Kaïs Saïed : il faut ouvrir la voie aux recrutements, une fois l'administration débarrassée des infiltrés    Kaïs Saïed insiste sur l'épuration de l'administration et la relance des recrutements publics    Tunisie : Deux ans de prison pour l'homme d'affaires Youssef Mimouni    Le taux d'inflation baisse légèrement et s'établit à 5,6%    Consommation: Ralentissement de l'évolution des prix du groupe des produits alimentaires en avril (INS)    Kaïs Saïed réaffirme le refus de la Tunisie d'être une terre de transit pour les migrants irréguliers    Ce que les astres vous réservent ce 6 mai 2025 : tensions intérieures et révélations inattendues    Kaïs Saïed réaffirme le refus de la Tunisie d'être une zone de transit pour les migrations irrégulières    Gouvernance migratoire : la Tunisie trace sa voie avec l'appui de l'OIM    Recevant la cheffe du Gouvernement : Le Chef de l'Etat insiste sur un projet de loi de finances à vocation sociale    Volley-Coupe de Tunisie: L'Espérance ST rejoint l'Etoile du Sahel en finale    Tunisie – Importante visite de travail de la DG de l'OIM    Divorcer sans passer par le tribunal : une réforme en débat à l'ARP    Risque d'incendies en Tunisie: la Protection civile appelle à la vigilance en été    La MSB Tunis devient la première école de commerce triplement accréditée AACSB, EFMD et AMBA    Soupçons de torture sur un détenu : Précisions du barreau après un communiqué du ministère de la Justice    Ambassade israélienne en Tunisie et exportation de pétrole : intox sur X    Education numérique : 3540 établissements scolaires déjà connectés à la fibre en Tunisie    L'EST remporte le classico : Ces petits détails....    L'USBG valide contre l'ESZ : Mission presque accomplie    Sidi Hassine – Nouveau coup de filet : des criminels dangereux dans les mailles de la police    Homo Deus au pays d'Homo Sapiens    Affluence record à la Foire du livre 2025, mais le pouvoir d'achat freine les ventes [vidéo]    Puissance et conditionnalité: La nouvelle grammaire allemande des relations extérieures    Quelle est l'ampleur des déséquilibres extérieurs liés aux Etats-Unis ?    Chute historique : le baril dégringole sous les 60 dollars    La Ligue arabe réclame une protection internationale pour les journalistes palestiniens    La Tunisie en Force: 19 Médailles, Dont 7 Ors, aux Championnats Arabes d'Athlétisme    Classement WTA : Ons Jabeur chute à la 36e place après son élimination à Madrid    La Directrice générale de l'OIM en visite officielle en Tunisie    Tunisie : les réserves en devises couvrent 99 jours d'importation au 2 mai 2025    Météo en Tunisie : Fortes pluies et orages attendus au Nord-Ouest et au Centre    Syrie : Après L'Exclusion De Soulef Fawakherji, Mazen Al Natour Ecarté Du Syndicat    GAT VIE : Une belle année 2024 marquée par de bonnes performances.    Houcine Rhili : amélioration des réserves en eau, mais la vigilance reste de mise    Un séisme de magnitude 4,9 secoue le nord du Chili    USA – Trump veut taxer à 100 % les films étrangers : une nouvelle offensive commerciale en marche    Kaïs Saïed réaffirme son soutien à la cause palestinienne lors d'un échange avec le Premier ministre irakien    Foire du livre de Tunis : affluence record, mais ventes en baisse    Stand de La Presse à la FILT: Capter l'émotion en direct    Un nouveau séisme frappe la Turquie    Un missile tiré depuis le Yémen s'écrase près du principal aéroport d'Israël    «Mon Pays, la braise et la brûlure», de Tahar Bekri    France : un Prince qatari se baladait à Cannes avec une montre à 600 000 €, ça a failli mal tourner    Tunisie : Découverte archéologique majeure à Sbiba (Photos)    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    Nouveau communiqué du comité de l'ESS    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Dura lex, sed lex ? Quand la loi devient l'alibi d'un pouvoir solitaire
Publié dans Business News le 13 - 04 - 2025

En Tunisie, le pouvoir du président Kaïs Saïed se drape dans les habits de la légalité. Mais derrière l'obsession juridique, c'est une démocratie vidée de sa substance qui se dessine. Des opposants emprisonnés, une justice muselée, une liberté d'expression réprimée… La loi, brandie comme un totem, est devenue le masque d'un autoritarisme froid.
« Dura lex, sed lex » — la loi est dure, mais c'est la loi. Soit. Mais lorsque le droit est coupé de la justice, il cesse d'être une protection : il devient une arme. Une tyrannie travestie.
En ce 11 avril 2025, la Tunisie vit un de ces moments qui marquent une bascule. Un procès politique s'ouvre, qui rappelle les heures sombres qu'on pensait à jamais révolues : Ghazi Chaouachi, Issam Chebbi, Jawher Ben Mbarek, Khayam Turki, et d'autres figures de l'opposition sont jugés en leur absence pour « complot contre la sûreté de l'Etat ». Leur crime ? Avoir critiqué le pouvoir. Dans le box des accusés, ce ne sont pas seulement des noms, mais les libertés publiques, l'opposition politique, la presse indépendante qui sont mises en accusation.
Pendant ce temps, le pays s'enfonce dans une crise sociale sans fond. Inflation galopante, chômage endémique, exode massif des jeunes, dette abyssale : la Tunisie se délite. Face à cette débâcle, le président, réélu en 2024 avec à peine un million de voix, gouverne sans cap, sans programme, sans opposition réelle. Son unique ligne directrice ? Surveiller, punir, verrouiller.

Le fétichisme de la loi
Depuis son coup de force du 25 juillet 2021, Kaïs Saïed gouverne seul. En juriste dogmatique, il invoque sans cesse la loi comme un rituel incantatoire. Mais ce qu'il présente comme un attachement aux principes n'est, en réalité, qu'un habillage juridique de l'arbitraire. Le formalisme remplace la justice ; le légalisme devient un outil de répression.
Par la loi, il a suspendu le Parlement, dissous le Conseil supérieur de la magistrature, marginalisé les maires, neutralisé les instances indépendantes, reconfiguré l'ISIE, l'autorité électorale. Tout est fait « dans les règles », mais selon les siennes. En juillet 2022, il impose par référendum une nouvelle Constitution, avec moins de 30% de participation. Un texte qui concentre tous les pouvoirs entre ses mains. La légalité est sauve. La démocratie, elle, est à terre.

Une justice aux ordres
La justice indépendante, conquise après la révolution, est aujourd'hui domestiquée. En juin 2022, Kaïs Saïed limoge 57 magistrats sans procédure ni preuve. Le Tribunal administratif annule leur révocation, mais le pouvoir refuse de les réintégrer. « La justice n'est pas un pouvoir, c'est une fonction », déclare le président. Une fonction, donc, au service du prince.

La peur comme loi
Avec le décret-loi 54, adopté en septembre 2022, le pouvoir punit sévèrement la « diffusion de fausses informations » en ligne. Un texte flou, taillé pour criminaliser la parole critique. Des journalistes, blogueurs et citoyens ordinaires sont déjà condamnés. Le journaliste Khalifa Guesmi, pour avoir protégé ses sources. La blogueuse Emna Chargui, pour un post satirique. En Tunisie, le silence devient stratégie de survie.

Une dérive xénophobe institutionnalisée
El Amra a été évacuée, mais ce n'est qu'une manière de déplacer le problème. En février 2023, Kaïs Saïed accuse les migrants subsahariens de participer à un plan de « remplacement démographique ». En reprenant les thèses complotistes les plus nauséabondes, il légitime rafles, violences et expulsions arbitraires. Le droit est encore convoqué, mais pour justifier l'indignité. Le mal est fait, et tous les efforts entrepris depuis pour atténuer l'impact de ce discours à l'international restent sans effet.

Une façade de légalité pour un pouvoir sans contrepoids
Kaïs Saïed aime citer la loi, mais ignore l'esprit du droit. Il s'enveloppe dans des discours abscons, truffés de références historiques mal digérées, et refuse tout débat contradictoire. La Cour constitutionnelle, prévue par sa propre Constitution, n'a jamais vu le jour. La HAICA, garante de la liberté de la presse, est paralysée. La loi électorale a été modifiée à la dernière minute, sans concertation. Tout est verrouillé.

Une popularité fondée sur la désillusion
On dira que Kaïs Saïed reste populaire. Sans doute. Mais cette adhésion tient moins à une confiance réelle qu'à une fatigue démocratique. Après une décennie de transition chaotique, d'instabilité et de corruption, le président a su incarner une forme d'austérité morale. Son rejet des partis, son patriotisme de façade, son discours sur la souveraineté ont séduit. Mais ce n'est pas un projet, c'est un repli. Ce n'est pas un choix, c'est une résignation.

Une démocratie sous cloche
Le peuple tunisien n'a pas renversé Ben Ali pour voir renaître un autoritarisme plus froid, plus solitaire, plus sournois. L'héritage de la révolution — la liberté, la pluralité, l'espoir — est aujourd'hui en danger.
Kaïs Saïed gouverne au nom du peuple, mais sans le peuple. Il légifère seul, juge seul, décide seul. Et il le fait au nom de la loi.
Faut-il rappeler que la loi ne doit jamais devenir un bouclier pour le pouvoir ?
Elle est un contrat entre l'Etat et les citoyens. Quand ce contrat est rompu, la légalité devient une illusion, et la justice un mot vidé de sens.

* Professeur de médecine et ancien ministre de la Santé


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.