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Crise du pain : jusqu'à quand l'Etat va-t-il se dérober à ses responsabilités ?
Publié dans Business News le 10 - 08 - 2023

À chaque nouvelle crise, l'Etat tunisien se dérobe de ses responsabilités, en trouvant un bouc-émissaire à qui imputer la situation. Les crises s'enchaînent mais ne se ressemblent pas, sauf qu'à chaque fois, elles ont un seul dénominateur commun l'Etat. La dernière en date est celle du pain, où on a trouvé un nouveau souffre-douleur : les boulangeries modernes ainsi que le trafic de farine et de semoule. Or, plusieurs éléments et chiffres prouvent, sans équivoque, la responsabilité, en grande partie, de l'Etat.

Depuis le début de la crise du pain, les autorités n'ont cessé de pointer la responsabilité des autres, sans pour autant se remettre en cause. Pain de riche et pain de pauvre, trafic, spéculation, usage de la farine compensée dans d'autres produits, etc. Mais à aucun moment, elles n'ont parlé de la hausse des prix des céréales ainsi que de la crise des finances publiques, qui pousse l'Etat à rationaliser certaines de ses dépenses et à diminuer l'importation de certains produits, notamment ceux dont les cours se sont littéralement envolés.
D'ailleurs, si on observe de plus près la situation, on remarque que ce sont les produits importés par l'Etat qui sont touchés le plus par les pénuries (sucre, riz, farine, semoule, huile végétale, café, carburants…). Bien que cela ait été camouflé, avec les restrictions d'importation qui ont fait que pleins d'autres denrées manquent sur le marché ou ne sont pas disponibles en quantité suffisante, dans les faits les plus grosses problématiques se posent avec les produits importés par l'Etat.

La question que les Tunisiens devraient se poser est : Pourquoi tout au long des dernières années, il n'y a pas eu de pénuries de pain alors que les crises sont devenues récurrentes depuis quelques mois ?
La réponse est simple, chiffres à l'appui. L'Etat a diminué ses importations de blé tendre, qui sert à la fabrication de la farine.
Ainsi et en se référant aux chiffres de l'Observatoire national de l'agriculture (Onagri), les importations de blé tendre ont diminué de 52.400 tonnes par rapport à 2022. Idem, pour le blé dur même si le contraire apparaît car les importations avaient déjà baissé de 134.500 tonnes puis augmenté depuis de 30.000 tonnes.


Depuis la pandémie du Covid-19, l'Etat n'a pas repris le niveau des importations de 2018 et 2019, alors que l'économie est supposée avoir repris plus ou moins une activité normale. En parallèle, le pays a subi depuis trois ans une grave crise hydrique, qui a impacté les moissons.
Rappelons que 2023 est une année exceptionnelle en termes de sécheresse. Le Syndicat des agriculteurs de Tunisie (Synagri) s'attend à une récolte en deçà de celle espérée, ne dépassant pas les quatre millions de quintaux, soit seulement 12,5% des besoins du pays estimés à 32 millions quintaux. Des prévisions revues à la baisse par l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap), qui estime que les récoltes de céréales ne dépasseront pas les 1,8 à 2,5 quintaux, ne couvrant même pas les besoins en semence pour l'année prochaine.
En avril dernier, Business News avait évoqué les risques d'une pénurie de céréales. Et avec la crise du pain, ces craintes se sont concrétisées. Et ce ne sont pas seulement les boulangeries qui peinent à trouver de la farine ou de la semoule, mais pleins d'autres professionnels ainsi que les ménages tunisiens. Les rayons de biscuits, de pâtes, de farine et semoule, des supermarchés ne sont plus garnis comme avant. Une multitude de produits manquent à l'appel. Idem chez les épiciers de quartier. D'ailleurs, beaucoup de Tunisiens se sont plaints du manque de semoule pour faire la "Oula" (le couscous à la maison, ndlr). Plein de petits commerces qui font le pain traditionnel tunisien de la "Tabouna" ou de pâtisseries traditionnelles comme le Makroud sont souvent fermés, à cause du manque de matières premières.
Seule bonne nouvelle, dans tout cela la baisse des prix des céréales. En effet, l'Observatoire national de l'agriculture (Onagri) note, dans son rapport de mai 2023 sur la balance alimentaire, que les prix à l'importation de ces denrées ont connu une baisse de -20,7% pour le blé dur, de -15,1% pour le blé tendre, de -11% pour l'orge et de -8,9% pour le maïs. Ceci ne peut que soulager les finances publiques. Mais, sachant que la Tunisie importe 49% de ses besoins de blé tendre et 17% de son orge d'Ukraine (chiffres de mi-2022), la situation pourrait empirer dans les prochains mois, avec de nouvelles hausses des cours et des quantités réduites.

La Tunisie vit une crise financière depuis plusieurs mois. Le chef de l'Etat avait refusé les réformes proposées par son gouvernement au Fonds monétaire international (FMI), bloquant le processus depuis un an et demi. Si la Tunisie a pu survivre l'année dernière grâce aux aides des pays amis et frères, cela ne peut se poursuivre éternellement et cela se ressent de jour en jour avec la multiplication des crises et des pénuries.
Or, pour 2023, les autorités tablaient selon la Loi de finances sur l'engrangement de 14,86 milliards de dinars de ressources provenant d'emprunts extérieurs, qui permettraient de ravitailler le pays en devises nécessaires pour le remboursement de la dette et pour financer les importations tunisiennes.
Notons dans ce cadre, que selon le "Budget du citoyen 2023", la compensation des céréales est située à 1.736 MD (soit 145 MD par mois ou cinq MD par jour), représentant 2,5% du budget.

Autre chose très importante, le système de la compensation a atteint ses limites et montré son inefficacité. Ainsi, ses défauts sont utilisés par les trafiquants pour détourner la compensation de ses véritables bénéficiaires. Il y a tellement d'intermédiaires qu'à chaque étape la manipulation est facile.
Prenons pour exemple le pain, le système est tellement compliqué et il y a tellement d'intermédiaires, qu'à chaque étape, le trafic est possible : avec des meuniers qui détournent leurs produits pour de la nourriture animalière, des boulangeries classées qui utilisent la farine et la semoule pour en faire des pâtisseries au lieu du pain ou qui les vendent à des boulangeries modernes, à des industriels ou carrément à des contrebandiers. Ou mieux, le pain compensé fabriqué est vendu aux hôtels et restaurants.
Dans l'absolu, la pénurie et le manque en approvisionnement créent la spéculation, le trafic et la frénésie ou du moins les accentuent. Or, les pénuries sont devenues récurrentes, ouvrant la voie à tous les genres de pratiques frauduleuses.

Autre problème de taille et qui pousse certains au trafic : l'Etat ne s'est pas acquitté de la compensation qu'il doit aux professionnels, vu les problèmes des finances publiques. Au total, on parle de 965 millions de dinars d'impayés en termes de compensation, jusqu'à fin juillet 2023.
En ce qui concerne les boulangers, l'Etat n'a pas honoré ses dus pendant quatorze mois en comptabilisant le mois de juillet 2023 qui s'élèvent à 262 millions de dinars. 3.317 boulangeries sont concernées. Pour leur part, les meuniers n'ont pas été payés depuis mai 2022 (quatorze mois) pour un montant total de 91 millions de dinars. Les industriels des pâtes alimentaires et couscous n'ont pas été payés, non plus, depuis août 2021 (22 mois) pour un montant de 172,5 MD.

La partie cachée de l'iceberg réside dans les dettes de l'Office des céréales envers la BNA Bank, l'Etat n'honorant pas aussi ses dus à l'office et l'effet boule de neige s'est répercuté sur la banque. Dans leur rapport pour les états financiers clos au 31 décembre 2022, les commissaires aux comptes ont précisé que « les engagements de l'Office des céréales envers la banque totalisent 4,77 milliards de dinars fin 2022 (27% du total des engagements clients de la clientèle, en bilan et hors bilan). Ils sont refinancés directement auprès de la BCT pour un montant de 1,96 milliard de dinars fin 2022. Ces engagements ont connu une hausse de 827,19 MD (+21%) par rapport à une année auparavant et enregistrent un dépassement significatif du seuil de 25% des fonds propres nets de la banque imposé par l'article 51 de la circulaire de la BCT n°2018-06 du 5 juin 2018.
Le financement de l'office a impacté de façon significative la trésorerie de la banque qui a enregistré un solde négatif de 4,54 milliards de dinars fin 2022, contre 3,42 milliards de dinars fin 2021. Et de noter que les chèques tirés par l'Office des céréales sur la Trésorerie générale de la Tunisie au titre de ses droits à la compensation, qui ne sont pas encore encaissés par la BNA au 31 décembre 2022, totalisent 2,38 milliards de dinars. Les garanties de l'Etat accordées à la Banque au titre des engagements de l'Office des céréales s'élèvent, au 31 décembre 2022, à 4,77 milliards de dinars, ce qui lui confère une couverture totale du risque de contrepartie sur ces engagements (composés de principal, intérêts et commissions) ».
Pire, selon Ezzeddine Saidane l'importation avec les cours mondiaux actuels demanderait un budget d'au-moins quatre milliards de dinars. Selon lui, la Tunisie devra importer 100% de ses besoins en céréales.
L'économiste a fustigé, d'ailleurs, ce qu'il a considéré comme l'usage abusif, inadéquat et éthiquement incorrect, de deux termes "spéculation/monopole" et "frénésie". Il a estimé que la frénésie du citoyen est un comportement 100% rationnel, à cause du manque de confiance dans le marché. Il a aussi souligné que le manque en approvisionnement a créé la spéculation et le monopole. Donc, concrètement et toujours selon son analyse, l'Etat est responsable de la pénurie, ayant le monopole et n'ayant pas approvisionné le marché en quantité suffisante.
Pour lui, l'Etat ne doit plus intervenir dans les secteurs concurrentiels et doit se contenter de son rôle de contrôle et de régulation.

La Tunisie vit depuis quelques mois sous le rythme des pénuries. La dernière en date est celle du pain, un produit primordial pour toutes les familles tunisiennes pauvres ou riches. Or, et depuis le début de cette crise, l'Etat se trouve des boucs-émissaires pour se dérober à ses responsabilités, tentant de dissimuler la vraie raison de la pénurie : la situation des finances publiques et le retard dans la conclusion de l'accord avec le FMI.


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