Les résultats de la croissance économique du 2e trimestre 2025 publiés par l'Institut national de la Statistique (INS) ont laissé plus d'un dubitatif. Même les plus optimismes des analystes ne s'attendaient à un tel rythme de croissance pour la période considérée : 3,2%. Ainsi, l'économie du pays est installée sur une trajectoire en ligne avec les objectifs fixés par le gouvernement d'un taux de croissance économique de 3,2% en année pleine. Miracle ou illusion ? En tout cas, il n'est nullement ici l'occasion de contester les données produites par la principale structure statistique publique du pays. Il n'en demeure pas moins légitime de chercher à savoir quels sont les facteurs qui ont rendu possible une telle performance. On ne peut se suffire de la présentation lacunaire qu'en fait l'INS dans son communiqué annonçant la nouvelle, ni dans le document qui fournit un peu plus de détails accompagné d'une lecture un peu trop dégrossie de ce résultat.
Où sont passés les résultats de croissance semestrielle ? Par ailleurs, il est pour le moins curieux de constater que l'INS n'a publié que les résultats de croissance du 2e trimestre 2025. Habituellement, l'Institut fournit dans le même temps les taux de croissance couvrant le semestre. Cette fois-ci, il n'en est visiblement pas question. Pourtant, les données semestrielles fournissent une meilleure visibilité sur la trajectoire que prend la croissance économique du pays. C'est que les performances semestrielles ne sont pas aussi bonnes que celles du 2e trimestre 2025. En effet, la croissance au 1er semestre 2025 n'est que de 2,5%, selon les données de l'INS. C'est l'agriculture et le tourisme qui ont tiré la croissance vers le haut affichant une évolution semestrielle respectivement de 8% et 10% durant les 6 premiers mois de l'année 2025 pour un objectif en année pleine de respectivement de 5,1% et 5,5%, fixé par le gouvernement. En revanche, d'autres données industrielles rendent perplexe. Alors qu'on croyait que le secteur des industries manufacturières étaient sinistrés, voila qu'il affiche un taux de croissance de 3,1% durant le 1er semestre 2025. On veut bien croire un tel résultat s'il était corroboré par des données qui sont intégrées dans le calcul de la croissance des industries manufacturières. L'Indice de production industrielle (IPI) par exemple aurait pu aider corroborer un tel sursaut. Malheureusement, l'INS ne publie plus cet indicateur à la périodicité mensuelle depuis…2023. La consommation électrique en moyenne et haute tension utilisée par le secteur industriel constitue un autre exemple. Or cet indicateur ne suggère pas une reprise de l'activité manufacturière du pays. Durant le 1er semestre 2025, la consommation de moyenne tension qui représente près de la moitié des ventes globales d'électricité aurait reculé de 1%. La consommation de basse tension a reculé, elle, de 2%. Tout compte fait, c'est tout cela qui suscite l'incrédulité.
Des performances sectorielles incertaines Celle-ci ne touche pas seulement les performances industrielles. Le secteur de la construction peut être logé à la même enseigne. Il affiche un saut de croissance semestriel de 6,5% par rapport à la même période 2024. Manifestement, cela contredit le sentiment qu'ont les acteurs directs du secteur. Aurait-on assisté à un boum de la promotion immobilière ? Pourtant le Recensement général de la population et de l'habitat 2024 (RGPH 2024) incite plus à la tempérance lorsqu'il indique que près de 810.000 logements recensés sont inhabités. Et il ne serait pas surprenant qu'une large proportion de ces logements serait en attente d'un acquéreur ou d'un locataire. Serait-ce les incitations fiscales visant la promotion immobilière contenues dans la Loi de finances 2025 qui aurait provoqué un tel sursaut ? Entre mars 2024 et mars 2025, le système bancaire n'a accordé qu'un peu plus de 280 MD de crédits logements pour un encours de 10,9 milliards de dinars. Autant dire une goutte dans l'océan. Cela aussi instille le doute. A moins que l'INS sorte de sa réserve et fournisse les déterminants d'une telle croissance du secteur de la construction. Le secteur du commerce n'est d'ailleurs pas en reste. C'est un poids lourds dans la composition du PIB : 11,7% en 2024 et la même proportion durant le 1er semestre 2025. Le taux de croissance de l'activité commerciale durant le 1er semestre 2025 atteint 2,3% alors que le ressenti est tout l'inverse conséquence de la nouvelle législation sur les chèques, de l'inflation et de la dégradation du pouvoir d'achat. D'un autre coté, l'enveloppe de crédit à la consommation accordée par les banques durant la période de mars 2024-mars 2025 atteint 190 MD pour un encours global de 4,9 milliards de dinars environ. C'est aussi cela qui rend énigmatique les résultats semestriels du secteur avancés par l'INS.
Et les données financières ? Certaines données financières produites par la Banque centrale de Tunisie (BCT) pourraient corroborer à tout le moins suggérer les performances de croissance économique du pays au cours de ces six premiers mois de l'année 2025 publiées par l'INS. Le volume des transactions à vue et à terme affiché par le système bancaire. Malheureusement, ces statistiques ne paraissent plus sur le site de l'institut d'émission depuis…2020. Il y a heureusement les statistiques des moyens de paiement télécompensés pour suggérer, à la rigueur, une tendance. Sauf que les données du 2e trimestre 2025 ne sont pas disponibles. Et les statistiques du 1er trimestre 2025 ne militent pas en faveur d'une reprise économique. Les montants traités par la télécompensation au cours de cette période sont de 54,4 milliards de dinars contre 59,8 milliards durant la même période de 2024, soit un recul de 9,5%. Certes, le cash devait atténuer par ailleurs un tel recul des moyens de paiement télécompensés. On reste néanmoins loin compte. Après tout cela, n'y a-t-il pas matière à douter des résultats de la croissance fournit par l'INS ? C'est au seul institut d'y répondre.