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Ce que promettent réellement les Européens à Kaïs Saïed
Publié dans Business News le 12 - 06 - 2023

Depuis son putsch du 25 juillet 2021, le président de la République, Kaïs Saïed ne cesse d'affirmer qu'il agit dans le but de préservation de la souveraineté de l'Etat. Depuis cette date-là, il fait rêver les Tunisiens en évoquant des solutions miracles et des rentrées soudaines et inattendues d'argent. Entre-temps, il cumule les rencontres avec les dirigeants étrangers afin de discuter prêts et donations. La visite récente de hauts responsables européenns a abouti à des accords. Quel bilan pour cette visite ?
À l'issue de la rencontre du 11 juin 2023 avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni et le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, un plan de financement à plus d'un milliard d'euros a été présenté aux Tunisiens. Mais, il ne s'agit en fait que d'une déclaration d'intention. L'ambassadeur de l'Union européenne en Tunisie, Marcus Cornaro l'a bien précisé lors d'une déclaration médiatique du 12 juin 2023. Ce plan, comportant un appui à hauteur de 900 millions d'euros et un don égal à 150 millions d'euros, pourrait voir le jour à condition que la Tunisie parvienne à un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). Mais alors, que nous promet l'Europe en échange d'un financement de la part du FMI ?
Ursula von der Leyen s'est, elle-même, donnée pour mission de présenter le projet de soutien de l'Union européenne à la Tunisie. Le programme en question s'articule autour de cinq axes principaux. Dans une vidéo publiée par la présidence de la République, Mme Von der Leyen a expliqué qu'il s'agissait d'un soutien à l'économie tunisienne, d'un dialogue politique entre la Tunisie et l'Union européenne, d'un investissement dans les énergies renouvelables, du renforcement des échanges people to people entre les deux rives et de la lutte contre la migration. Cette dernière est bien évidemment la star de la rencontre ! La question de la lutte contre la migration clandestine ne cesse d'être évoquée par les responsables italiens et européens.
La Tunisie était connue pour être l'un des principaux points de passage des migrants irréguliers vers le continent européen. L'Italie jouait le rôle de pays d'accueil. Pendant des années, des milliers d'individus choisissent de tenter le passage du continent africain vers le continent européen à partir des côtes tunisiennes. Mais, depuis un certain temps, la Tunisie semble jouer le rôle de police des frontières de l'Europe. On a renforcé et multiplié les opérations de contrôle et d'interceptions en mer, mais aussi le démantèlement de réseaux de passeurs sur la terre ferme. Ainsi, les Tunisiens qui veulent immigrer, mais aussi les étrangers qui ont choisi la Tunisie comme terre de passage sont immobilisés alors qu'ils se trouvent encore sur le sol tunisien. Ceci a transformé la Tunisie en une terre d'asile pour les Subsahariens ayant envisagé de se rendre illégalement en Europe.
D'après le point de presse tenu par la délégation européenne après la rencontre avec le président de la République, la Tunisie aurait la possibilité de débloquer cent millions d'euros au profit du contrôle des frontières et de la lutte contre la migration irrégulière. Le communiqué accompagnant l'annonce a indiqué que la lutte contre la migration clandestine faisait partie des priorités communes à la Tunisie et à l'Union européenne. Il a fait allusion à une lutte contre la traite d'humains et des réseaux de passeurs. Une façon assez élégante de justifier la mobilisation de moyens parfois jugés inhumains pour réduire la présence de migrants sur le sol européen.
En effet, plusieurs cas d'agression, de mauvais traitements et de décès suspects de Tunisiens se trouvant en Italie ont été signalés par l'ancien député d'Attayar, Majdi Kerbai. Ce dernier a, également, estimé que l'accord permettra le refoulement de migrants vers la Tunisie quelles que soient leurs nationalités. Il a justifié cette analyse par la phrase suivante qui figure dans le communiqué en question : « renforcer la gestion des frontières, l'enregistrement et la réadmission dans le cadre du respect total des droits de l'Homme ». Il a indiqué que la « réadmission » en arabe avait été traduite dans un article italien de l'agence Nova par « refoulement total ». Il a expliqué que l'enregistrement de migrants concernait les migrants subsahariens. Ces derniers seront refoulés et accompagnés jusqu'à un port tunisien. Majdi Karbai a appelé le président de la République, Kaïs Saïed, à s'opposer à cet accord. Il obligera la Tunisie, selon lui, à agir de façon indigne et inhumaine à l'encontre des migrants et ceci dans l'unique raison de servir les intérêts européens.
Kaïs Saïed avait affirmé, samedi 10 juin 2023, lors d'une visite inopinée à la ville de Sfax que la Tunisie n'acceptera jamais le moindre traitement inhumain infligé à quiconque sur son sol. Il a, aussi, exprimé son refus de jouer le rôle de gendarmes d'autres pays. Or, le lendemain même de cette déclaration, il semble avoir changé d'avis. Il avait affirmé, à plusieurs reprises, que la Tunisie ne servira pas les intérêts d'autres pays et qu'elle résistera à toutes formes de pressions. La présidence de la République est allée jusqu'à modifier une publication et à y intégrer un texte affirmant cela afin de prouver son attachement à la chose. Le 11 juin 2023, on a rajouté à 16h28 à un album photos publié à 13h44 le refus de faire de la Tunisie un pays d'accueil et de détention de migrants irréguliers.
Malheureusement, les actes du président contredisent ses paroles puisqu'il semble avoir accepté les directives de la délégation européenne venue à sa rencontre. La publication du texte a eu lieu après la visite et après le point de presse tenu par la délégation européenne. Cette délégation est d'ailleurs assez atypique. L'Italie y joue un rôle d'intermédiaire, mais aussi de partie, et plusieurs questions portent sur la présence du Premier ministre néerlandais, Mark Rutte.

Les Européens veulent éviter à tout prix l'effondrement de la Tunisie. Ils le disent et redisent depuis des mois. Pour les beaux yeux du pays ? Rien n'est fortuit. En plus de l'endiguement des flux de la migration irrégulières, l'aspect géopolitique entre bien évidemment en compte. Il ne serait pas judicieux d'exclure cette donnée et les tiraillements dans le monde.
L'Occident est en guerre contre l'axe Russie-Chine. L'Europe œuvre ainsi de concert pour limiter le champ d'influence de la Russie et de la Chine en Afrique. Les éléments de langage consistent par exemple à dire que l'Europe est le partenaire le plus fiable pour l'Afrique, de par l'histoire commune qui lie les pays des deux continents. Certains y verraient une allusion au passé colonialiste dans la région. Les Européens invoquent la création d'un espace de sécurité, de solidarité et de prospérité durable que l'autre axe ne pourrait garantir. La Tunisie a une position stratégique bien entendu. Ses déboires économiques sont donc une porte d'entrée pour s'assurer une allégeance et par conséquent les Occidentaux sont prompts à sortir le portefeuille.
Kaïs Saïed ne croyait pas si bien dire quand il a déclaré que Meloni est « une femme qui dit tout haut ce que les autres pensent tout bas ». Les Italiens ne se sont pas embarrassés à le rappeler à leurs partenaires européens et américains.
On se rappellera ainsi les propos du vice-président du conseil italien, Antonio Tajani face au secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. C'était fin avril 2023, Tajani mettait l'accent sur l'importance de la collaboration entre la Tunisie d'un côté et les Etats-Unis d'Amérique et l'Union européenne d'un autre.
« La Tunisie ne doit pas être laissée aux mains des Russes et des Chinois », a-t-il affirmé, en révélant avoir demandé cela au secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken afin de garantir l'attribution de fonds à la Tunisie et de lui permettre de dépasser la crise actuelle.
Dans le communiqué commun, suivant les réunions à Carthage, la tenue, avant la fin de l'année, d'un conseil de coopération Tunisie-UE a été évoquée. Cela vise notamment à « revitaliser les relations politiques et institutionnelles afin de faire face aux défis internationaux communs pour la préservation d'un ordre mondial bâti sur les fondements de droit ».
Ainsi, l'Europe s'assure un ancrage de la Tunisie à ses politiques avec un accord stratégique. Cela implique que la Tunisie doive aligner ses positions sur celle de l'axe occidental et devienne donc un allié qui serait définitivement prémuni d'une influence russe ou chinoise.
Le président de la République répétait à qui voulait l'entendre que les décisions tunisiennes et ses positions diplomatiques sont souveraines et ne souffrent aucune allégeance à aucun axe d'influence. Il semblerait que la bienfaisance européenne puisse changer la donne.

Pour revenir à la question du possible accord avec l'Union européenne, le reste évoque essentiellement un programme de soutien au secteur privé. Il porte sur une enveloppe globale de 900 millions d'euros. Cette somme pourrait sembler assez importante. Or, il ne s'agit que d'un budget insignifiant par rapport au besoin de la Tunisie. Le déficit budgétaire pour l'exercice de l'année 2023 dépasse les huit milliards de dinars (plus de 2,5 milliards d'euros. De plus, les besoins en prêts extérieurs s'élèvent à plus de 14 milliards de dinars, soit plus de 4,2 milliards d'euros. On est donc loin des quelque 900 millions d'euros que proposent les Européens. Pire, l'accès à ce montant est conditionné par un passage obligatoire par la case FMI.
Le sujet du programme de réformes faisant l'objet de négociations entre le gouvernement de Najla Bouden et le FMI fait toujours l'objet d'un manque flagrant de clarté et de précision. Le chef de l'Etat avait assuré qu'il était contre certaines mesures telles que la levée des compensations ou la privatisation des entreprises publiques. Or, le FMI a bien fait comprendre qu'il était attaché à la maîtrise des dépenses de l'Etat et à l'impact de la maîtrise de l'enveloppe dédiée aux compensations.
Le programme présenté par la délégation européenne porte sur l'appui aux énergies renouvelables. Il s'agit encore une fois d'un sujet évoqué dans le cadre du programme de réformes. Le FMI estime que la Tunisie dépense trop en matière de compensations et qu'elle devrait d'une part lever les compensations afin d'atteindre le prix réel du marché et d'autre part, migrer vers le renouvelable. De plus, plusieurs pays européens poussent vers la production des énergies renouvelables afin d'en acquérir une partie. La Tunisie est connue pour être un terrain propice pour la production de l'énergie solaire et les pays du vieux continent en sont conscients. Le financement d'un programme de transition énergétique par l'Union européenne est loin d'être un acte de charité. Il sert indirectement les intérêts de la délégation.
Le reste de l'accord est un ensemble de phrases et de slogans qu'on évoque depuis trop longtemps. Aller vers le numérique, faciliter la mobilité des personnes et favoriser la coopération entre les deux rives. On n'aurait pas choisi mieux qu'un simple communiqué pour évoquer ces éléments-là ! On aura sûrement droit à des séries de réunions et de séminaires afin d'avoir l'avis d'experts sur des sujets ayant déjà fait l'objet d'une multitude d'études, d'analyses et de critiques ! Pour passer au numérique, nous devons simplifier les procédures administratives en Tunisie et opter pour une base de données commune entre les différentes administrations. Pour garantir une coopération entre les deux rives et une meilleure mobilité des personnes, là aussi, il nous faut faciliter les procédures administratives qui y sont liées, mais aussi l'accès sur les territoires européens et faire preuve de plus de souplesse dans le traitement des dossiers et des demandes de visas. Il ne s'agit pas d'une formule miracle, mais d'un constat élaboré depuis plus d'une décennie.
Concrètement, la visite de la délégation européenne en Tunisie n'a rien changé sur les plans économique, social et politique. Les Européens promettent des fonds et une aide, mais à condition de parvenir à un accord avec le FMI, de satisfaire ses attentes et donc se soumettre à ce que le Président qualifie de diktats. L'enveloppe représente dans sa quasi-totalité un prêt et donc une somme à rembourser. Le don est lié à la question de la migration. Cette fois-ci, il nous faudra satisfaire les attentes de l'Union européenne et se soumettre à de nouvelles pressions et transformer la Tunisie en un gigantesque centre de détention. Tout cela aura lieu alors que le président de la République nous parle de souveraineté, d'indépendance et de nouvelles approches.
Sofiene Ghoubantini et Ikhlas Latif


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