Depuis sa cellule à la prison civile de Mornaguia, l'homme d'affaires Taoufik Mkacher n'a pas mâché ses mots. Dans un communiqué virulent datant du 16 août 2025, il accuse l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica) d'« abandonner les hommes d'affaires tunisiens » et de trahir leur confiance. « Depuis plus de 20 mois, plusieurs hommes d'affaires tunisiens, moi y compris, croupissons en détention préventive, sans jugement, dans des conditions indignes ; sur la seule base de soupçons jamais prouvés », écrit M. Mkacher. Il dénonce une prolongation arbitraire de sa détention qui, selon lui, viole « de manière flagrante les principes élémentaires de l'Etat de droit ». Le communiqué dénonce un double manquement : celui des autorités judiciaires, accusées d'« acharnement », et celui de la centrale patronale tunisienne. Taoufik Mkacher souligne l'inertie de l'Utica face à une situation « inédite », rappelant que la centrale patronale a pour mission de défendre les intérêts économiques des entrepreneurs tunisiens. Or, selon lui, elle reste muette, absente et passive : * Aucune prise de position publique, * Aucun mot de soutien aux chefs d'entreprise détenus, * Aucune démarche juridique ou médiatique pour défendre leurs droits, * Aucune initiative auprès des autorités pour relancer le projet de réconciliation pénale. Pour M. Mkacher, ce silence n'est pas neutre : il devient « coupable ». Il met en avant le risque économique et social d'une telle passivité : « Vous abandonnez des entrepreneurs qui ont investi, embauché et produit, hypothéquant des milliers d'emplois et compromettant la relance économique ». Son argument touche au cœur du rôle d'une organisation patronale : protéger ceux qui font vivre l'économie et soutenir leurs membres face à des procédures judiciaires controversées. Taoufik Mkacher souligne également un point juridique et éthique : les infractions économiques se règlent normalement par des sanctions financières ou des accords amiables. Or, en Tunisie, selon lui, on emprisonne plutôt que de concilier, sacrifiant des entreprises et des emplois. Ce contraste avec les pratiques internationales sert à accentuer le sentiment d'injustice et d'exception tunisienne. Le communiqué prend aussi un ton solennel et historique. M. Mkacher avertit que l'Histoire jugera sévèrement ceux qui choisissent « le confort du silence et la passivité » face à l'injustice. Par cette phrase, il met en lumière la dimension morale et symbolique de l'affaire. Au-delà de son cas personnel, c'est une critique du système et de la posture de l'Utica qui est en jeu.
Ces accusations surviennent alors que Taoufik Mkacher fait face à un lourd dossier judiciaire. Il est poursuivi dans plusieurs affaires financières et administratives, dont un prêt bancaire controversé accordé sans garanties suffisantes. Les chefs d'accusation incluent blanchiment d'argent, usage abusif de fonds de sociétés, octroi illégal d'avantages à des tiers et dissimulation de preuves. Il avait déjà été arrêté en octobre 2023 et placé en détention préventive, et il avait été condamné en janvier 2023 à deux ans de prison ferme dans une affaire de chèques sans provision et de falsification. Un autre dossier douanier reste également en instance.
Le communiqué de M. Mkacher est donc un appel clair à l'Utica pour qu'elle assume ses responsabilités, exige la relance du processus de réconciliation pénale et la remise en liberté immédiate des entrepreneurs injustement détenus. C'est aussi une mise en garde implicite sur les conséquences économiques et sociales d'une détention préventive prolongée, qui met en péril des emplois et des entreprises. En dénonçant l'inaction de la centrale patronale et en rappelant le rôle des entrepreneurs dans l'économie nationale, Taoufik Mkacher transforme son communiqué en un manifeste sur les responsabilités partagées, et sur le risque de désaffection des investisseurs face à un climat judiciaire perçu comme arbitraire.