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1er mai sous tension : l'UGTT humiliée, divisée, marginalisée
Publié dans Business News le 30 - 04 - 2025

À la veille de la fête du travail, l'Union générale tunisienne du travail traverse une crise d'une ampleur inédite. Affaiblie de l'intérieur, méprisée par le pouvoir, et réduite au silence sur les grands enjeux du pays, la centrale syndicale n'est plus que l'ombre d'elle-même.

Un géant historique en état de coma politique
Autrefois pilier du dialogue national, rempart contre les dérives autoritaires et force de mobilisation redoutée, l'UGTT entre dans le 1er mai 2025 sans voix, sans cap et sans impact. Dans un climat de répression et de crise sociale aiguë, elle assiste, impuissante, à la confiscation du débat national. Même sur le projet de révision du Code du travail — pourtant au cœur de son ADN historique — elle n'a été ni consultée ni écoutée. Elle se contente d'un communiqué d'indignation, tardif et isolé, dénonçant une « politique d'exclusion délibérée ».
Ce mutisme n'est pas une anomalie passagère, il est devenu sa nouvelle norme. Plus aucun mot sur les arrestations politiques, plus aucun geste en faveur des libertés, plus aucune grève d'envergure ni prise de position audible sur les régressions sociales. L'organisation semble anesthésiée, comme si elle était devenue étrangère à sa propre histoire. Même le bâillonnement des médias, la persécution des magistrats, ou les atteintes flagrantes à l'Etat de droit ne parviennent plus à la faire sortir de son silence. L'UGTT n'est pas encore morte, mais elle ne réagit plus : elle s'est murée dans une léthargie qui confine au coma politique.

Marginalisée par le pouvoir, tolérée par résignation
Le symbole de cette marginalisation est la réforme du Code du travail, lancée dans une opacité totale par le gouvernement et pilotée sans même une consultation de la centrale syndicale. L'UGTT, pourtant cofondatrice du Conseil national du dialogue social, a été écartée comme un simple figurant, pendant que l'exécutif discutait avec les seuls représentants patronaux. Le communiqué publié le 28 avril, fustigeant ce « passage en force » et dénonçant la violation de la loi 2017-54, n'a fait que souligner l'ampleur de l'humiliation. Même sur ce terrain qui devrait être le sien, l'UGTT n'a plus de poids, plus d'écoute, plus de bras.
Ce n'est pas la première fois que la centrale est traitée avec un tel mépris. De la réforme des retraites à la présentation des lois de finances, en passant par les discussions avec le FMI ou l'élaboration de la Constitution, elle a été systématiquement tenue à l'écart. Autrefois incontournable, elle est désormais tolérée par résignation. Le pouvoir ne la combat plus : il l'ignore, avec une froideur presque clinique. Et la centrale, elle, accepte cette relégation sans livrer bataille.

D'un bastion de résistance à une boîte à communiqués
Il fut un temps où l'UGTT incarnait la rue, la colère, l'histoire. C'est elle qui, le 14 janvier 2011, a organisé la grande manifestation syndicale à Tunis, celle-là même qui a précipité la chute de Ben Ali. Sous la troïka, elle multipliait les grèves générales, paralysait des régions entières, descendait dans la rue au moindre dérapage du pouvoir. Le moindre accroc au contrat social suffisait à déclencher une mobilisation nationale. L'UGTT n'attendait pas les invitations : elle imposait le rapport de force.
En 2025, cette époque semble enterrée. L'organisation jadis rugissante s'est muée en simple boîte à communiqués. Plus de grève, plus de rue, plus de frisson. Face aux dérives autoritaires, à la répression judiciaire, aux atteintes aux médias, l'UGTT regarde ailleurs ou publie, au mieux, quelques lignes fades, sans appel à l'action, sans mobilisation. Elle réagit comme un notaire lit un testament : sans passion, sans engagement, sans effet. Ses déclarations n'ont plus ni poids ni portée.
Cette passivité la range aujourd'hui aux côtés de l'Utica et de l'Ordre des avocats, autres corécipiendaires du Prix Nobel de la Paix 2015, eux aussi devenus muets. De ce quatuor prestigieux, seule la Ligue tunisienne des Droits de l'Homme continue de faire entendre une voix digne. Les autres, dont l'UGTT, semblent avoir troqué leur honneur contre un silence stratégique. Ou pire : contre une soumission assumée.

Une organisation verrouillée par le haut, fracturée à la base
La marginalisation de l'UGTT ne vient pas uniquement du mépris affiché par le pouvoir. Elle est aussi la conséquence directe d'un effondrement interne, méthodiquement orchestré par la direction elle-même. En modifiant les statuts de la centrale lors du congrès de Sousse en juillet 2021, en pleine pandémie et sous confinement, Noureddine Taboubi s'est offert un troisième mandat auquel il n'avait, en principe, aucun droit. Ce passage en force — perçu par beaucoup comme un arrangement tacite avec le régime — a marqué la rupture d'un équilibre déjà fragile. Depuis, la direction s'est enfermée dans une logique autoritaire, verrouillant toutes les structures, étouffant les voix dissidentes, et gouvernant par intimidation plus que par consensus.
Par crainte d'être ciblé par la répression — comme plusieurs figures syndicales l'ont été — Taboubi a opté pour la ligne de la soumission prudente. Il a désamorcé les fédérations combatives, abandonné les projets stratégiques, et multiplié les concessions silencieuses au pouvoir. Ce calcul personnel, guidé par la peur autant que par l'obsession du maintien, a fini par priver l'UGTT de toute crédibilité, aussi bien auprès de ses adhérents que dans l'opinion publique.
La contestation interne, longtemps contenue, a éclaté fin 2024 avec le lancement d'un sit-in par cinq membres du bureau exécutif. Anciens alliés devenus opposants, ils ont dénoncé la dérive solitaire du secrétaire général, l'accusant de violer les statuts, de détourner les institutions et de piétiner les règles démocratiques. L'épisode du Conseil national de septembre, suspendu par la base puis poursuivi en catimini sous la direction exclusive de Taboubi, a mis à nu cette dérive. Le fameux « article 12 », ajouté à la hâte pour justifier tout et son contraire, est devenu le symbole d'un fonctionnement manipulé.
Puis, en janvier 2025, est survenue la goutte de trop : un enregistrement audio fuitait sur les réseaux sociaux, dans lequel Taboubi traitait ses propres camarades de « mafia ». Le scandale a été retentissant. Slaheddine Selmi, l'un des contestataires, a appelé à sa démission et l'a jugé « principal responsable » du chaos actuel. Il a dénoncé un style de gestion méprisant, solitaire, et destructeur. Selon lui, les dossiers syndicaux ne sont plus traités par les structures de l'UGTT, mais par le pouvoir exécutif lui-même, devenu juge et partie.
Aujourd'hui, la centrale syndicale est à la fois illégitime au sommet et fracturée à la base. De plus en plus de voix régionales, comme celles venues de Sfax, appellent à un congrès électif anticipé pour tourner la page. Mais même en cas de renouvellement, une question demeure : que reste-t-il à sauver ? Et surtout, qui pour redonner à l'UGTT une ligne, une dignité, un souffle ?

Un 1er mai sans syndicat
Ce 1er mai 2025 s'annonce comme le plus creux de l'histoire contemporaine de l'UGTT. Pas de grandes mobilisations, pas de slogans marquants, pas de revendications portées haut et fort. À défaut d'incarner la voix des travailleurs, la centrale syndicale ressemble aujourd'hui à une coquille vide, traversée par les querelles intestines, paralysée par la peur et discréditée par ses propres renoncements. Elle n'est plus un contre-pouvoir, elle n'est plus un acteur, elle n'est même plus un interlocuteur.
Alors que la Tunisie traverse l'une des périodes les plus sombres de sa jeune démocratie, l'UGTT aurait pu — aurait dû — être à l'avant-garde de la résistance sociale et politique. Elle aurait pu reprendre le flambeau du dialogue, appeler à la justice, défendre les libertés, se dresser contre l'arbitraire. Elle a préféré le silence. Ou plutôt : elle a laissé à d'autres — associations, avocats, journalistes, magistrats — le soin d'assumer seules ce combat. Ce 1er mai ne sera donc pas celui des travailleurs, ni celui du syndicalisme. Ce sera celui du vide.
Et dans ce vide, une question lancinante s'impose : si l'UGTT n'est plus capable de défendre les siens, qui, demain, défendra les autres ? Et si le syndicat le plus puissant du pays s'effondre ainsi, qui pourra encore faire front quand l'Etat s'érige contre la société ?

Quel avenir pour une centrale à genoux ?
L'UGTT n'est pas encore morte. Elle conserve une base militante, une infrastructure de masse, et une histoire trop forte pour disparaître sans bruit. Mais elle est aujourd'hui à genoux, vidée de son autorité, minée par ses luttes internes et ringardisée par son silence face aux enjeux de l'heure. Si rien ne change, elle est promise à un rôle ornemental : une façade syndicale sans colonne vertébrale, tolérée par le régime pour donner l'illusion du pluralisme, mais incapable d'influencer le réel.
Pour espérer redevenir une force vive, l'UGTT devra passer par une véritable rupture. Cela commence par un congrès électif transparent, libre, et ouvert, qui rende à la base syndicale le droit de choisir ses dirigeants. Il faudra assainir les structures, liquider les comptes d'un passé verrouillé, et surtout — surtout — renouer avec le terrain. Revenir dans les usines, les hôpitaux, les écoles. Ecouter les travailleurs. Porter leurs colères. Et retrouver cette parole claire, tranchante, indocile, qui faisait autrefois trembler les ministres et galvanisait les foules.
Mais pour cela, il faut plus qu'un changement de direction : il faut un sursaut. Un acte de foi dans la fonction sociale du syndicat. Une volonté de ne plus composer, de ne plus plaire, de ne plus survivre — mais de combattre. Seule cette radicalité lucide pourra réveiller la centrale de son coma. Le syndicalisme ne meurt jamais vraiment. Mais il faut parfois qu'il passe par sa propre nuit pour retrouver la lumière.


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