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L'indépendance de la Banque centrale de Tunisie un faux débat
Publié dans Business News le 18 - 10 - 2023

Lorsque le Président Kaïs Saïed a effectué une visite impromptue au siège de la Banque centrale de Tunisie (BCT) le 23 septembre 2023, le gouverneur a dû rentrer précipitamment d'une réunion à l'extérieur juste à temps pour entendre le président déclarer que :
« L'ancien statut de la banque centrale de 1958, était bien meilleur que le statut actuel, sur plusieurs points »
« L'autonomie de la banque centrale ne veut pas dire son indépendance de l'Etat. Il doit y avoir une harmonie avec les politiques de l'Etat. L'autonomie est en rapport avec les politiques monétaires, mais cela ne peut être valable pour le budget de l'Etat. »
Cette visite a été le point culminant d'une série d'attaques contre l'indépendance de la BCT visant à abroger l'article 25 de ses statuts qui interdit l'octroi de financements directs au budget.

Quelles sont les raisons d'une telle attaque ?

Cela fait un an que la Tunisie s'est mise d'accord, le 15 octobre 2022, avec les services du FMI sur un nouveau programme visant à remédier aux déséquilibres financiers à travers un ciblage des subventions, une réduction de la masse salariale, et la réforme des entreprises publiques déficitaires. Le programme a été négocié par l'équipe économique de Nejla Boden, ancienne cheffe du gouvernement.
Au cours des douze derniers mois, cependant, les autorités ont tergiversé sur les réformes, à la suite de vives critiques et d'appels populistes du Président, qui a finalement annoncé qu'il rejetait les « diktats du FMI ». En même temps, et confrontées à un accès très limité aux financements étrangers, les autorités se sont fortement appuyées sur les financements locaux, notamment auprès du système bancaire, et sur l'accumulation d'arriérés vis-à-vis des fournisseurs étrangers et locaux. En conséquence, l'importation et la distribution de produits subventionnés ont fortement chuté, provoquant des pénuries et de longues lignes d'attente.

Il y a cependant une limite à la capacité des banques locales à financer le budget, ce qui explique les appels actuels à pousser la BCT à financer directement le budget. Les partisans d'une modification des statuts de la BCT pour rétablir le financement budgétaire font valoir que, s'il est fait dans les limites légales, le financement direct serait soutenable et n'aurait pas d'impact majeur sur l'inflation. Selon eux, le financement direct permettrait surtout d'éviter le coût d'intermédiation appliqué par le système bancaire.
Malheureusement, ces partisans ignorent le fait que lorsqu'une échappatoire est ouverte, elle risque de donner lieu à des abus de la loi, simplement pour offrir des solutions faciles et temporaires au gouvernement.
Le débat actuel est donc faux et toute modification du statut de la BCT ne fera que retarder davantage une réponse urgente et responsable à la crise en Tunisie. Pourquoi ? La raison en est qu'un choix politique a été fait de concentrer les efforts et les solutions seulement à la mobilisation de ressources supplémentaires pour financer des dépenses budgétaires toujours plus importantes. Toute réforme ou mesure visant à contrôler ou réduire les dépenses de fonctionnement, la taille de l'Etat et sa présence dans l'économie ont été exclues.
L'histoire récente a montré que pousser la BCT à financer le gouvernement est une solution facile qui n'offre que des expédients qui ne servent pas les intérêts du pays sur le long terme.
En 1986, la Tunisie a dû conclure un programme de réformes avec le FMI. Ce programme était l'aboutissement d'une gestion économique populiste du gouvernement Mzali, qui avait privilégié des solutions faciles au début des années 1980 au détriment de réformes structurelles douloureuses mais nécessaires. En conséquence, les finances publiques se sont détériorées à un point tel que le déficit budgétaire est passé de 2,8 % du PIB en 1980 à 8,1 % en 1983.

Afin de ne pas aggraver davantage le niveau du déficit, le ministre des Finances et du Plan, Moalla, avait demandé au gouverneur de la BCT, Belkhodja de procéder à un certain nombre d'opérations au nom et à la place du Trésor et d'effectuer des opérations comptables affectant le bilan de la BCT afin d'offrir des financements voilés au Trésor en dehors du budget approuve par le Parlement. Ces transactions ont représenté 5,8 % du PIB de 1983 :

* Entre 1982 et 1987, un montant de 174.5 millions de dinars a été utilisé par la BCT pour participer, au nom de l'Etat, au capital, non seulement des nouvelles banques de développement (STUSID, BTKD, BTQI, BTEI, BTLD), mais aussi à celui de la BDET, de la COFITOUR, de la COTUNACE, de la Campanie Sfax Gafsa, et de l'Union Tunisienne de Banques à Paris. Le Ministre des Finances avait même demandé à la BCT de participer au capital d'une banque étrangère privée, la Best Bank.

* Pire encore, des cadres supérieurs de la BCT avaient été nommés membres du Conseil d'Administration de ces banques et entreprises publiques contre toute éthique professionnelle et standards internationaux. Du coup, ces cadres avaient été intimement impliqués dans la gestion de banques qu'eux-mêmes étaient censés contrôler et d'entreprises publiques que des banques ont estimé non bancables pour bénéficier de crédits additionnels.

* En 1983, Moalla avait demandé à la BCT une avance au Trésor de 100 millions de dinars. Pour satisfaire cette demande, Belkhodja avait procédé à une réévaluation comptable des avoirs en devises en Aout 1983 en modifiant les taux de référence comptables utilises pour la reconversion en dinars des réserves de changes libelles en monnaies étrangères. Suite à cette opération, le niveau des avoirs en devises avait plus que doublé, passant entre Juillet et Aout de 121 millions de dinars à 267 millions de dinars. Le produit de la réévaluation, d'un montant de 147 millions de dinars a été versé au Trésor à concurrence de 57 millions de dinars et le reliquat, 90 millions de dinars, avait été utilisé pour compenser des entreprises publiques pour leurs pertes de change.

* En 1986, Mzali avait demandé une deuxième avance de 100 millions de dinars. Belkhodja, avait essayé d'expliquer qu'une réévaluation n'était pas une opération fréquente. Mzali l'avait remplacé.

* Les atteintes à l'indépendance de la BCT ont également affecté sa gouvernance par le biais de changements prématurés de gouverneurs. La gouvernance de la BCT a été caractérisée par une stabilité continue depuis sa création en 1958 jusqu'aux années 1980 avec seulement 3 gouverneurs pendant 22 ans. Aucun d'entre eux n'avait été relevé de ses fonctions. Toutefois, depuis 1980, sur les 10 gouverneurs nommés, à l'exclusion du gouverneur actuel, 7 ont été relevés de leurs fonctions avant la fin de leur premier mandat pour des raisons purement politiques.

Réduire l'indépendance de la BCT affaiblirait une institution qui devrait être un conseiller de confiance qui pourrait faire des recommandations au Président parfois contraires à celles de son propre gouvernement. Ce fut le cas en 1992 lorsque la BCT conseilla vivement au Président de procéder à la libéralisation des transactions courantes contre l'avis unanime du gouvernement qui préférait une dévaluation du dinar.
Un pays n'avance en invoquant des lois et des politiques dont l'expérience a montré les limites. Le gouvernement doit éviter les solutions faciles mais coûteuses et s'engager dans un programme de réformes qui, tôt ou tard, sera inévitable.
L'interdiction du financement direct de la BCT dans le budget remonte à 2006. Depuis lors, la Tunisie a connu 5 présidents, 10 chefs de gouvernement et 13 ministres des Finances qui ont tous respecté l'indépendance de la BCT en tant qu'institution d'Etat.
Réduire l'indépendance de la BCT est un pas en arrière qui ne garantit rien, comme le montre l'histoire. La tentation serait grande pour le gouvernement de répéter les excès des années 1980, simplement pour avoir des solutions faciles qui ne feraient que retarder davantage les réformes nécessaires. Nos politiciens doivent respecter nos institutions.

Quant à la BCT, elle doit aussi continuer à se moderniser car son indépendance commande aussi plus de redevabilité et de responsabilité. Elle a fait des avancées dans les domaines de la transparence et de la dissémination d'informations mais beaucoup reste à faire.

* La BCT doit, par exemple, organiser des conférences de presse après chaque réunion du Conseil et ouvrir ses archives aux chercheurs.

* La BCT doit également respecter les délais légaux quant à la publication de son Rapport Annuel au plus tard le 30 Juin.

* Pour renforcer sa crédibilité, la BCT doit faire appel à des experts pour évaluer d'une manière périodique ses politiques. L'évaluation externe est une pratique récente introduite par beaucoup de banques centrales (Angleterre, Australie, Irlande, Chili, Espagne...).

* Enfin, l'indépendance de la BCT reste relative car elle demeure en deçà des meilleures pratiques internationales qui stipulent, notamment, que les représentants du gouvernement ne doivent pas siéger au Conseil d'Administration et que des critères doivent être établis pour la nomination et le renvoi du Gouverneur et des membres du Conseil.


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*Ancien haut cadre de la BCT et ancien conseiller auprès du conseil d'administration du FMI
*Conseiller, Conseil d'administration - Association "Mémoire de Hédi Nouira"
*Membre du conseil consultatif - Global Initiative for Governance & Sustainability (GIGS)
*Directeur - Shakshuka.org


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