Le monde artistique tunisien est en deuil. Fadhel Jaziri, metteur en scène, auteur, réalisateur et producteur incontournable du paysage culturel tunisien, s'est éteint lundi 11 août 2025 à l'âge de 77 ans. De la scène théâtrale à l'écran de cinéma, en passant par la musique traditionnelle et soufie, Jaziri laisse derrière lui une œuvre foisonnante, profondément ancrée dans l'identité tunisienne. Né à Tunis en 1949, Fadhel Jaziri découvre très tôt sa passion pour le théâtre au Collège Sadiki. Après des études artistiques à Londres et Paris, il rentre en Tunisie et devient l'un des fers de lance du renouveau culturel post-indépendance. En 1971, il crée le Festival de la Médina, puis cofonde, l'année suivante, le Théâtre du Sud de Gafsa, l'un des projets pionniers de la décentralisation culturelle. Avec des œuvres marquantes comme J'Ha, La geste de Mohamed-Ali El-Hammi ou encore El-Karrita, il s'impose comme un auteur et un metteur en scène engagé, donnant la parole à une Tunisie populaire et authentique. En 1976, il cofonde le Nouveau Théâtre, creuset d'expérimentation où il côtoie Jalila Baccar, Fadhel Jaïbi, Mohamed Driss ou encore Taoufik Jebali.
À partir des années 1990, Jaziri se tourne vers le spectacle musical, où il excelle dans la revalorisation du patrimoine. Il marque durablement les esprits avec Nouba (1991), hommage vibrant à la musique populaire, et surtout avec Hadhra (1993), œuvre magistrale qui explore les chants soufis tunisiens et connaît un succès international. Ce spectacle-phare, réinterprété pendant plus de 30 ans, a été présenté sur les scènes de Séville, Fès, Paris, Amman, Tunis et Carthage. D'autres créations musicales comme Nujum, Mezoued, Zaza ou encore Hob Zamen El Harb témoignent de sa volonté constante de faire dialoguer modernité et tradition. Fadhel Jaziri ne s'est jamais éloigné du cinéma. Co-auteur du film Arab (1988), sélectionné au Festival de Cannes en 1989, il réalise en 2007 Thalathoun, son premier long métrage en solo, puis Khoussouf (2014), salué pour son scénario au Festival d'Alexandrie. En 2016, El Guirra complète sa filmographie, présentée aux JCC 2019.
Avec la disparition de Fadhel Jaziri, la Tunisie perd l'un de ses créateurs les plus complets et les plus audacieux. Son parcours, à la croisée du théâtre, de la musique et du cinéma, aura contribué à façonner une mémoire culturelle collective, profondément tunisienne et résolument universelle.