Comme précédemment mentionné dans notre tribune[1] du 11 décembre 2023 concernant les consultations en vertu de l'article IV, le Fonds Monétaire International (FMI) a rendu publique le 5 janvier 2024 la liste[2] des pays dont la conclusion des consultations a pris des retards dépassant 18 mois, en plus du délai normal de 15 mois. Pour la première fois depuis son adhésion au FMI en 1958, la Tunisie figure sur cette liste négative aux côtés de pays tels que le Venezuela, le Yémen, la Biélorussie, le Tchad, Haïti, ou encore Myanmar (voir Annexe). Comme souligné précédemment, le FMI remplit trois fonctions principales : (i) accorder des financements aux pays confrontés à des difficultés de balance des paiements, (ii) fournir une assistance technique pour aider les pays à mettre en œuvre des réformes, et (iii) garantir la stabilité du système monétaire international grâce à une surveillance bilatérale et multilatérale. Les consultations en vertu de l'article IV constituent l'outil principal de la surveillance bilatérale et représentent un exercice annuel obligatoire pour les 190 pays membres. En principe, une consultation devrait être conclue par le conseil d'administration dans les 12 mois suivant la clôture de la consultation précédente, avec une période de grâce de 3 mois. La plupart des pays respectent ces délais, et des retards de quelques mois sont tolérés pour garantir des discussions approfondies. Cependant, d'importants retards peuvent survenir pour des raisons politiques, de sécurité, à la demande des autorités, ou pendant des négociations en cours avec le FMI pour un programme.
Il convient de rappeler qu'en ce qui concerne la Tunisie, la dernière consultation en vertu de l'article IV a été finalisée le 17 février 2021[3]. Trois ans plus tard, la Tunisie non seulement a rejeté un accord de financement avec le FMI préparé, négocié, et approuvé par le gouvernement, mais elle s'engage maintenant dans une voie préoccupante de non-coopération avec le FMI, en négligeant ses engagements en tant que membre du pays. C'est une première dans l'histoire des relations entre la Tunisie et le FMI. Les retards dans la finalisation des consultations sont régis par une politique spécifique du FMI visant à encourager les pays à éviter les retards et, le cas échéant, à les stigmatiser en cas de délais excessifs.
Dans le cas de la Tunisie, avant son placement sur la liste négative, le Directeur général du FMI a pris l'initiative d'adresser une correspondance au Gouverneur de la BCT, soulignant l'impératif pour la Tunisie de se conformer à l'obligation de consultation. La liste négative sera régulièrement actualisée tous les six mois, et de manière informelle, les services du FMI tiendront le conseil d'administration au courant des évolutions économiques de la Tunisie. L'inclusion de la Tunisie par le FMI sur une liste négative représente un développement regrettable, susceptible d'être mal perçu tant par le marché que par les pays donateurs. Les pays qui avaient manifesté une disposition à soutenir la Tunisie, même en dehors d'un programme avec le FMI, risquent désormais de conditionner leur appui à une reprise des consultations au titre de l'article IV.
Enfin, la non-finalisation de la consultation annuelle avec le FMI continue de priver les Tunisiens d'une évaluation technique impartiale et de haut niveau de la situation économique et financière du pays. Les rapports du FMI sur la Tunisie, autrefois publiés à temps, ont toujours constitués une source respectée d'information et d'analyses. Ce n'est plus le cas depuis 2021 car le FMI n'a rien publié sur la Tunisie depuis trois ans.
[1] Tunisie - FMI : C'est quoi au juste les consultations au titre de l'article IV ? [2] List of IMF Member Countries with Delays in Completion of Article IV Consultations or Mandatory Financial Stability Assessments Over 18 Months [3] Tunisia: 2021 Article IV Consultation-Press Release; Staff Report; and Statement by the Executive Director for Tunisia
Annexe. FMI - liste des pays dont l'achèvement des consultations a pris des retards de plus de 18 mois