Le projet de loi relatif à la réconciliation économique et financière peut avoir des conséquences positives sur les recettes de l'Etat. Des expériences étrangères peuvent servir comme exemple pour enrichir le texte juridique tunisien. L'Institut arabe des chefs d'entreprise (Centre tunisien de veille et d'intelligence économique) a élaboré, récemment, une note de veille au sujet du projet de loi sur la réconciliation économique et financière. Les impacts économiques attendus de ce projet de loi ont été mis en exergue en se basant sur quelques référentiels internationaux. Le document a pour objectif de susciter un débat «purement économique» pour aborder les impacts économiques du projet de loi en question eu égard au référentiel international comparé et aux standards usuels dans ce domaine. «Au niveau intrinsèque de ce projet de loi, et outre le fait qu'il comporte un processus de réhabilitation d'anciennes compétences administratives avérées pour rehausser la qualité des services publics, l'aide à la décision et par là, l'amélioration de l'efficience du secteur non marchand, soulignent les experts qui ont élaboré la notre. Encore faut-il mesurer l'impact d'une telle décision sur la croissance, en général, et la productivité en particulier». D'une façon générale, le contenu de cette loi s'apparente à un dispositif connu d'amnistie fiscale et de change. Les fonds à récupérer Certes, la situation économique actuelle est difficile et connaît une certaine récession et la Tunisie a besoin d'argent. Des questions pertinentes se posent alors : A combien s'élève le volume potentiel des fonds à récupérer? Est-ce qu'il est concordant de croire que ces ressources récupérées seront allouées à des fonds de développement régionaux et de cohésion sociale et par quels mécanismes? Quels sont les effets attendus sur les fondamentaux de l'économie nationale et sur les indicateurs des finances publiques? Pour répondre à toutes ces questions, une étude approfondie et une réflexion sont nécessaires. Les experts précisent, toutefois, qu'il faut faire attention pour ne pas confondre le projet de loi sur la réconciliation économique et financière avec la loi sur la confiscation des biens mobiliers et immobiliers mal acquis par l'ancien régime. D'autant plus que l'expérience actuelle dans le domaine de la gestion des entreprises confisquées suscite une certaine perplexité. Il serait utile, de même, d'évaluer l'impact de l'amnistie fiscale du projet de loi en question. Pour ce faire, il faudrait tenir compte des résultats déjà obtenus avec le même dispositif introduit auparavant dans la loi de finances de 2014. «Pour ce qui est de l'amnistie de change, les prérogatives techniques du projet de loi sur la réconciliation semblent totalement calquées sur le dernier épisode d'amnistie de change datant de 2007 (Loi n° 2007-41 du 25 juin 2007 portant amnistie d'infractions de change et fiscales et la circulaire BCT N°2007-19 du 9 juillet 2007). A titre de rappel, cette dernière n'a que très faiblement contribué au renflouement des réserves en devises de l'époque, et n'a pas alimenté des économies budgétaires» peut-on lire dans la note du Centre de veille de l'Iace. Expériences peu concluantes Les dispositifs liés à la réglementation de change en vigueur sont, certes, considérés comme contraignants dans notre pays. Pour preuve, des expériences datant de 1997, 2002, 2004 et 2006 (Loi N°2006-25 du 15 mai 2006) étaient très peu concluantes. Cependant, la dernière amnistie de change a permis aux résidents disposant de ressources en devises, de régulariser leur situation et de déposer les devises faisant l'objet de l'amnistie, dans des comptes spéciaux en devises ou en dinar convertible. Mieux encore, le paiement d'un montant de 5% de la valeur des avoirs, des revenus, des bénéfices et des devises, objets de l'amnistie devait libérer les bénéficiaires de l'amnistie du paiement de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés et des pénalités de retard y afférentes et qui sont dus sur les revenus ou bénéfices et les avoirs de l'amnistie. Ils étaient également affranchis de toute poursuite administrative ou judiciaire en matière de change. A notre avis, ces avantages encouragent les personnes concernées à investir et à contribuer à la stimulation de la vie économique dans le pays. Par ailleurs, le projet de loi sur la réconciliation stipule, rappellent les experts, qu'une déclaration de la part des chefs d'entreprise concernés permettra de réaliser l'amnistie, à condition de payer une somme égale à la valeur de l'argent public détourné à laquelle il faut ajouter une majoration de 3% pour chaque année, à compter de l'année où les faits ont été commis. A titre d'exemple, l'article 8 du nouveau projet de loi précise, entre autres, que les évadés fiscaux sont tenus de rapatrier tous les fonds détenus à l'étranger en payant une somme forfaitaire équivalente à 5% du montant rapatrié. Pour avoir une idée plus globale sur ce genre d'affaires, on peut donner l'exemple d'un certain nombre d'autres pays qui ont voté des lois d'amnistie adoptant des taux variables comme le Maroc, la France, l'Italie, l'Espagne, la Belgique... D'autres pays ont opté plutôt pour une amnistie excluant toute poursuite pénale à l'instar de l'Allemagne, du Portugal et du Canada. Les cas les plus réussis Des cas considérés comme les plus réussis ont été évoqués. Ainsi, les taux de recouvrement reflètent la capacité de renflouement des ressources en devises. Ces taux ont été, en moyenne, de l'ordre de 7,3% de la valeur des avoirs liquides actifs financiers et biens immeubles détenus par leurs résidents à l'étranger. On peut citer l'amnistie de change, en 2014, qui a eu lieu au Maroc et qui a permis d'introduire une contribution libératoire au taux de 10% appliquée aussi bien sur la valeur d'acquisition des biens d'immeubles détenus à l'étranger avec la possibilité offerte de les garder en toute légalité que sur la valeur d'acquisition ou de souscription des portefeuilles d'actifs financiers et des valeurs mobilières avec la liberté de continuité de gestion. Aussi, un taux de 5% est appliqué sur les avoirs liquides en devises rapatriés et déposés dans des comptes en devises ou en dirham convertible et de 2% appliqués sur les liquidités en devises rapatriées au Maroc et cédées sur le marché des changes contre des dirhams. Compte tenu du premier bilan établi en janvier 2015, les autorités marocaines ont répertorié plus de 18.970 déclarants. Le processus de régularisation aurait permis à l'Office des changes et Bank El Maghrib de récupérer 2,3 milliards de dirhams soit l'équivalent de 209 millions d'euros. Le total des fonds déclarés de biens meubles, immeubles et autres avoirs en devises à l'étranger est de 27,8 milliards de dirhams ou 2,5 milliards d'euros constitués de patrimoine. Le taux de recouvrement a été de 8,3% représentant près de 0,25% du PIB, 1,25% des recettes d'exportation en 2014 et 1,2% des réserves en devises. Mesures pour la libéralisation de change «Les actualisations en septembre 2015 tablent sur des enveloppes de régularisation beaucoup plus élevées, facilitées par les nouvelles mesures de libéralisation de change récemment annoncées par Bank El Maghrib», souligne la note du Centre de veille. Le dispositif de régularisation des comptes bancaires dissimulés à l'étranger a rapporté à la France, en 2014, près de 2 milliards d'euros sur une enveloppe estimée à 28 milliards d'euros détenus à l'étranger soit un taux de 7,2% représentant près de 0,10% du PIB, 0,5% des recettes d'exportation en 2014 et 1,5% des réserves en devises. L'Italie a appliqué aussi une amnistie fiscale assortie du paiement d'une taxe libératoire variant entre 5% à 7% des fonds placés à l'étranger et déclarés à l'administration fiscale. Les personnes concernées ne sont pas obligées de rapatrier les fonds. L'Etat a encaissé, grâce à cette opération, 5,6 milliards d'euros à titre d'impôts sur un total de 104,5 milliards d'euros placés à l'étranger soit un taux de 5,4% représentant près de 0,35% du PIB, 0,9% des recettes d'exportation en 2014 et 2,5% des réserves en devises. Autant d'expériences qui peuvent être prises en compte par les autorités tunisiennes dans le cadre d'une réconciliation économique et financière qui permettra à l'Etat de récupérer d'importantes ressources financières qui seront allouées à la réalisation des projets et à donner la liberté aux hommes d'affaires impliqués dans des affaires de corruption et leur permettre de reprendre leur travail et d'investir. C'est une question d'actualité brûlante qui concerne un domaine vital pour la Tunisie, à savoir le monde des affaires. La roue de l'économie doit continuer à tourner en impliquant tous hommes d'affaires appelés à stimuler la production, à recruter et à créer des richesses.