Une proposition de loi déposée à l'Assemblée vise à accorder une amnistie aux contrevenants à la législation de change. En échange d'une contribution financière, les bénéficiaires pourraient rapatrier ou régulariser leurs avoirs à l'étranger, avec une garantie d'exonération de poursuites. Le texte, très encadré, exclut cependant les fonds issus d'activités illicites. Un groupe de députés a déposé le 25 mai dernier une proposition de loi portant sur l'instauration d'une amnistie générale au profit des personnes ayant contrevenu au code des changes, qu'elles soient résidentes ou non, et qu'elles aient commis ces infractions en tant que personnes physiques ou morales. L'article 1 du texte précise que l'amnistie concerne toutes les infractions commises avant la date de publication de la loi, sans limite temporelle antérieure. L'objectif déclaré est d'offrir aux concernés une opportunité d'une régularisation volontaire auprès des services compétents de l'administration douanière ou de la Banque centrale de Tunisie. Le texte prévoit que cette régularisation doit s'accompagner du paiement d'une contribution forfaitaire, dont le taux et les modalités seront définis par décret gouvernemental ultérieur.
Avoirs visés : devises, or, valeurs mobilières et biens à l'étranger Le champ des avoirs pouvant être régularisés est vaste. Il inclut notamment : - les avoirs en devises ou en dinars convertibles détenus hors des circuits autorisés ; - les métaux précieux et pierres précieuses ; - les titres financiers, valeurs mobilières, portefeuilles d'investissement ou comptes bancaires à l'étranger ; - ainsi que les biens meubles et immeubles situés hors de Tunisie. Ces avoirs pourront être rapatriés sur le territoire tunisien ou déposés sur des comptes en devises ou en dinars convertibles auprès des établissements bancaires de la place, à condition qu'ils soient déclarés dans les délais et selon les procédures prévues par le texte.
Exonération de poursuites, mais exclusion des fonds criminels La proposition de loi prévoit que les personnes procédant à cette régularisation bénéficieront d'une amnistie totale sur le plan pénal, fiscal, douanier et administratif. Elles seront notamment exonérées : - des sanctions prévues par le Code des changes et du commerce extérieur ; - des amendes douanières ; - des poursuites fiscales liées à l'origine ou à la non-déclaration des avoirs.
Toutefois, cette amnistie ne s'appliquera pas aux biens et fonds issus d'actes de corruption, de blanchiment d'argent ou d'activités criminelles. Cette précision vise à distinguer les infractions purement réglementaires des actes répréhensibles relevant du pénal.
Entre pragmatisme économique et débat éthique Le texte prévoit des garanties en matière de confidentialité. L'identité des personnes ayant régularisé leur situation ne pourra être divulguée ni utilisée à d'autres fins que celles prévues dans la loi. Par ailleurs, la Banque centrale et l'administration douanière sont appelées à jouer un rôle central dans le traitement des dossiers, en coopération avec les banques commerciales. Cette proposition relance un débat récurrent en Tunisie : faut-il amnistier les infractions de change pour récupérer des devises et relancer l'investissement, ou faut-il au contraire s'en tenir à une stricte application de la loi pour préserver l'équité fiscale et la crédibilité de l'Etat ? Si le texte ne précise ni les taux de contribution ni les objectifs chiffrés, il s'inscrit dans un contexte de tension sur les réserves en devises et de manque chronique de liquidités. Pour les auteurs de la proposition, il s'agit d'une mesure pragmatique, visant à assainir les circuits financiers et réintégrer des capitaux jusque-là échappant au contrôle de l'Etat. Mais pour d'autres, cette approche pourrait envoyer un signal d'impunité, notamment vis-à-vis des entreprises et citoyens ayant toujours respecté la réglementation. La suite du débat parlementaire dira si la realpolitik économique l'emportera sur les principes.