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Journalistes, fermez vos gueules !
Publié dans Business News le 23 - 05 - 2024

Coup de tonnerre sur le monde des médias avec la condamnation à un an de prison de deux célèbres journalistes, réputés pour leur professionnalisme et leur modération. À cinq mois de la date théorique de l'élection présidentielle, le message du régime Kaïs Saïed est à la fois clair et violent : « journalistes, fermez vos gueules ! ».

« La liberté de la presse et de l'expression ne seront jamais menacées, il est hors de question de revenir en arrière ». Les propos appartiennent à Kaïs Saïed. Il les a prononcés depuis Djerba le 18 novembre 2022 au micro de Cheker Besbes de Mosaïque FM. Un an et demi plus tard, les propos sonnent comme caducs. Le nombre de journalistes poursuivis en justice se compte par dizaines et il risque d'en être de même pour ceux qui passent par la case prison.
Khalifa Guesmi, jeune journaliste de la même radio a été condamné à un an de prison ferme en première instance en novembre 2022, puis à cinq ans de prison ferme en appel (qui d'habitude allège les peines) en mai 2023 avant d'être acquitté en cassation en mars 2024, après plusieurs mois derrière les barreaux. Son crime est d'avoir refusé de donner le nom de sa source, parmi les forces de l'ordre, pour un reportage journalistique suite à une opération à succès contre des terroristes. Il n'est pas encore tiré d'affaire, il a encore des procès en cours.
Zied El Héni, un des plus grands journalistes du pays, a multiplié les gardes-à-vue et les détentions préventives et doit faire face à plusieurs procès, risquant, pour chacun d'entre eux, jusqu'à dix ans de prison, sur la base de l'article 24 du décret 54 liberticide, taillé sur-mesure en septembre 2022 pour museler la presse. Son crime, avoir critiqué le régime. En attendant de pencher sur ces affaires, il a été condamné en janvier 2024 à six mois de prison avec sursis, pour avoir moqué la ministre du Commerce et il a été licencié de sa radio IFM où il était chroniqueur d'une matinale politique largement suivie.
Le journaliste controversé Mohamed Boughalleb a été condamné en avril 2024 à six mois de prison ferme, sur la base du code des télécommunications (un autre texte liberticide) pour avoir dénoncé d'hypothétiques abus d'une fonctionnaire de l'entourage du ministre des Affaires religieuses. Tout comme M. El Héni, M. Boughalleb est poursuivi dans d'autres affaires liées à l'exercice de sa profession.
Bien avant tout ce beau monde, le journaliste islamiste Salah Attia a été condamné en août 2022 à trois mois de prison ferme par un tribunal militaire pour avoir diffamé l'armée.
Avant lui, le journaliste islamiste Ameur Ayed a été condamné en avril 2022 à quatre mois de prison ferme, peine allégée à deux mois en appel, par un tribunal militaire pour avoir offensé le président de la République à travers un poème lu sur écran.

Si toutes ces condamnations ont provoqué quelques émois par-ci, par-là, il y avait toujours quelqu'un parmi les proches du régime putschiste pour justifier la détention. Celui-là est islamiste, l'autre est insolent, un autre n'a pas vérifié ses informations, un autre s'en est pris à l'honneur d'une femme…
En revanche, les condamnations de Mourad Zeghidi et Borhen Bssaïs, mercredi 22 mai 2024, à un an de prison ferme, ont choqué tout le monde, y compris parmi les proches du régime. C'est une incompréhension totale. Les deux journalistes sont réputés pour leur ton modéré et n'ont jamais fait preuve d'animosité ou émis des critiques virulentes envers Kaïs Saïed. Leur procès est monté de toutes pièces et s'est distingué par les vices de forme et l'absence de preuves.
Pour le cas de M. Bssaïs, la procédure a été déclenchée suite à une signalisation anonyme d'un chef de brigade de la brigade anticriminalité. C'est cette même brigade qui l'a interrogé sur des publications Facebook et des commentaires à l'antenne remontant à 2020. En clair, la brigade a été juge et partie dans cette affaire.
Sa condamnation a été prononcée sur la base du code des télécoms. Dans tous les pays du monde, la détention est l'exception et la liberté est la règle, mais ce détail juridique de forme importe peu sous le régime Kaïs Saïed. Sur le fond, les deux journalistes sont accusés de diffamation et d'outrage. Où est la diffamation dans le texte épinglé, où est l'outrage ? Personne ne le sait.
En tout état de cause, l'utilisation du code des télécoms est contraire à la loi pour une raison toute simple. La presse a son propre code, comme partout dans le monde, le décret-loi 115 de 2011, qui régit le secteur. La loi tunisienne est claire, on ne peut pas utiliser un texte global quand il y a un texte spécifique. Si le décret-loi 115 avait été utilisé, les deux journalistes auraient écopé, au maximum, d'une amende et, en aucun cas, d'une peine privative de liberté. De même, quand il y a deux textes qui touchent un même crime ou délit, la loi tunisienne exige l'utilisation du texte le plus clément pour l'accusé. Encore des détails juridiques qui importent peu.
« J'assume », a répondu, chevaleresque, devant la cour Mourad Zeghidi. Une exclamation qui rappelle, sans doute aucun, le « J'accuse » d'Emile Zola en 1898.
Le procès de MM. Zeghidi et Bssaïs, tout comme ceux de leurs prédécesseurs d'ailleurs, ne peut pas être abordé d'un point de vue juridique. Inutile donc de détailler les vices de procédures, les autres textes de loi, la jurisprudence ou ce qui se passe à l'étranger.

Le procès est éminemment politique, il n'y a pas l'ombre d'un doute. Borhen Bssaïs et Mourad Zeghidi, aussi modérés soient-ils, sont là pour servir d'exemple aux autres journalistes qui critiquent encore le régime.
Leur modération de façade ne trompe pas ce dernier. Autour de ses plateaux radiophoniques et télévisés, Borhen Bssaïs décortique tous les jours l'actualité politique et met en évidence les abus du régime et son incompétence, avec les termes les plus doux. Cherchant un semblant d'équilibre, Borhen Bssaïs a nommé un chroniqueur permanent pour défendre le régime, à savoir Néjib Dziri. Un choix pas anodin et bien orienté, car ce dernier a brillé, tout au long des émissions, par la légèreté de ses propos, ses diffamations à outrance et son vide sidéral. En face, pour attaquer le régime, Borhen Bssaïs choisit des journalistes et chroniqueurs chevronnés et bien cultivés. Zied El Héni (passé par la case prison avant son licenciement), Mourad Zeghidi (en prison), Sonia Dahmani (en prison) ou Hassen Ayadi. Un pro-régime d'un côté, des commentateurs chevronnés anti-régime de l'autre, le téléspectateur ou l'auditeur a vite fait son idée.
C'est évident, le régime n'apprécie pas cette utilisation cynique du micro qui, sous ses apparences objectives, mesurées et indépendantes, le dessert gravement, bien davantage que les voix qui lui sont clairement hostiles.

Après avoir mis sous sa botte l'ensemble des médias publics, le pouvoir cherche désormais à faire taire les quelques voix des médias privés qui prétendent être indépendantes.
Aux yeux de Kaïs Saïed, avant de parler d'indépendance des médias et de la liberté d'expression, il faut d'abord qu'il y ait une indépendance des esprits. Or, à ses yeux, les journalistes qui le critiquent ne seraient pas indépendants d'esprit. Chacun possède son propre agenda et travaille au profit d'une entité politique.
Croyant sincèrement et profondément être porteur d'un message de sauvetage pour la Tunisie, voire l'humanité toute entière, ainsi que d'une mission de lutte nationale, Kaïs Saïed a besoin que tous les médias le supportent et l'aident à cette hypothétique lutte nationale. Du moins, qu'ils cessent de l'attaquer, d'ici l'élection présidentielle théoriquement prévue en octobre prochain.
Avec la lourde condamnation de Mourad Zeghidi et Borhen Bssaïs, le probable candidat à la présidentielle dit avec violence à ce qui reste comme journalistes indépendants : « fermez vos gueules, laissez-moi me réélire à ma guise ! ».
Après avoir fait arrêter les candidats les plus sérieux à la présidentielle, il veut maintenant avoir le champ libre et une autoroute pour la présidentielle, sans aucun obstacle et sans aucun bruit dérangeant.


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