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Transactionnellement vôtre : l'UE et la Tunisie face à leurs propres contradictions
Publié dans Business News le 28 - 10 - 2024

Les 29 et 30 octobre 2024 marqueront la reprise des négociations entre la Tunisie et l'Union européenne, représentée par la Direction générale du voisinage et des négociations d'élargissement (DG Near, qui gère le dossier Tunisie et détient les cordons de la bourse), et le Service européen pour l'action extérieure (SEAE, responsable de l'orientation politique). Cette réunion à Tunis, la première du second mandat de Kaïs Saïed, aura pour objectif de discuter les détails de la mise en œuvre du mémorandum migratoire signé le 16 juillet 2023.
Pour ne pas s'emmêler les pinceaux et mieux comprendre les enjeux de cette rencontre, il est essentiel de démystifier les rhétoriques qui sous-tendent les relations entre l'Union européenne (UE) et la Tunisie. D'un côté, l'UE justifie sa stratégie transactionnelle comme un effort pour stabiliser la Tunisie et éviter son basculement vers des influences géopolitiques adverses, telles que la Russie et la Chine (sous-entendu faute de coopération européenne). De l'autre, le président tunisien Kaïs Saïed s'affiche auprès de ses supporters comme farouche défenseur d'une souveraineté nationale, refusant publiquement de devenir le « garde-côte de l'Europe », et coopérant discrètement et à minima avec des acteurs européens comme Frontex afin d'empêcher les migrants de partir pour l'Europe, les repêcher en mer et coopérer à leur rapatriement.
Toutefois, cela n'est pas suffisant pour les Européens, qui cherchent désespérément à intensifier cette coopération en proposant la création de hubs de réadmission avec leurs partenaires. L'idée qui prend de l'ampleur est celle d'établir des centres de retour dédiés en dehors de l'espace Schengen, dans des pays tiers. Pour les 27, l'objectif est clair : accélérer les expulsions à tout prix, sans s'embarrasser de scrupules. Ce durcissement des mécanismes de réadmission reflète la frénésie de l'Europe pour renforcer ses politiques migratoires, en déléguant de plus en plus cette gestion à des pays partenaires comme la Tunisie, qui se voit placée au cœur de cette stratégie.
Dans le contexte actuel, marqué par une grave crise économique, cette initiative pourrait représenter une opportunité pour la partie tunisienne, lui permettant de renflouer les caisses de l'Etat, désespérément vides. La question cruciale est donc la suivante : jusqu'où Kaïs Saïed pourra-t-il maintenir sa rhétorique de souveraineté face aux exigences européennes ? Sera-t-il contraint d'accepter des compromis transactionnels pour sauver l'économie du pays ? Cette question revêt d'autant plus d'importance pour les Européens qu'elle s'inscrit dans un contexte marqué par les échecs récents des projets britanniques et italiens de sous-traiter la gestion des demandeurs d'asile respectivement au Rwanda et en Albanie.
Cependant, cette approche transactionnelle comporte des risques importants. En soutenant un régime de plus en plus autoritaire, l'UE se retrouve complice des atteintes aux droits humains qui s'intensifient sous la présidence de Kaïs Saïed, compromettant ainsi sa propre légitimité en tant que défenseur des valeurs démocratiques.
Face à une Tunisie en pleine dérive autoritaire, l'UE marche sur une ligne de crête de plus en plus insoutenable, oscillant entre le besoin de maintenir une façade minimale de respect des principes démocratiques et la nécessité de préserver des relations fonctionnelles avec un partenaire clé en matière de sécurité et de gestion des flux migratoires. Cette posture devient d'autant plus précaire alors que des enquêtes, comme celle du journal britannique The Guardian, révèlent des allégations graves d'abus commis par des forces de sécurité tunisiennes financées par l'UE, y compris des violences sexuelles et des violations flagrantes des droits humains contre des migrants (niées officiellement par la Tunisie). La pression monte pour que Bruxelles rende des comptes sur sa connaissance de ces abus et sur les mesures qu'elle envisage pour y remédier, alors même que des fonds européens continuent de soutenir ce régime répressif. De plus, il s'avère que la DG Near avait anticipé ces abus dans une note interne qu'ils ont préféré occulter par la suite.
Transactionnellement vôtre : un poker menteur
Finalement, le sort de ces négociations dépendra de la capacité de Kaïs Saïed à concilier ses ambitions politiques avec les besoins immédiats de son pays, en particulier l'obtention d'un soutien budgétaire direct et d'un prêt de l'UE sans conditions liées au FMI, comme promis par Giorgia Meloni. Ce dernier avait déjà accepté d'être le garde-frontière de l'Europe lors de la signature du Mémorandum en juillet 2023 et il ira très probablement encore plus loin cette fois-ci afin de gagner du temps et obtenir un répit financier, qui lui permettrait de finaliser son rapprochement avec les Brics et notamment la Russie. La question migratoire, seul véritable lien qui subsiste entre Kaïs Saïed et une Europe qu'il ne cesse de fustiger, devient une fois de plus le pivot d'un compromis, réduisant au silence sa rhétorique anti-diktats et sa défiance ouverte envers l'Occident.
De son côté, l'Europe, absorbée par l'urgence des défis migratoires, semble prête à renoncer à un pilier du traité de Rome de 1957, qui a initié la coopération au développement, et les traités actuels, comme le traité sur l'Union européenne (article 21) et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (article 208), définissant les principes de cette coopération, visant notamment à réduire la pauvreté et à promouvoir le développement durable. Le budget de la coopération est désormais dévié au profit d'une gestion sécuritaire et répressive de la migration au jour le jour. Ce changement de philosophie est bien résumé par un tweet du ministre français délégué chargé de l'Europe, Benjamin Haddad en date du 24 octobre 2024 : « Place au réalisme. L'Europe doit cesser de se voir comme un vaste marché ou comme une ONG qui défend des valeurs universelles, mais se penser comme un objet politique, qui a ses propres intérêts économiques et sécuritaires. ».
Toutefois, placer l'Europe uniquement sous l'angle du réalisme économique et sécuritaire, c'est oublier que sa force réside précisément dans l'équilibre entre marché, sécurité et valeurs universelles. Si l'Europe renonce à défendre les droits humains et les principes de solidarité, elle perdra non seulement son âme, mais aussi l'influence qui lui permet de rassembler et de construire des partenariats basés sur la confiance et le respect. Ne voir l'Europe que comme un objet politique froid, c'est céder à une vision réductrice, qui l'éloigne de ce qui a fait sa réussite, et qui la différencie justement de pays comme la Russie de Poutine.
En fin de compte, ces négociations ressemblent à une véritable partie de poker menteur, où chaque camp avance ses pions avec calcul et précaution, dissimulant ses véritables intentions derrière des discours officiels. L'Europe, obsédée par la gestion immédiate des migrations, alimentée par une pression volontairement exacerbée par les partis d'extrême droite qui cherchent à instrumentaliser la question migratoire à des fins politiques, et la Tunisie, étranglée économiquement, jouent un jeu où les compromis et les intérêts pragmatiques prennent clairement le dessus sur les principes affichés. Dans ce contexte, les discours alarmistes sur les migrants servent avant tout les objectifs politiques internes, détournant l'attention des véritables enjeux et renforçant une approche transactionnelle au détriment des valeurs démocratiques et des droits humains. Derrière la façade de coopération, ce sont des enjeux de pouvoir et de survie économique qui dictent la conduite des deux parties, bien loin des idéaux proclamés de souveraineté et de valeurs démocratiques.


*Maxence Vanhille dirige la section « Analyse politique » du MDI Brussels avec un focus sur la montée des extrêmes droites en Europe


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