Le Fonds monétaire international (FMI) a mis en ligne le 1er mars 2021 son plus récent rapport d'évaluation et de consultation au sujet de la situation politique et socio-économique en Tunisie (IMF conuntry Report 21/44). Ce rapport du FMI sur la Tunisie est bancal puisqu'il présente un vice de forme majeur; indigne des codes régissant la pratique évaluative et la démarche consultative au titre de l'Article IV – Consultation with Tunisia. En effet, le vice de forme est lié à l'absence de positions officielles et de réactions formelles signées par le chef de gouvernement tunisien (ou son ministre des Finances); et/ou par le gouverneur de la Banque centrale (BCT). Un rapport réfutable? Ainsi, les 97 pages de ce rapport en anglais (sans version en arabe ni en français) présentent exclusivement les points de vue du FMI. En utilisant des données tuniso-tunisiennes analysées derrière des portes closes à Washington. Sans donner (au sein même du rapport), la possibilité et l'espace requis au gouvernement tunisien pour réagir et nuancer les interprétations des résultats; ainsi que les éventuels biais d'analyse (biais de sélection, biais idéologique, biais stratégique, etc.). En outre, les statistiques utilisées dans ce rapport ne sont pas toutes publiques. Elles ne permettent pas aux chercheurs et experts indépendants de les vérifier. Et refaire les analyses pour consolider ou réfuter les biais très probables dans ces rapports ayant un focus fondamentalement politique. A cet égard, le rapport donne l'impression qu'il est le fruit d'une démarche précipitée. Laquelle occulte les données probantes et les itérations de validité interne liées. Un rapport fait dans la précipitation, pour ne pas dire un rapport bâclé. Plus grave encore, les cinq pages signées par M. Hossein El Hosseini et Samir Belhadj (p. 93-97), parlent au nom du gouvernement tunisien (on behalf of our Tunisian autorities...). Alors qu'ils sont très probablement des employés occasionnels au sein du FMI, ou experts free-lance à contrat déterminé. Ces deux personnes parlent au nom du gouvernement tunisien (et du peuple tunisien). Et ce, sans avoir ni le mandat, ni la légitimité de le faire. Le parlement et les partis politiques au pouvoir doivent les inviter au parlement. Cependant, nos investigations n'ont pas permis de vérifier leur vraie appartenance institutionnelle. Certainement pas mandatés par le gouvernement tunisien, pour prétendre refléter la position tunisienne dans ce processus d'évaluation complexe et de reviewing lourd de conséquences pour la Tunisie et pour les contribuables. Risque moral et responsabilité éthique Alors, il y a ici un sérieux problème éthique qui s'ajoute aux enjeux méthodologiques. Ethique, au regard de deux dimensions. Un : d'abord la dimension liée au silence du gouvernement Mechichi sur les enjeux du rapport et l'absence (abstention) du gouvernement et de la BCT. Les cinq derniers rapports du FMI (depuis 2013) ajoutent des annexes signées par les chefs de gouvernement et le gouverneur de la BCT. Et ce, pour exprimer la position tunisienne, et pour rassurer les Tunisiens qu'ils font le nécessaire pour défendre les intérêts de la Tunisie dans ces processus techniques, statistiques... et exigeant une expertise hors du commun. Le gouvernement Mechichi doit donc s'exprimer au sujet de ce rapport et mission de consultation évaluative faite par le FMI; pour décider, oui ou non, de financer son gouvernement et les réformes structurelles attendues. Deux : pratiquant l'évaluation et la révision des politiques publiques depuis 30 ans, j'enseigne à mes étudiants et étudiantes les bonnes pratiques évaluatives. Et notamment celles de donner la parole aux responsables (et gouvernements en charge) des programmes évalués pour nuancer, exprimer leurs points de vue et leur son de cloche au sujet des constats, engagements et recommandations. Cela semble faire défaut au dernier rapport du FMI sur la Tunisie. Le FMI fait son juge et partie dans ce contexte. Dommage... Le gouvernement tunisien doit s'expliquer à ce sujet L'erreur éthique du FMI est lourde de conséquences sur sa crédibilité en Tunisie et ailleurs. Le FMI doit rétablir la vérité, notamment au sujet de l'appartenance de ces deux auteurs du statement diligenté au nom de la Tunisie, au nom de son gouvernement et au nom des contribuables tunisiens. Enfin, le FMI doit clarifier et revisiter son rapport dans les meilleurs délais. Et ce, pour honorer la bonne pratique balisant la révision et l'évaluation des politiques menées en Tunisie. * leconomistemaghrebin