eau sera coupée par tranches horaires, appelant les citoyens à faire preuve de responsabilité.
Alors que l'état des barrages présageait du pire, les décisions du gouvernement ont été jugées tardives et surtout insuffisantes.
La crise de l'eau que rencontre la Tunisie n'est pas une exception. Selon l'Onu, tous les pays sont plus ou moins confrontés à une crise hydrique, aggravée par les changements climatiques. Le World Resources Institute (WRI) indiquait en 2019 que douze des 17 pays les plus touchés par le stress hydrique se trouvent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA).
La région est chaude et sèche, donc l'approvisionnement en eau est faible au départ, mais les demandes croissantes ont poussé les pays encore plus loin dans un stress extrême. Le changement climatique va encore compliquer les choses : la Banque mondiale a constaté que cette région a les plus grandes pertes économiques attendues dues à la pénurie d'eau liée au climat, estimées à 6-14 % du PIB d'ici 2050, a souligné le WRI.
Il est devenu indéniable que la planète entière vit dans le déni hydrique, celui du jour zéro, date fatidique qui verra toutes les sources d'eau douce tarir, jour zéro qui menace déjà un quart de la population mondiale rassemblé sous la bannière de 27 pays comme le souligne le WRI dans son rapport.
Une situation inextricable qui conjugue à la fois tarissement des ressources et mauvaise gestion de celles disponibles. Et en lieu et place d'une panique générale qui permettrait de mettre en place tous les moyens nécessaires pour éviter la catastrophe à venir, c'est une indifférence générale qui s'installe et perpétue toujours encore et encore les mêmes erreurs.
La Tunisie paye aujourd'hui le prix de cette indifférence et ne trouve que le rationnement comme solution temporaire, mais à l'efficacité certainement limitée. Le retour de bâton n'en sera que plus rude sans une stratégie claire qui prenne en compte tous les aléas météorologiques actuels et à venir.
Toute comme le cycle de l'eau qui fait fi des frontières, le jour zéro n'est pas un problème qui se cantonnera aux régions actuellement touchées. La réponse devra être impérativement mondiale et concertée pour éviter l'aggravation de conflits et des guerres de l'eau dont l'humanité n'a nul besoin…


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