Un groupe de parlementaires européens a organisé, mercredi 12 juillet 2023, une conférence de presse exprimant leur opposition à un accord inconditionnel entre l'Union européenne et la Tunisie. Ont pris la parole, Mounir Satouri (Les Verts/Alliance libre européenne), Michael Gahler, rapporteur permanent du Parlement européen sur la Tunisie (Parti populaire européen), Matja Nemec (Alliance progressiste des socialistes et démocrates), Karen Melchior (Renew Europe) et Sara Prestianni, EuroMed Rights.
Les députés ont dénoncé les nombreuses dérives présidentielles commises depuis le 25-Juillet évoquant notamment les arrestations des opposants politiques et les décrets « inconstitutionnels » émis par le chef de l'Etat Kaïs Saïed.
Mounir Satouri a déclaré : « Il y a quelques semaines la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a sauté dans un avion avec madame Meloni et sont allées dire à Kaïs Saïed qu'il avait gagné le milliard sans contrepartie niant tout ce qu'on dit sur nos inquiétudes sur ce qu'il se passe en Tunisie en niant l'Etat de droit et en bafouant nos principes. Et nous ne comptons pas, nous parlementaires, laisser faire. Ce n'est pas possible de contractualiser en offrant un milliard sur un plateau d'or à la Tunisie et en envoyant comme message qu'il lui suffit de renvoyer aux frontières les migrants et ça va bien se passer. Ça ne va pas bien se passer. Le Parlement européen est une instance importante de l'Union européenne. Nous sommes co-législateur et notre avis va être demandé pour valider les aides financières à la Tunisie. Nous voulons remettre la démocratie et les droits de l'Homme en Tunisie et les contractualiser au cœur de cet accord ».
Le rapporteur permanent du Parlement européen sur la Tunisie, Michael Gahler, a lui, indiqué : « Nous constatons un retour à l'ère Ben Ali (…) Nous avons laissé faire en dépit des avertissements de la part de ce parlement (…) Nous voyons une situation où les prisonniers politiques sont de retour en Tunisie (…) Nous avons eu des messages très clairs de la Commission de Venise et la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples qui ont déclaré inconstitutionnels les décrets présidentiels de Kaïs Saïed (…) Mon constat est que l'Union européenne a laissé faire ce déclin politique et économique et a continué à faire du business comme si il n'y a pas eu de changements fondamentaux ».
Matja Nemec a, pour sa part, dit son soutien au peuple tunisien en ces termes : « Le parlement européen vous soutient et est à vos côtés. Nos pensées vont essentiellement aux jeunes, aux femmes et aux groupes vulnérables y compris les migrants (…) Après douze ans, le président Saïed a tourné le dos à son peuple et aux standards démocratiques pour lesquels le peuple était prêt à mourir en 2011 (…) S'accaparer le pouvoir par Kaïs Saïed mène la Tunisie vers des eaux troubles et c'est ce que nous craignons (…) Nous parlementaires européens appelons à nouveau le président Kaïs Saïed à changer le cours des choses et restaurer la démocratie (…) nous exigeons aussi des instances européennes de respecter les valeurs démocratiques que nous soutenons tous (…) L'Union européenne ne peut pas être complice de l'effondrement de la démocratie en Tunisie (…) Le versement de l'argent doit être conditionné par le respect total des droits de l'Homme et de la démocratie (…) Nous demandons donc aux autorités tunisiennes de libérer les prisonniers arrêtés arbitrairement (…) Le peuple tunisien a besoin d'espoir, d'emplois qui lui procurent une vie décente chez lui (…) Le parlement européen vous appuie, vous écoute et vous voit ».
Karen Melchior a, elle, considéré que l'Union européenne succombait au chantage en concluant un accord inconditionnel avec la Tunisie. « Quand nous nous engageons dans des partenariats avec des tierce-parties, ceux-là doivent être fondés sur la démocratie, les droits de l'Homme, l'Etat de droit et la bonne gouvernance. Ce que nous voyons en Tunisie depuis 2021 et à l'opposé de cela. Le président s'est accaparé le pouvoir et est entrain de saper la démocratie parlementaire et les droits de l'Homme et pourtant nous n'avons pas vu de réaction suffisante de la part de la Commission européenne. Nous avons besoin d'une réponse claire pour stopper la dégradation de la démocratie tunisienne (…) L'Union européenne a beaucoup investi pour appuyer le processus démocratique en Tunisie (…) Maintenant nous proposons à la Tunisie un mémorandum d'entente et une voie pour un partenariat stratégique et de l'argent sans attaches et sans conditions. Ceci n'est pas une façon d'encourager les pays à appuyer la démocratie et être gouvernés par la loi (…) Nous avons encore une fois choisi d'être vulnérables aux fantaisies et au chantage d'un autocrate. Ceci est inacceptable. La Commission et le conseil de l'Europe ont, tous les deux, la responsabilité de montrer clairement qu'un effondrement des droits de l'Homme est incompatible avec un véritable partenariat avec l'Union européenne ».
Sara Prestianni a exposé en détails la situation des droits de l'Homme en Tunisie dénonçant le mutisme de l'Europe. « (…) Quand les autorités tunisiennes ont mené une nouvelle vague d'arrestations des critiques en février 2023 nous nous attendions à une réponse claire de l'Union européenne, mais les officiels européens Josep Borell, entre autres, ont préféré passer sous silence leurs attentes en matière de droits humains (…) Il faut appeler à la libération immédiate de tous les détenus politiques, au respect de l'indépendance judiciaire, de la liberté d'expression et d'association et au respect de la dignité et de l'intégrité de tous et toutes. La Tunisie n'est pas aujourd'hui un pays sûr pour les citoyens tunisiens, ce n'est pas un pays sûr pour les migrants subsahariens ».
En juin, la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni a engagé une opération de lobbying pour d'un côté pousser vers l'obtention d'un accord entre le gouvernement tunisien et le Fonds monétaire international et de l'autre la conclusion d'un accord entre l'Europe et la Tunisie. Les termes de cet accord demeurent flous, mais les déclarations des officiels européens parlent, notamment de migration irrégulière.