La complexité des difficultés économiques actuelles est liée à des principaux facteurs qui sont hérités de l'ancien régime qui a institutionnalisé la corruption et l'injustice, ayant empêché l'essor de l'économie, dans des niveaux proportionnels aux potentialités du pays. Climat des affaires malsain , régime fiscal mal pensé, responsable en grande partie de l'évasion fiscale qui se pose à l'heure qu'il est, avec gravité , banques publiques éreintées par le poids des créances douteuses , entreprises publiques déficitaires, du fait du manque de transparence et de la mauvaise gouvernance , autant d'éléments qui ont profondément affectés l'économie tunisienne. Une situation pareille méritait d'emblée une refonte totale, et des réformes structurelles. Car, toute œuvre d'assainissement et de reconstruction ne peut être menée que sur une base solide. Le législateur tunisien a maintes fois recouru à des mesures amnistiantes en matière fiscale. Qui n'est qu'une illustration d'une série quasiment ininterrompue déclenchée depuis l'amnistie fiscale de 1987.
L'amnistie, En général, établit un régime juridique exceptionnel qui rend toute poursuite impossible. Cet effet général relève de l'idée de l'oubli décidé par le pouvoir législatif. Il consiste à enlever à un fait délictueux son caractère d'infraction. Ce pardon de la collectivité nationale par l'intermédiaire de ses représentants devrait logiquement atténuer, voire supprimer les conséquences pénales des faits normalement répréhensibles. Souvent, l'amnistie répond à des considérations morales et elle vise à donner à ceux qui n'avaient pas honoré leurs obligations fiscales l'opportunité de se mettre en règle avec la loi fiscale sans se voir infliger des sanctions. En outre, l'amnistie n'offre-t-elle pas des perspectives souvent illusoires au gouvernement en ce qu'elle semble constituer un moyen relativement indolore d'accroître les recettes publiques ? En Tunisie, l'amnistie d'infractions de change et fiscales (Loi n° 2007 du 25 juin 2007), portant amnistie d'infractions de change et fiscales. Outre l'amnistie relative à certaines infractions de change, cette loi a comporté certaines dispositions relatives à la situation fiscale des bénéficiaires de ladite amnistie. D'une part, le bénéfice de l'amnistie en matière d'infractions de change a été subordonné au dépôt, par les personnes concernées, d'une déclaration spéciale relative aux revenus et bénéfices objet de l'amnistie. Cette déclaration devant être déposée à la recette des finances compétente selon un modèle fourni par l'administration contient, entre autres, les montants des bénéfices et revenus non déclarés au titre des exercices non prescrits. D'autre part, les bénéficiaires de l'amnistie sont tenus de payer un montant fixé à 5% de la valeur des avoirs, des revenus, des bénéfices et des devises objet de l'amnistie. Conformément aux dispositions de l'article 3 in fine de la loi du 25 juin 2007 « Ce montant libère les bénéficiaires de l'amnistie, du paiement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés et des pénalités de retard y afférentes et qui sont exigibles au titre des revenus ou bénéfices et avoirs objet de l'amnistie... ». Ainsi, l'amnistie fiscale apportée par la loi du 25 juin 2007 a concerné les bénéficiaires ayant payé le montant sus indiqué. L'amnistie fiscale est dès lors rattachée à l'amnistie prévue en matière de change dans la mesure où la première est conditionnée par le paiement du montant exigé comme condition du bénéfice de l'amnistie des infractions de change.
L'amnistie de 2007 est une fausse amnistie Afin d'accroître les recettes fiscales, le législateur n'a pas voulu étendre la dispense des pénalités à l'ensemble des contribuables sous peine de subir une moins-value importante. Ainsi, la loi 2007 est une loi hétéroclite qui ne prévoit pas une véritable amnistie. Ce sont les considérations d'ordre purement financier qui expliquent l'édiction d'une telle mesure amnistiante dont l'application ne sera pas d'ailleurs, sans risque. la promulgation d'une amnistie de change qui permet aux résidents disposant de ressources en devises de régulariser leur situation et de déposer les devises objet de l'amnistie dans des comptes en devises ou en dinars convertibles constitue une amnistie qui efface le caractère pénal des infractions et garantit leur non-poursuite. C'est ainsi que le paiement d'un montant de 5% de la valeur des avoirs libère les bénéficiaires de l'amnistie du paiement de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés et des pénalités de retard y afférentes et qui sont dus sur les revenus ou bénéfices et les avoirs de l'amnistie, ainsi que de toute poursuite administrative ou judiciaire en matière de change, objet de l'amnistie. L'amnistie garantit, en outre, la confidentialité des informations communiquées aux établissements de crédit qui , en vertu de l'article 30 de la loi n°200-65 du 10 juillet 2001 — sont tenus de ne pas divulguer les secrets révélés par leurs clients ou dont ils ont pris connaissance du fait même de leur profession. Elle assure, également, la non-utilisation par les autorités des informations à d'autres fins que celles prévues par l'amnistie. Au-delà des garanties assurées dans le cadre de l'application de cette loi, deux éléments méritent d'être soulignés. D'abord, l'amnistie fait partie intégrante d'un programme global de libéralisation financière externe et vise, donc, à faciliter la transition vers la nouvelle situation projetée. Ensuite, la première amnistie de change de 1987 a assuré la confidentialité des informations recueillies et leur non-utilisation à des fins autres que celles pour lesquelles cette amnistie a été promulguée. C'est ce qui explique que les bénéficiaires de cette amnistie n'ont jamais été inquiétés à une époque où le non-respect de la réglementation des changes était sévèrement sanctionné. Si l'Etat cherche à profiter de l'amnistie pour récupérer les fonds qui lui ont été indûment fraudés, cette démarche pourrait être une bonne stratégie à court terme. Néanmoins, il est important de mesurer l'impact d'une amnistie sur le respect futur des obligations fiscales. Certes, le législateur a prévu des sanctions importantes pour les contribuables lorsqu'ils ne respectent pas les délais de paiement. Mais peut-on à l'avenir garantir le respect des obligations fiscales par les contribuables ayant déjà bénéficié de l'amnistie fiscale ? En faisant appel à la bonne volonté des contribuables à travers le pardon, le législateur dissuade-t-il vraiment les fraudeurs? On peut en douter car l'insuffisance des moyens de contrôle n'est secrète pour personne. En effet, que signifie une loi d'amnistie sinon un aveu de l'incapacité de l'administration à exercer ses attributions fiscales. L'ampleur de la fraude fiscale est telle que l'administration, démunie de moyens appropriés, se trouve dans l'incapacité totale d'y faire face. On peut penser que compte tenu de leur impuissance à juguler la fraude, les pouvoirs publics n'ont pas choisi de faire « table rase » du passé et de prévoir une vraie amnistie. On remarque dès lors, que le champ d'application de cette mesure est réduit .Cette mesure ne peut manifestement pas s'inscrire dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale, qu'elle vient au contraire en quelque sorte récompenser, si même elle ne l'encourage pas pour l'avenir. Et quelque soit le montant des recettes qu'elle permettra de recouvrir, l'amnistie risque fort d'avoir des effets négatifs sur les comportements qui méritent d'être sérieusement prises en considération. En effet, l'amnistie pourra hypothéquer le respect futur du devoir fiscal. En outre, sans pouvoir rassurer complètement les fraudeurs, l'amnistie ne peut que détruire le crédit moral de la puissance publique chez ceux qui par civisme ou par nécessité ne se trouvent pas en mesure de revendiquer le bénéfice de l'amnistie. Ces contribuables supportent donc la charge fiscale éludée par les bénéficiaires de l'amnistie. Le succès de l'amnistie de change au Maroc À l'expiration du terme de l'amnistie de change (fin 2014), les banques ont enregistré un important rush de clients suite à l'opportunité offerte par la loi de finance 2014 aux Marocains, afin de régulariser leur patrimoine (biens et capitaux) détenu illégalement à l'étranger moyennant le paiement d'une contribution libératoire (variant de 2 à 10% du montant des avoirs à l'étranger). Cette grande opération d'amnistie fiscale, lancée par le gouvernement marocain en 2014 afin de régulariser la situation de Marocains détenant illégalement des biens et des avoirs à l'étranger, a rencontré un succès phénoménal. Près de 19 000 particuliers et entreprises ont joué le jeu et déclaré pas moins de 27,8 milliards de dirhams (2,5 milliards d'euros) de patrimoine. De l'argent liquide pour un tiers et des actifs immobiliers et financiers pour les deux autres tiers. Même le ministère de l'Economie et des Finances, à l'origine de cette mesure, n'en espérait pas tant et tablait sur à peine 5 milliards de dirhams. Cette vaste opération orchestrée par les services du ministère des Finances, en étroite collaboration avec les banques marocaines, est désormais citée en exemple dans la région. Le succès de cette initiative marocaine s'explique par plusieurs facteurs. D'abord la confidentialité autour des déclarations et le rapatriement des avoirs, et d'autre part , l'argent ainsi collecté par le trésor Public n'a servi à boucler les fins de mois difficiles de l'Etat, ni à financer le train de vie fastueux de certaines administrations, mais à alimenter le fonds de cohésion sociale, dit , aussi fonds de solidarité. Mais il serait illusoire de croire que ce genre d'amnistie suffira pour résoudre la problématique de financement car elle s'attaque seulement au stock et non au flux des fonds détournés. L'expérience des amnisties déjà décrétées prouve qu'une fois l'orage passé, les fraudeurs recommencent de nouveau, tant que le terreau demeure favorable à une telle fraude. Si les avoirs à l'étranger détenus par les Marocains ne sont pas déclarés ou détournés, c'est parce qu'il y a des raisons. À part le vice de certains contribuables, la plupart se plaignent de la pression fiscale, de la complexité des procédures de déclaration et de paiement, du traitement par l'administration fiscale et surtout de l'usage qui est fait des impôts récoltés. Une décision qui demande beaucoup de courage Si le gouvernement veut que les citoyens ramènent leur argent et l'injectent dans le circuit économique domestique, il faut savoir s'y prendre .De manière générale, pour empêcher les capitaux nationaux de fuir et attirer ceux qui sont à l'étranger, on ait besoin d'un environnement incitatif, d'où l'intérêt de l'accélération des réformes du climat des affaires, de la consolidation de l'Etat de droit pour la protection des biens et des capitaux, de l'allégement et la modulation de la fiscalité, de l'assouplissement des réglementations et la chasse à la complexité bureaucratique. D'où la nécessité d'une loi fiscale spécifique sur les avoirs étrangers, tenant compte des particularités de nos ressortissants et de leur contribution à l'économie nationale. De même, il est nécessaire de réformer la réglementation des changes pour plus de liberté, notamment en matière de détention des comptes en devises et d'opérations financières. Il n'est pas du tout pertinent économiquement de priver les gens de la liberté de disposer de leurs biens et de leurs revenus. C'est à ces conditions que l'on peut espérer retenir nos capitaux à domicile et non pas par des amnisties fiscales discontinues. Dés lors , une amnistie fiscale sans réformes de fonds ne serait finalement qu'une opération de chasse aux cash !