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Triomphe de l'absurde, de Tunis à Las Vegas
Publié dans Business News le 07 - 06 - 2025

Episode 1 – Comment fabriquer des héros (sans le vouloir)
C'est une opération très simple : vous prenez un homme libre, une femme qui parle, un avocat qui pense, un politicien un peu trop indépendant. Vous les mettez en prison. Vous les isolez. Vous les transférez d'un bout à l'autre du pays. Vous leur refusez le sport, les soins, les livres, le téléphone, la dignité. Vous vous dites que, dans un mois, on les aura oubliés.
Eh bien non. Raté.
Car pendant que les barbecues de l'Aïd crépitent et que les moutons agonisent dans les ruelles, eux — les « détenus politiques » qu'on voulait effacer — sont en train d'écrire leurs noms en lettres d'or dans les marges de l'Histoire.
Ridha Belhaj jardine. Ahmed Souab philosophe. Ghazi Chaouachi réconforte son avocate. Sonia Dahmani fait danser ses codétenues. Issam Chebbi garde le sourire. Les prisons sont devenues des amphithéâtres. Les transferts punitifs, des tournées nationales. Et les procès absurdes, des anthologies du ridicule à publier en plusieurs tomes.
Le pouvoir, croyant les bâillonner, les a élevés au rang de consciences nationales. Il a voulu les punir, il en a fait des martyrs laïques. Il a tenté de les isoler, il les a réunis dans l'imaginaire collectif. Résultat : ce régime produit plus de militants historiques qu'un congrès de gauche un soir d'élection.
Et pendant ce temps, nous — pauvres citoyens — nous interrogeons : s'il suffit d'un geste de la main pour être arrêté, faudra-t-il bientôt signer nos SMS en langage des signes ? Ou apprendre à hocher la tête selon le décret 54 ?
En attendant, qu'on se le dise : la prison, aujourd'hui, est le plus sûr moyen d'entrer dans la postérité. Les palais se vident, les cellules se remplissent, et la mémoire nationale fait son marché là où on l'attend le moins. Le silence du pouvoir fait du bruit. Et les barreaux, désormais, encadrent des visages que l'on n'oubliera plus.

Episode 2 – Comment dissoudre une société… et injecter l'absurde
On connaissait le dissous dans le café. Voici venu le dissous dans le décret. À défaut de réformer l'Etat, on dissout des entreprises. Et à défaut de comprendre l'économie, on dissout la logique.
C'est donc Itissalia, société spécialisée dans le gardiennage, le nettoyage et les espaces verts, qui a été désignée cette semaine comme menace pour la République. Pas pour avoir fraudé. Pas pour avoir échoué. Non. Pour avoir gagné trop de marchés publics. Une forme de succès devenue intolérable en régime de suspicion permanente.
Mais attention, on ne veut pas licencier le personnel, non, ce serait trop simple. On veut imposer aux clients publics d'Itissalia — administrations, offices, entreprises publiques — d'embaucher directement les agents qu'ils faisaient travailler à temps partiel. À temps plein. Et sans budget prévu, évidemment. Le progrès version 2025.
C'est donc la grande idée du moment : forcer des structures à embaucher des gens dont elles n'ont pas besoin, pour un travail qui ne justifie pas un plein temps, sous prétexte de moralité sociale. Et quand ces structures crouleront sous les charges, on dira qu'elles sont mal gérées. Le serpent administratif qui se mange la queue, mais avec un décret.
Le crime d'Itissalia ? Être une entreprise tunisienne qui fonctionnait. Offrir un peu de flexibilité à un secteur public déjà paralysé. Employer légalement des milliers de travailleurs souvent modestes. Mais dans un pays où la gestion pratique est suspecte, il ne faut surtout pas que quelque chose fonctionne.
Alors on dissout. On dissout les sociétés. On dissout les contrats. On dissout les équilibres. Et au passage, on dissout l'idée même de rationalité. Parce qu'en Tunisie, il vaut mieux que tout aille mal pour que certains se sentent bien.

Episode 3 – Du Colisée à Las Vegas, l'humanité tourne en rond
C'est officiel et ça a été annoncé cette semaine : du 28 juin au 1er juillet 2026, l'humanité régressera en direct depuis Las Vegas, capitale mondiale de l'excès, pour inaugurer les tout premiers Enhanced Games, ces Jeux olympiques où le dopage sera autorisé. Adieu l'époque où la honte frappait ceux qui se dopaient.
Désormais, on ne contrôle plus les urines, on les optimise. On ne traque plus les stéroïdes, on les sponsorise. On ne cache plus les seringues : on les brandit comme des torches olympiques nouvelle génération.
À la tête de cette trouvaille, un certain Aron D'Souza, entrepreneur australien, qui promet un million de dollars pour chaque record du monde battu. La performance est la nouvelle morale. L'hormone, la nouvelle devise. Et l'humain ? Un simple support biologique à améliorer.
Mais à y regarder de près, rien de nouveau sous le soleil. Les Enhanced Games ne sont qu'un Colisée 2.0. On y jette des corps dans l'arène, non plus pour les livrer aux lions, mais aux applaudissements de foules fascinées. Peu importe les conséquences : ce qui compte, c'est le moment où la foule rugit.
À Rome, on applaudissait les gladiateurs qui s'entretuaient. En 2026, on applaudira des athlètes surdimensionnés, au bord de la rupture d'anévrisme, pulvérisant des records avec des muscles gonflés comme des baudruches. Même logique : le spectacle prime, le reste est décor.
Et tout est pensé pour séduire :
– des bonus en cash pour les exploits chimiques,
– des caméras haute définition pour filmer chaque contraction,
– et peut-être bientôt, un abonnement premium pour suivre la chute des reins en slow motion.
Ce n'est plus du sport, c'est du tuning humain. Un mélange de cirque, de laboratoire et de marché boursier.
La question n'est plus de savoir si c'est dangereux — tout le monde le sait. Mais qu'est-ce que cela dit de nous ? De ce besoin collectif d'être fasciné par des créatures hors normes, jusqu'à accepter qu'elles s'empoisonnent pour nos divertissements.
Le progrès technique n'a jamais été aussi rapide. Le progrès moral, lui, semble avoir posé un congé sabbatique depuis quelques siècles. Il revient peut-être de temps en temps, sous forme de documentaire. Puis repart aussitôt, écrasé par le battage promotionnel d'une société qui préfère un muscle surdosé à une idée bien placée.
Du Colisée à Las Vegas, l'humanité tourne en rond. Elle tourne vite, certes. Mais à force de tourner, elle finit toujours par retomber dans les mêmes ornières : celles où la souffrance des uns nourrit le plaisir des autres.


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