La tension ne retombe pas à Gabès. Karim Jemai, élu local de Chatt Essalem à Gabès, a tiré, lundi 13 octobre 2025, la sonnette d'alarme sur la gravité de la situation environnementale dans la région. « La région vit un drame écologique à cause de ce que nous appelons le complexe de la mort », a-t-il déclaré à Nadia Fourti lors de son interview téléphonique à l'émission Ahla Sbeh animée par Amine Gara sur Mosaïque FM, en référence au Groupe chimique tunisien (GCT). Selon lui, les émissions industrielles du complexe ont provoqué des souffrances continues chez les habitants de Gabès et, plus largement, chez les Tunisiens, entraînant une hausse des maladies respiratoires, cancéreuses et allergiques. Karim Jemai a rappelé que le conseil local avait alerté à plusieurs reprises les autorités, notamment après l'incident du 27 septembre 2025, lorsque plusieurs élèves du collège de Chatt Essalem avaient été victimes d'étouffement. Les enfants présentaient alors des troubles respiratoires, nerveux et moteurs. Malgré ces alertes, une nouvelle intoxication a eu lieu le vendredi 10 octobre 2025 dans le même établissement, touchant cette fois plus de quarante élèves. L'élu affirme que les habitants ont l'habitude, depuis plus d'un demi-siècle, de certaines odeurs liées à l'activité industrielle, mais que « le gaz senti récemment est totalement différent, inconnu même des résidents de longue date ». Il a appelé à la mobilisation d'experts pour identifier la nature et les effets de cette substance, jugeant qu'il s'agit d'une menace directe au droit à la vie, à la santé et au développement. Karim Jemai a également confirmé l'arrivée, dimanche 12 octobre 2025, d'une équipe conjointe des ministères de l'Industrie et de l'Environnement, envoyée sur place sur instruction du président de la République. Cette mission doit inspecter les installations du GCT et déterminer l'origine du gaz suspect. « Les habitants réclament désormais le démantèlement complet des unités industrielles. Les intoxications sont devenues quasi quotidiennes et surviennent au gré du vent », a martelé l'élu, estimant que la population espère des mesures urgentes et concrètes décidées par le chef de l'Etat. Les habitants de Gabès dénoncent depuis des années la pollution industrielle et ses effets dévastateurs sur la santé publique. Le dernier épisode d'intoxication a ravivé les blessures d'une région longtemps marginalisée. Sur les réseaux sociaux, des vidéos ont montré des scènes d'urgence dans les écoles et les hôpitaux, où plusieurs enfants ont été pris en charge pour des difficultés respiratoires. Les organisations de la société civile parlent désormais d'un « écocide silencieux ». Elles accusent l'Etat de n'avoir « jamais tenu ses promesses » concernant la fermeture ou la mise aux normes des usines les plus dangereuses. Face à cette crise, le président Kaïs Saïed a reçu, samedi 11 octobre 2025, la ministre de l'Industrie, Fatma Thabet, et le ministre de l'Environnement, Habib Abid. D'après un communiqué de la présidence, une mission conjointe des deux ministères a été envoyée à l'usine du GCT pour identifier les dysfonctionnements et proposer des mesures immédiates. Le chef de l'Etat a insisté sur la mise en œuvre d'un plan stratégique global pour « mettre fin aux catastrophes environnementales récurrentes » et a assuré : « Nos concitoyens de Gabès, comme dans toutes les régions du pays, obtiendront pleinement leurs droits… une Tunisie verte, débarrassée de toute pollution. »