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Blé : les pénuries risquent-elles de continuer ?
Publié dans Business News le 05 - 02 - 2024

Les chiffres concernant les quantités de blé écoulées en 2023 en Tunisie sont sans appel : les quantités produites et importées sont inférieures à celles des années précédentes alors que la population ainsi que l'activité économique sont en hausse et parallèlement la consommation nationale, du moins en théorie.
Certes, il y a de la spéculation comme cela a été toujours le cas mais elle n'explique pas les pénuries subies par les Tunisiens. Ces chiffres démontrent clairement les problèmes financiers de l'Etat car avec la sécheresse et le manque de production le gap aurait dû être comblé par l'importation chose qui n'a pas été faite.
Le président de la République serait-il intentionnellement induit en erreur, concernant certaines pénuries ? Il semblerait que cela soit le cas car depuis deux ans, le chef de l'Etat n'a cessé de répéter que tous les maux de la Tunisie sont causés par la spéculation et le monopole (des particuliers et pas l'Etat bien sûr, ndlr). Tous les jours, les divers appareils de l'Etat exposent avec fierté les résultats de leurs descentes et de leurs opérations de contrôle. Les saisies sont la règle, les opérateurs devant se justifier par la suite et souvent ils sont découragés par les procédures judiciaires longues et fastidieuses, surtout lorsque les produits saisis sont périssables. Les saisies annoncées vont de quelques kilos à quelques tonnes.
Ainsi, pour expliquer les diverses pénuries (farine, semoule et par extension pain, pâtes et couscous, riz, café et sucre) et comme à son accoutumée, le chef de l'Etat livre à chaque fois un raisonnement identique à toutes les fois précédentes : « les spéculateurs œuvrant pour le compte des opposants politiques sont derrière cette nouvelle crise pour affamer le peuple et déstabiliser la paix sociale ».
L'été dernier, pour expliquer la pénurie de pain, Kaïs Saïed avait pointé une nouvelle fois la corruption, le trafic, la spéculation et les monopoles. Le hic, c'est que les chiffres sont têtus. En se référant à ceux publiés par l'Observatoire national de l'agriculture (Onagri) ainsi par le site Agridata.tn, les quantités de blé (importation +production) disponibles en volume ont diminué de 221.682,5 tonnes pour le blé tendre (-16,45%) et ont augmenté de 24.610,5 tonnes pour le blé dur (+1,96%) en 2023. Par contre, par rapport à 2019, l'année de référence avant la pandémie du Covid-19, elles ont diminué de 277.244,7 tonnes pour le blé tendre (-19,76%) et de 124.511,9 tonnes pour le blé dur (-8,87%). Donc, les quantités écoulées sur le marché ne sont pas revenues au niveau d'avant la pandémie : on enregistre un quart de moins pour le blé tendre (farine) et 1/10 de moins pour le blé dur (semoule), entre 2019 et 2023, alors que théoriquement les besoins auraient dû augmenter proportionnellement à la population du pays et à son activité économique.


D'ailleurs, les lois de l'offre et de la demande sont claires : le manque de l'offre engendre spéculation et hausse des prix. Il est difficile de spéculer sur des produits disponibles sur le marché en quantité suffisante. D'ailleurs, en général, les spéculateurs stockent certaines denrées jusqu'à leur épuisement sur le marché pour pouvoir tirer profit de la revente. Donc, la raison la plus logique à une pénurie est plutôt un manque d'approvisionnement. Ce qui est le cas pour le blé : l'Etat a diminué ses importations de blé alors que la production nationale avait baissé à cause de la sécheresse.
Résultat des courses, les Tunisiens (professionnels et ménages) ont subi tout au long de 2023 des pénuries liées au manque de farine ou de semoule. Ainsi, l'année 2023 avait été rythmée par des perturbations d'approvisionnement et certaines pénuries. Souvent les rayons de biscuits, de pâtes, de farine et semoule des supermarchés n'étaient plus garnis comme dans le passé. Une multitude de produits manquait à l'appel. Idem chez les épiciers de quartier. D'ailleurs, beaucoup de Tunisiens s'étaient plaints du manque de semoule pour faire la "Oula" (le couscous à la maison, ndlr). Plein de petits commerces qui font le pain traditionnel tunisien de la "Tabouna" ou des pâtisseries traditionnelles comme le Makroudh ont dû fermer, à cause du manque de matières premières.

Concrètement, la guerre en Ukraine a eu un impact négatif à partir de février 2022. L'Etat s'est trouvé entre le marteau et l'enclume, ce conflit ayant causé l'envol des cours de plusieurs denrées, notamment la vertigineuse hausse des cours de céréales, et qui s'est traduite par diverses pénuries dans le pays.
Cette hausse des prix est intervenue alors que le pays vivait, d'une part, un grave stress hydrique depuis trois ans qui a impacté les moissons, et d'autre part, une grave crise des finances publiques.
Ainsi, les problèmes d'approvisionnement se sont poursuivis en 2023 et cela malgré la baisse des cours. Car et selon l'Onagri, les prix des produits céréaliers ont enregistré une baisse variant entre 22% et 25% en 2023 : -24,6% pour le blé dur et -23,5% pour le blé tendre. Donc, normalement, les problèmes de 2022 auraient pu être atténués en 2023. Or, il n'en est rien.

Alors si les cours des céréales ont baissé, pourquoi la Tunisie n'a pas alimenté pas le marché en quantités suffisantes de blé pour répondre aux besoins des Tunisiens ? La réponse est simple, le pays fait face depuis plusieurs mois à une crise financière d'envergure. Une première, vu le nombre de produits concernés par les pénuries et leur récurrence.
La Tunisie a dû faire des arbitrages, à cause de ses ressources limitées, entre le paiement de ses dettes, des salaires des fonctionnaires, de ses fournisseurs et les diverses importations de denrées dont l'Etat détient le monopole.
La situation des finances publiques était tellement difficile que la ministre des Finances n'a cessé de rappeler que la Tunisie a payé ses dettes publiques pour 2023, alors que le pays est habitué à remplir ses engagements annuellement et que c'est, en général, un non-événement.
Avec un trou de dix milliards de dinars dans le budget de 2023, l'Etat eu du mal à s'acquitter de ses engagements. D'ailleurs et pour dissimuler cela, la rubrique consacrée au détail de la compensation a été retirée du tableau explicatif des derniers rapports relatifs aux résultats provisoires de l'exécution du budget. Mais, certains professionnels ont confirmé à Business News que la compensation n'a pas été payée depuis plusieurs mois.
En ce qui concerne les boulangers, l'Etat n'a pas honoré ses dus pendant quinze mois (sans comptabiliser le mois de février 2024, ndlr) qui s'élèvent à environ 300 millions de dinars. 3.317 boulangeries sont concernées. Les industriels des pâtes alimentaires et couscous n'ont pas été payés, non plus, depuis juillet 2022 (18 mois) pour un montant de plus d'une centaine de millions de dinars. Pour leur part, les meuniers n'ont pas été payés pendant plusieurs mois mais nous n'avons pas pu confirmer le montant et le nombre de mois.
La situation était tellement grave que les quotas des industriels de pâtes et coucous ont été baissés de 30% pendant deux ou trois mois début 2023. Idem pour les boulangers, des quotas supplémentaires fournis lors de la crise du pain pendant l'été ont été supprimés à partir de mois d'octobre, causant le retour de la pénurie et des files d'attentes.

Cette situation des finances publiques s'est répercutée sur les institutions de l'Etat chargées de fournir les produits de base aux Tunisiens. C'est le cas l'Office des céréales qui est chargé de l'approvisionnement du pays en céréales locales et importées, de l'organisation et la régulation du marché des céréales et de la supervision et le suivi de la collecte des céréales.
Ainsi, et en se référant au "Rapport sur les transferts et garanties de l'Etat au profit des institutions et entreprises publiques non-administratives, annexé à la loi de finances 2024", publié en janvier 2024 par le ministère des Finances, l'office était déficitaire de 2020 à 2022. Son déficit est passé de 340,6 millions de dinars en 2020, à 477,2 millions de dinars en 2021 puis à 700,8 millions de dinars en 2022. Les charges financières ont évolué, quant à elles, de 381,6 millions de dinars en 2020 à 743,2 millions de dinars en 2022.
Pire, les dettes de l'Office des céréales se sont cumulées envers la BNA Bank, l'Etat n'honorant pas aussi ses dus à l'office et l'effet boule de neige s'est répercuté sur la banque.
Dans leur rapport pour les états financiers intermédiaires au 30 juin 2023, les commissaires aux comptes ont précisé que « les engagements de l'Office des céréales envers la banque totalisent 4.957,29 millions de dinars au 30 juin 2023 (soit environ 27,9% du total des engagements de la clientèle, en bilan et hors bilan). Ces engagements sont refinancés directement auprès de la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour un montant de 2.615,84 millions de dinars à cette même date. Ils ont connu une hausse de 189,22 millions de dinars (+4%) par rapport à leur niveau au 31 décembre 2022 et enregistrent un dépassement significatif du seuil de 25% des fonds propres nets de la banque, imposé par l'article 51 de la circulaire BCT n°2018-06 du 05 juin 2018.
Le financement de l'Office des céréales a impacté de façon significative la trésorerie de la Banque qui a enregistré un solde négatif de -5.056,65 millions de dinars au 30 juin 2023, contre -4.545,350 millions de dinars au 31 décembre 2022. Il est à noter que les chèques tirés par l'Office des céréales sur la Trésorerie générale de Tunisie au titre de ses droits à la compensation, qui ne sont pas encore encaissés par la banque au 30 juin 2023, totalisent 3.224,07 millions de dinars ».

La situation est arrivée à tel point que les banques rechignent de plus en plus à prêter à l'Etat et aux établissements publics, vu les difficultés de remboursement. D'ailleurs, plusieurs adjudications en BTA et BTC ont été déclarées infructueuses, pendant 2023. En outre, le recours intensif au marché intérieur l'a épuisé et a accentué l'effet d'éviction du secteur privé du marché du crédit alors qu'il souffre déjà du resserrement de la politique monétaire de la BCT.
Le pire c'est que la situation des finances publiques et par extension les pénuries et les problèmes d'approvisionnement risquent de perdurer en 2024, en se référant à la Loi de finances 2024 et aux divers documents publiés par le ministère des Finances concernant 2024. Ainsi, on n'a aucune idée sur comment le gouvernement compte financer 14,5 milliards de dinars relatifs au budget 2024.

Comme l'ont prouvé les chiffres officiels publiés, la pénurie des dérivés de blé est liée clairement à un manque d'approvisionnement (un sixième de la quantité de blé tendre (farine) est manquant par rapport à l'approvisionnement de 2022, ndlr). Ainsi, 2023 a été une année difficile mais 2024 le sera aussi sûrement, car les problèmes financiers du pays ne pourront se résoudre en un claquement de doigts et les problèmes d'approvisionnement risquent de perdurer. Les Tunisiens vont devoir s'armer de patience jusqu'à ce que les responsables du pays acceptent d'engager les réformes structurelles nécessaires pour relancer la machine économique et sortir le pays de la crise.


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