Rares sont les sportifs qui ont fait rêver les Tunisiens à ce point. Ons Jabeur est devenue cette icône qui insuffle fierté, espoir et joie chez un peuple qui exulte à chaque victoire et réalisation de la championne. De Monastir aux sommets du tennis mondial, Ons Jabeur s'est retrouvée, un peu malgré elle, beaucoup grâce à son parcours exceptionnel, un modèle de volonté et de détermination à force de persévérance et de travail. Dans un petit café d'un petit quartier populaire tunisien, les yeux des clients sont rivés à la télévision. Ce n'est pas un match de foot que suivent ces messieurs, non. C'est bien une partie de tennis qui se tient à Londres, dans l'un des tournois les plus mythiques et les plus aristocratiques du circuit : Wimbledon. Ils ne connaissaient sûrement pas l'histoire de ce Grand Chelem et son prestige, il y a quelques années. Ils ne connaissaient peut-être pas les règles d'un sport qui n'est pas vraiment grand public, il y a de cela quelques années. Mais Ons Jabeur est survenue et les gens se sont mis à se passionner pour le tennis. Dans ce petit café, on suit la demi-finale qui oppose la Tunisienne à l'excellente Biélorusse Aryna Sabalenka, 2e mondiale. Les clients poussent avec leur championne, ils l'encouragent, ils hurlent, applaudissent. Ils ne saisissent peut-être pas bien les codes du tennis, mais ils vivent pleinement le moment. Ils stressent, ils insultent parfois l'adversaire et ils poussent des cris de joie et se font des accolades quand Ons parvient à remporter la partie. Cette scène, on peut la retrouver partout, dans les restaurants, les bars, chez l'épicier du quartier ou dans les cercles familiaux. Le tennis devient un sport populaire. Qui l'aurait cru ? Très actifs sur les réseaux sociaux, les Tunisiens se déversent après les victoires de Ons sur les pages officielles des tournois. Ils expriment leur fierté, ils bombardent les commentaires de cœurs et de drapeaux rouge et blanc. Les CM de la page de Wimbledon ont fait monter la sauce cette année, en consacrant plusieurs publications à la championne en dialecte tunisien. Les fans du pays vivent, à travers l'épopée londonienne de Jabeur, un rêve. Ils s'émerveillent des honneurs qui lui sont faits, de l'amour du public international pour cette jeune femme qui les représente. Ils s'enorgueillissent. Le succès de Ons est vécu comme une victoire nationale. Elle représente ainsi un symbole de la réussite tunisienne à l'échelle internationale. Avant de parvenir aux sommets, elle a dû pourtant batailler pour se hisser parmi les plus grands de sa discipline. Cela est d'autant plus difficile et exceptionnel à réaliser vu que la Tunisie n'est pas un pays tennistique, mais surtout à cause du manque de structures propices à faire émerger les talents et le manque de moyens aussi. Parce que pour se faire en place dans ce circuit compétitif, il faut écumer les pays et les tournois et pour y parvenir il faut de l'argent. Dès ses trois ans, Ons Jabeur est encouragée par sa mère à pratiquer le tennis. Au fil des années, la fillette s'avère douée et la famille la soutient pour poursuivre son parcours. Au tennis club de Hammam Sousse, les moyens sont limités. La graine de championne s'entraîne sur les terrains prêtés par un hôtel de la région. A la tombée de la nuit, pas possible de jouer puisque la lumière manque pour éclairer les courts. Mais la jeune Jabeur n'en a que faire, elle poursuit son chemin en participant à des tournois locaux, puis nationaux puis internationaux. Elle s'avère être une compétitrice née. Quelques années plus tard à presque 17 ans, elle remportera le tournoi de Roland-Garros junior. Mais pour passer au niveau professionnel, il lui fallait des moyens financiers assez conséquents afin d'assurer ses déplacements, son hébergement et les salaires d'une équipe technique. Au début de sa carrière, sponsors et Etat ne répondaient pas présents. Elle a dû compter sur le soutien de ses proches et elle a continué avec détermination à croire en ses capacités. Et c'est grâce à ses efforts qu'elle entamera une grande série de premières : en 2020, elle est la première Arabe à atteindre les quarts de finale d'un tournoi du Grand Chelem à l'Open d'Australie. En 2021, elle fait son entrée dans le top 10 mondial. En 2022 elle décroche plusieurs titres dont celui du tournoi de Madrid qui fait d'elle la première joueuse arabe et africaine à remporter un WTA 1000. La même année, elle est numéro 2 mondiale devenant la joueuse arabe et africaine la mieux classée de toute l'histoire de la WTA et de l'ATP. Elle atteint les finales de Wimbledon et de l'US Open et continue son chemin en 2023, malgré les blessures, en comptant sur son équipe tunisienne. C'est ainsi que pour la deuxième année consécutive, Ons Jabeur disputera une nouvelle finale de Wimbledon et vise cette fois-ci la consécration pour entrer dans l'Histoire. Yalla Habibi !