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Pourquoi la crise du pain devrait persister
Publié dans Business News le 26 - 08 - 2023

Depuis plusieurs semaines, les déclarations et communiqués interposés des différents intervenants du secteur du pain promettaient une reprise rapide de l'approvisionnement normal. Pourtant, la crise perdure. Selon le chef de l'Etat et le gouvernement, la pénurie est due à la spéculation et au trafic. Or, les chiffres sont têtus : la quantité importée de blé tendre, la base du pain compensé a baissé. Par rapport à l'année dernière, 1/7 de la quantité manque, alors que les cours ont baissé considérablement. Ce qui prouve qu'il s'agit d'un problème de finances et que l'Etat est le premier responsable de la crise.

Depuis deux ans, le chef de l'Etat n'a cessé de répéter que tous les maux de la Tunisie sont causés par la spéculation et le monopole (des particuliers et pas l'Etat bien sûr, ndlr). Tous les jours, les divers appareils de l'Etat exposent avec fierté les résultats de leurs descentes et de leurs opérations de contrôle, n'hésitant pas à saisir des marchandises achetées en bonne est due forme, factures à l'appui, comme ce fût le cas pour les boulangeries modernes, il y a quelques jours. Les saisies sont la règle, les opérateurs devant se justifier par la suite et souvent ils sont découragés par les procédures judiciaires longues et fastidieuses, surtout lorsque les produits saisis sont périssables.
Les saisies annoncées vont de quelques kilos à quelques tonnes mais ne peuvent expliquer, en aucun cas, les pénuries que vivent au quotidien les Tunisiens.
Il y a quelques semaines, avant la fermeture des boulangeries modernes, les Tunisiens se plaignaient du manque de pain compensé face à une disponibilité meilleure des pains de qualité supérieure notamment le pain de semoule.
Comme à son accoutumée, le chef de l'Etat a livré un raisonnement identique à toutes les fois précédentes : « les méchants spéculateurs œuvrant pour le compte des opposants politiques sont derrière cette nouvelle crise pour affamer le peuple et déstabiliser le pouvoir établi », d'où ses recommandations pour un même pain pour un seul peuple et qui a conduit vers la fermeture des boulangeries modernes. Résultat des courses, la situation s'est envenimée et le pain est devenu une denrée encore plus rare.

Toutefois, les lois de l'offre et de la demande sont claires : le manque de l'offre engendre spéculation et hausse des prix. Il est difficile de spéculer sur des produits disponibles sur le marché en quantité suffisante. D'ailleurs, en général, les spéculateurs stockent certaines denrées jusqu'à leur épuisement sur le marché pour pouvoir tirer profit de la revente.
Donc, la raison la plus logique à la pénurie de pain est plutôt un manque d'approvisionnement. Ce qui est le cas : l'Etat a diminué ses importations de blé tendre, les grains moulus se transforment en farine, qui est utilisée pour la fabrication du pain compensé.
En se référant aux chiffres de l'Observatoire national de l'agriculture (Onagri), les importations de blé tendre (farine) en volume ont diminué de 103.100 tonnes par rapport à 2022, représentant le 1/7 de la quantité achetée en 2022 et une baisse de 13,9%.


En contrepartie, les importations de blé dur (semoule) en volume ont augmenté de 69.200 tonnes par rapport à 2022, soit une hausse de 16,3%. En valeur, les importations de blé tendre ont diminué de 280 millions de dinars (-29,7%) et celles de blé dur ont baissé de 86,4 millions de dinars (-10,3%).


Depuis la pandémie du Covid-19, l'Etat n'a pas repris le niveau des importations de 2018 et 2019, alors que l'économie est supposée avoir repris plus ou moins une activité normale. La guerre en Ukraine et la hausse vertigineuse des cours de céréales n'ont pas arrangé les choses. En parallèle, le pays a subi depuis trois ans une grave crise hydrique, qui a impacté les moissons.
Rappelons dans ce cadre que 2023 s'annonce comme étant une année exceptionnelle en termes de sécheresse. Le Syndicat des agriculteurs de Tunisie (Synagri) s'attend à une récolte en deçà de celle espérée, ne dépassant pas les quatre millions de quintaux, soit seulement 12,5% des besoins du pays estimés à 32 millions de quintaux. Des prévisions revues à la baisse par l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap), qui estime que les récoltes de céréales ne dépasseront pas les 1,8 à 2,5 millions de quintaux, ne couvrant même pas les besoins en semence pour l'année prochaine.
En avril dernier, Business News avait évoqué les risques d'une pénurie de céréales. Avec la crise du pain, ces craintes se sont concrétisées. Et ce ne sont pas seulement les boulangeries qui peinent à trouver de la farine ou de la semoule, mais bien d'autres professionnels ainsi que les ménages tunisiens. Les rayons de biscuits, de pâtes, de farine et semoule, des supermarchés ne sont plus garnis comme avant. Une multitude de produits manquent à l'appel. Idem chez les épiciers de quartier. D'ailleurs, beaucoup de Tunisiens se sont plaints du manque de semoule pour faire la "Oula" (le couscous à la maison, ndlr). Plein de petits commerces qui font le pain traditionnel tunisien de la "Tabouna" ou de pâtisseries traditionnelles comme le Makroudh sont souvent fermés, à cause du manque de matières premières.
Seule bonne nouvelle, dans tout cela, la baisse des prix des céréales. En effet, l'Observatoire national de l'agriculture (Onagri) note, dans son rapport de juillet 2023 sur la balance alimentaire, que la valeur des importations des céréales a baissé de 14,9%. Les prix des produits céréaliers ont enregistré une baisse variant entre 16% et 23%. Dans le détail, les prix à l'importation des céréales ont connu une baisse de (-22,9%) pour le blé dur, de (-18,3%) pour le blé tendre, de (-16,8%) pour l'orge et de (-16,6%) pour le maïs.

Alors si les cours des céréales ont baissé, pourquoi la Tunisie n'importe pas les quantités suffisantes de blé tendre pour répondre aux besoins des Tunisiens ? La réponse est simple, le pays fait face depuis plusieurs mois à une crise financière d'envergure. Une première, vu le nombre de produits concernés par les pénuries (même les passeports n'y ont pas échappé, ndlr) et leur récurrence.
D'ailleurs et selon Echaâb News, huit navires étaient en attente de paiement, le 16 août 2023, pour décharger leurs cargaisons de céréales.
En effet, la Tunisie doit faire des arbitrages, à cause de ses ressources limitées, entre le paiement des salaires des fonctionnaires, de ses fournisseurs et les diverses importations de denrées dont l'Etat détient le monopole.
L'économiste et analyste financier Moez Hadidane a recensé les prêts et dons débloqués de l'étranger au profit de la Tunisie. Il en ressort que du 1er janvier au 31 juillet 2023, le montant de ces prêts et dons a atteint 2,92 milliards de dinars, loin des 14,86 milliards de dinars de ressources provenant d'emprunts extérieurs sur lesquels tablaient les autorités dans la Loi de finances 2023 et qui permettraient de ravitailler le pays en devises nécessaires pour le remboursement de la dette et pour financer les importations tunisiennes.
Rappelons dans ce cadre que le chef de l'Etat avait refusé les réformes proposées par son gouvernement au Fonds monétaire international (FMI), bloquant le processus depuis un an et demi. Si la Tunisie a pu survivre l'année dernière grâce aux aides des pays amis et frères, cela ne peut se poursuivre éternellement et cela se ressent de jour en jour avec la multiplication des crises et des pénuries.

Ainsi, l'Etat a du mal à s'acquitter de ses engagements. Il n'a pas payé la compensation qu'il doit aux professionnels, vu les problèmes des finances publiques. Au total, on parle de 965 millions de dinars d'impayés en termes de compensation, jusqu'à fin juillet 2023.
En ce qui concerne les boulangers, l'Etat n'a pas honoré ses dus pendant quatorze mois en comptabilisant le mois de juillet 2023 qui s'élèvent à 262 millions de dinars. 3.317 boulangeries sont concernées. Pour leur part, les meuniers n'ont pas été payés depuis mai 2022 (quatorze mois) pour un montant total de 91 millions de dinars. Les industriels des pâtes alimentaires et couscous n'ont pas été payés, non plus, depuis août 2021 (22 mois) pour un montant de 172,5 MD.
La compensation des céréales serait située à 1,74 milliard de dinars, selon le "Budget du citoyen 2023".
Pire, la partie cachée de l'iceberg réside dans les dettes de l'Office des céréales envers la BNA Bank, l'Etat n'honorant pas aussi ses dus à l'office et l'effet boule de neige s'est répercuté sur la banque. Dans leur rapport pour les états financiers clos au 31 décembre 2022, les commissaires aux comptes ont précisé que « les engagements de l'Office des céréales envers la banque totalisent 4,77 milliards de dinars fin 2022 (27% du total des engagements clients, en bilan et hors bilan). Ils sont refinancés directement auprès de la BCT pour un montant de 1,96 milliard de dinars fin 2022. Ces engagements ont connu une hausse de 827,19 MD (+21%) par rapport à une année auparavant et enregistrent un dépassement significatif du seuil de 25% des fonds propres nets de la banque imposé par l'article 51 de la circulaire de la BCT n°2018-06 du 5 juin 2018.
Le financement de l'office a impacté de façon significative la trésorerie de la banque qui a enregistré un solde négatif de 4,54 milliards de dinars fin 2022, contre 3,42 milliards de dinars fin 2021. Et de noter que les chèques tirés par l'Office des céréales sur la Trésorerie générale de la Tunisie au titre de ses droits à la compensation, qui ne sont pas encore encaissés par la BNA au 31 décembre 2022, totalisent 2,38 milliards de dinars. Les garanties de l'Etat accordées à la Banque au titre des engagements de l'Office des céréales s'élèvent, au 31 décembre 2022, à 4,77 milliards de dinars, ce qui lui confère une couverture totale du risque de contrepartie sur ces engagements (composés de principal, intérêts et commissions) ».
Ainsi, les banques rechignent de plus en plus à prêter à l'Etat et aux établissements publics, vu les difficultés de remboursement. D'ailleurs, plusieurs adjudications en BTA et BTC ont été déclarées infructueuses, ces derniers mois. En outre, le recours intensif au marché intérieur l'a épuisé et a accentué l'effet d'éviction du secteur privé du marché du crédit alors qu'il souffre déjà du resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale de Tunisie (BCT).

Ainsi, la crise du pain risque de perdurer. Et si ce n'est pas le pain, ça sera un autre produit, dont l'Etat détient le monopole (riz, sucre, farine semoule, café, carburant,…). À moins que l'Etat n'accepte d'engager les réformes nécessaires pour sortir le pays de la crise, la condition du FMI et qui permettra de débloquer les crédits nécessaires des bailleurs de fonds internationaux. Ou que l'Italie parvienne à convaincre les institutions financières d'aider la Tunisie, sans contrepartie exception faite de l'accord sur la migration clandestine.
Le 23 août 2023, le secrétaire d'Etat italien à la présidence du Conseil des ministres, Alfredo Mantovanu, avait appelé le FMI à lever l'interdiction d'ouvrir des lignes de crédits à la Tunisie, afin « de mettre fin à l'impasse financière que traverse le pays ».
Entre temps, les Tunisiens devront s'armer de patience et se préparer à passer du temps dans les files d'attente.


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