Le rideau est tombé hier sur les élections locales avec un taux d'abstention record de 88,34 %. Comme la plus belle femme au monde ne peut pas donner ce qu'elle n'a pas, Farouk Bouasker, président de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), ne peut pas fournir un meilleur effort. L'Histoire retiendra qu'il a organisé les trois élections les moins transparentes et les plus coûteuses du pays avec pour résultat les plus faibles taux de participation. La loi électorale pondue par Kaïs Saïed nous interdit de remettre en doute l'indépendance de l'Isie. On ne remettra donc pas en doute l'indépendance de M. Bouasker et ses acolytes de l'Isie, je signale juste qu'ils ont directement été nommés par M. Saïed. La loi électorale pondue par Kaïs Saïed nous interdit de remettre en doute les résultats donnés par l'Isie. On ne remettra donc pas en doute les résultats de l'Isie, je signale juste que je n'ai pas vu, dans les rues et dans les bureaux de vote, le million d'électeurs dont parle M. Bouasker. Je n'ai pas vu non plus les résultats détaillés par région et par bureau de vote et je n'ai pas compris comment le taux de participation a grimpé de 7,68% à 15 heures à 11,66% à 18 heures, alors qu'il n'y avait toujours pas foule devant les bureaux de vote. La loi électorale pondue par Kaïs Saïed nous interdit de remettre en doute le processus électoral. On ne remettra donc pas en doute le processus électoral, je signale juste qu'il n'y avait quasiment pas (voire pas du tout) d'observateurs étrangers reconnus pour leur intégrité, ni de journalistes de renom qui certifient de la transparence de ce processus, ni même de sondages « sorties des urnes » réalisés par des agences reconnues pour leur professionnalisme. Dans toutes les élections précédentes, notamment celles réalisées durant la noire décennie (comme ils disent), les mots « néziha » (intègres) et « chaffeffa » (transparentes) étaient les maîtres-mots des politiques et des médias. Dans les élections d'hier, ces deux mots ont disparu de la circulation. Mais attention, je ne remets pas en doute le processus électoral de ces « locales », ni les chiffres de Farouk Bouasker, nommé par Kaïs Saïed créateur des élections locales.
Kaïs Saïed et son disciple Farouk Bouasker ont verrouillé les élections de telle sorte d'exclure toute voix discordante. Des procès ont été intentés contre ceux qui tentent de discréditer l'Isie et ceux qui critiquent sévèrement le président de la République. Le parquet, lui aussi nommé par Kaïs Saïed, ne prend même pas la peine de vérifier la teneur des plaintes, leur forme et leur sérieux, il traduit directement à l'instruction dans un déni de justice flagrant. Ces règles basiques n'ont pas été respectées par M. Saïed et M. Bouasker. Ce dernier a beau traduire en justice journalistes, observateurs et critiques, il ne changera rien à la donne. On ne peut pas reconnaitre l'intégrité d'une élection sans ces éléments. En passant outre ces règles basiques, Kaïs Saïed et Farouk Bouasker ont fait preuve de mépris à l'encontre du peuple. La réponse du peuple n'a pas tardé, il leur a infligé les plus faibles taux de participation de l'Histoire. Aux trois rendez-vous électoraux organisés depuis le putsch du 25 juillet 2021, il y a eu trois déculottées. Le référendum constitutionnel de 2022 a eu un taux de participation annoncé (et non vérifié) de 30,5%. Théoriquement, le référendum aurait dû tomber à l'eau puisque plus de la moitié du peuple a manifesté (par son abstention) son refus de l'événement. Les législatives de décembre 2022-janvier 2023 ont eu un taux de participation annoncé (et non vérifié) de 11,22% au premier tour et 11,44% au second tour. Théoriquement, les législatives auraient dû être réorganisées, vu que plus de ¾ du peuple a désavoué (par son abstention) le régime et les candidats. Et, in fine, les élections locales de décembre 2023 ont eu un taux de participation annoncé (et non vérifié) de 11,66%. Théoriquement, le principe même de ces assemblées locales devrait être revu, voire supprimé, au vu du désaveu cinglant. Soit dit en passant, appréciez ces taux de participation qui se ressemblent 11,22% ; 11,44% ; 11,66%.
En supposant que les taux annoncés par Farouk Bouasker soient réels et justes (on s'est bien mis d'accord plus haut qu'on n'allait pas les remettre en doute), il y a là un désaveu clair et officiel de la part du peuple au programme ambitieux de Kaïs Saïed. Le président de la République a beau vanter ses projets et dessiner des lendemains enchantants, le peuple dans son immense majorité a répondu par l'abstention. Le slogan de Kaïs Saïed a toujours été « le peuple veut ». Par son abstention, le peuple a répondu qu'il ne veut pas. Sera-t-il entendu ? Les faits sont là, les chiffres sont là. Les projets de Kaïs Saïed n'arrivent pas à convaincre le peuple. Ni son référendum, ni son assemblée nationale, ni ses assemblées locales n'ont trouvé preneurs chez la majorité de peuple. Le peuple sait distinguer le bon du mauvais, les indépendants des pantins, les sérieux des guignols. Qu'il y ait quelques centaines de milliers de personnes appréciant et soutenant Kaïs Saïed, cela est évident. On les voit dans les médias et les réseaux sociaux, ils sont bruyants et ils ne ratent pas une occasion de montrer leurs faibles limites intellectuelles. Mais ces quelques milliers ne représentent pas le peuple, loin s'en faut. Le peuple n'est pas celui qu'on voit dans les médias et les réseaux sociaux, le peuple est bien plus large que cela. Qu'il y ait des abstentionnistes dans une élection, c'est dans l'ordre naturel des choses. Mais quand ce taux d'abstention frôle les 90% (en supposant que ce ne soit pas plus élevé encore), il y a là un message clair de la part du peuple au président de la République. Il y a là un désaveu cinglant aux projets d'un président de la République qui s'est accaparé les pleins pouvoirs et qui a jeté à la poubelle une constitution votée par des députés élus par 51,97% du peuple. Un président de la République qui n'a rien fait (absolument rien) pour endiguer l'inflation, réduire le chômage, booster l'investissement, améliorer la croissance et rendre disponibles les multiples produits qui manquent sur le marché. Le Président a beau justifier ses échecs en accablant les spéculateurs, les corrompus, les islamistes, les politiques et les Sionistes, il n'est pas cru par au moins 88,34% du peuple. « On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps. » Apocryphe de Abraham Lincoln.