Le remaniement partiel opéré par le président de la République, ou plus exactement, le limogeage des ministres de l'Intérieur et des Affaires sociales, Kamel Feki et Malek Ezzahi, a ébranlé la scène nationale, bien que c'était prévisible pour les plus avertis. La succession des événements ces derniers temps et le climat tendu ne pouvaient que se solder par une lourde décision. Retour sur des limogeages pas comme les autres. Connus pour être très proches du président de la République et faisant partie des pères fondateurs de son projet de gouvernance par les bases, le limogeage du ministre de l'Intérieur, Kamel Feki et du ministre des Affaires sociales, Malek Ezzahi a secoué la scène politique nationale. Ils font partie de la garde rapprochée du président de la République depuis sa campagne électorale. Cependant, les derniers événements qui se sont succédé ont chamboulé toutes les données. En effet, le président de la République se retrouve face à une vague de critiques l'accusant de dictature et d'anéantissement des garanties des droits et des libertés. Bien que ces accusations ne datent pas d'aujourd'hui, l'arrestation musclée de l'avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani a ouvert le bal. Les agents de sécurité cagoulés ayant pris d'assaut la Maison de l'avocat, filmés en direct par la chaîne française France 24, ont donné une mauvaise image de la Tunisie, annonçant le retour de l'Etat policier. Les choses ne se sont pas arrêtées là. 48 heures plus tard, c'est l'avocat Mehdi Zagrouba qui fût violemment arrêté par les policiers. Ses avocats assurent qu'il a été victime de torture lors de son arrestation. Ainsi, ces deux arrestations ont créé un climat de tension alimenté par les craintes quant aux retour en force de la répression et l'utilisation de la violence policière. D'ailleurs la journée de colère observée par les avocats marque en toute évidence le mécontentement des pratiques du régime.
Face à cette situation et pour faire le contrepoids, les partisans du président de la République ont décidé d'organiser une manifestation de soutien. Une manière de prouver que le président de la République bénéficie encore de sa légitimité populaire. Organisée par les responsables locaux, à savoir, gouverneurs, délégués et conseils locaux, cette manifestation a été un véritable fiasco. Selon les témoins oculaires présents sur les lieux, le nombre de manifestants n'a pas dépassé les 850 personnes malgré toute la logistique et les moyens de l'Etat mis à disposition. Les responsables n'ont pas réussi à mobiliser les masses en faveur du président de la République.
La défaillance des hommes du président de la République ne s'arrête pas là. C'est dire que la manifestation organisée le vendredi 24 mai 2024, par des jeunes et des activistes de la société civile a été la goutte ayant fait déborder le vase. La grande présence de jeunes et de personnalités connues pour leur militantisme et leur impartialité a été marquante. Les manifestants se sont rassemblés devant le syndicat des journalistes et ont sillonné les rues de la capitale, scandant des slogans très forts contre la répression et la politique de Kaïs Saïed, avant de débarquer à l'avenue Habib Bourguiba à quelques mètres du ministère de l'Intérieur. Malgré l'importance de la manifestation et la virulence des slogans et des messages, l'intervention des forces de sécurité a été quasi absente. Cette situation a dû révolter le président de la République qui n'a pas hésité à révoquer ses deux ministres de leurs fonctions. Une décision qui n'a pas dû être facile à prendre, mais inévitable face à la tournure qu'ont prise les événements. D'ailleurs, plusieurs partisans du président de la République, ont revendiqué le départ de Kamel Feki et de Malek Ezzahi. Ils dénoncent leur incompétence, tout en les accusant d'œuvrer contre les intérêts du président de la République. Certains vont même jusqu'à les accuser de comploter contre lui dans le but de mettre la main sur le pouvoir.
Toujours est-il, d'autres voix estiment que le président de la République avait démis les deux ministres de leurs fonctions, mais qu'ils ne les a pas tout à fait laissés tomber. D'ailleurs, il les a reçus lors du remaniement opéré, contrairement à tous les ministres qui les ont précédés. En effet, des observateurs indiquent qu'ils seront appelés à d'autres fonctions, probablement, à l'étranger.
En tout état en cause, le limogeage de Kamel Feki et de Malek Ezzahi ne sera pas sans répercussion. Les cartes sont redistribuées marquant, éventuellement, un nouvel équilibre des forces dans le cercle du président de la République. Cela augurait d'un prochain scénario en prévision de l'élection présidentielle prévue, théoriquement, en octobre 2024. Les prochaines semaines pourraient être probablement riches en rebondissements.