L'avocat et membre des comités de défense des magistrats révoqués et des détenus dans le cadre de l'affaire de complot contre la sûreté de l'Etat, Ayachi Hammami a appelé à réfléchir aux mécanismes permettant de militer pacifiquement contre Kaïs Saïed et d'envisager une alternative. Il a indiqué que la prise de décision par le Conseil provisoire de la magistrature de treize juges a été reportée au 20 juin 2023. Il s'agit de treize des 49 juges ayant obtenu gain de cause auprès du tribunal administratif après leur révocation par décret présidentiel. Invité le 5 juin 2023 à « Midi Show » de Elyes Gharbi sur Mosaïque Fm, Ayachi Hammami a indiqué que les juges d'instruction chargés des treize affaires ont demandé au Conseil provisoire de la magistrature de lever l'immunité des individus concernés avant de se pencher sur leurs affaires. Les juges d'instruction considèrent que les magistrats bénéficient encore de cette qualité et donc jouissent des mêmes droits que les autres juges. Cette décision a poussé d'autres juges d'instruction chargés d'autres affaires à suivre la même procédure et à saisir le Conseil provisoire de la magistrature avant d'auditionner les accusés. Ayachi Hammami a rappelé que le ministère de la Justice a déposé plainte pour plus d'une centaine d'affaires visant les 47 magistrats. Les plaintes ont été déposées après que le tribunal administratif ne se soit prononcé contre la révocation de ces derniers. Il a ordonné un sursis d'exécution du décret présidentiel. Le Conseil provisoire de la magistrature se prononcera au sujet de trois affaires à la date du 20 juin 2023. À la même date, il se saisira de dix autres dossiers. L'avocat a assuré que les magistrats soutenaient l'indépendance de la justice et la lutte contre la corruption. Il a expliqué qu'ils s'opposaient à l'ingérence de l'exécutif et à la prise de décision de révocation sans les auditionner ou leur permettre d'exercer leur droit de se défendre. De plus, les magistrats ont saisi le tribunal administratif et ont obtenu gain de cause. Or, la ministre de la Justice, Leila Jaffel, et le chef de l'Etat, Kaïs Saïed, ont choisi d'enfreindre la loi et de refuser d'appliquer la décision du tribunal. Il a rappelé que les magistrats ont été privés de leurs salaires et lynchés publiquement. Ayachi Hammami a tenu à préciser qu'il défendait la décision de sursis d'exécution du tribunal administratif. Il a indiqué que le refus d'appliquer cette décision par la ministre de la Justice était un crime. Il a estimé que la révocation des magistrats s'inscrivait dans le cadre de la démarche entamée par Kaïs Saïed dans le but de monopoliser les pouvoirs. Il a critiqué le recours à la loi de lutte contre le terrorisme à l'encontre de treize magistrats. Il a indiqué que plus de cent affaires ont vu le jour contre les 47 magistrats en l'espace de seulement huit jours. « S'il s'agit de véritables criminels, pourquoi leur verser six mois de salaire après leur révocation ? Ceci nous mène à conclure qu'il s'agit soit d'un acte de corruption et de mauvaise gestion des deniers publics ou qu'ils ne sont ni corrompus ni coupables de crimes… Ils ont saisi la justice et ont obtenu un sursis d'exécution… Nous défendons des principes… La défense est accusée de terrorisme… Un arbitre doit être impartial… Nous n'avons pas d'arbitre… Le président de la République se considère comme étant une partie politique et estime que ceux qui s'opposent sont des traîtres », a-t-il poursuivi. Pour ce qui est de l'affaire de complot contre la sûreté de l'Etat, Ayachi Hammami a rappelé qu'il faisait lui aussi partie de la liste des accusés. Il a indiqué que l'affaire comportait une dizaine de charges fondées sur la loi de lutte contre le terrorisme. Les sentences peuvent aller de cinq ans de prison à la peine de mort. L'avocat a considéré que le recours à ces accusations résulte des instructions émanant de Kaïs Saïed afin de porter atteinte à l'opposition. Il a estimé que l'affaire était en vérité un complot de Kaïs Saïed et de Leila Jaffel contre l'opposition. Il a expliqué que le même processus a été récemment appliqué dans le cadre d'une nouvelle affaire de complot contre l'Etat. Ayachi Hammami a estimé que les magistrats travaillaient sous pression. Il a rappelé la suspension du magistrat ayant décidé de libérer Othman Hattab, président du syndicat national des agents et des cadres de la justice. Il est, également, revenu sur la déclaration du président au sujet de l'affaire de complot. Kaïs Saïed avait affirmé que celui qui les innocenterait était leur complice. Le recours à des affaires de complot sert, selon lui, de diversion à la situation chaotique du pays. Le membre du comité de défense a affirmé qu'il n'y avait pas d'avancement dans l'affaire. Il a expliqué qu'un seul des indicateurs a été auditionné par le juge d'instruction. Ce dernier était, au début de l'affaire, qualifié d'indicateur. Il est, par la suite, devenu témoin. Lors de son audition par le juge d'instruction, il a cité de nouveaux noms, dont celui de Bouali Mbarki. Ce dernier est cité par le témoin comme complice de complot alors qu'il est décédé depuis octobre 2022. Ceci remet en question le témoin. Le juge d'instruction n'a pas auditionné le second indicateur, car il a été chargé d'une autre affaire de complot. Ayachi Hammami a indiqué que l'avocat et détenu dans le cadre de l'affaire de complot, Lazhar Akermi, sera convoqué pour être auditionné pour la première fois par le juge d'instruction chargé de l'affaire, jeudi 8 juin 2023. Ce dernier a refusé de se rendre au Palais de la justice à bord de la camionnette de transport des accusés de terrorisme. Les accusés et le comité de défense l'avaient surnommée « camionnette de torture ». Elle contient une cage métallique ne pouvant accueillir qu'une seule personne. Cette cage est installée au milieu de la partie arrière du véhicule. Le prisonnier y est placé tout en étant menotté et accroupi sans pouvoir véritablement garder son équilibre. Tout au long du trajet les détenus perdent l'équilibre à plusieurs reprises et se cognent la tête sur les barreaux de la cage. Ceci provoque des lésions au niveau de la tête, des nausées et une sensation d'étourdissement. Ayachi Hammami a considéré qu'on vivait dans une situation d'absurdité absolue. Il a pointé du doigt le recours à des témoignages anonymes et que les affaires pouvaient être regroupées dans un seul dossier. Il a expliqué qu'il n'y avait pas de logique dans chacune des affaires ou de liens entre les accusées.