Ce mercredi 15 octobre 2025, jour de la fête de l'Evacuation, la ville de Gabès a été le théâtre d'une grande manifestation populaire à laquelle ont participé plusieurs milliers de citoyens. Visages marqués, banderoles en main, les habitants sont descendus dans les rues pour dénoncer la pollution chronique causée par le Groupe chimique tunisien (GCT) et l'inaction des autorités.
Depuis vendredi 10 octobre, la région vit au rythme des protestations sociales contre ce que le président de la République, Kaïs Saïed, avait qualifié en 2022 de « crime environnemental ». Une affirmation restée sans suite concrète, selon les habitants qui continuent de subir les rejets toxiques du complexe industriel.
« Le peuple veut le démantèlement des unités polluantes » Dans une ambiance à la fois grave et déterminée, la foule a défilé pacifiquement dans les rues de Gabès. Les manifestants scandaient des slogans appelant au respect du droit à la santé et à un environnement sain : « Gabès veut respirer ! », « Le peuple veut le démantèlement des unités polluantes ! », « Nous avons le droit de vivre dans une ville propre ! ». Les chants et slogans résonnaient au milieu des pancartes où l'on pouvait lire : « Nos enfants suffoquent » ou encore « Assez de promesses, place à l'action ».
Plusieurs associations et collectifs environnementaux avaient multiplié les appels à la mobilisation. Des militants de la société civile, des jeunes, des familles entières et même des groupes ultras locaux se sont joints à la marche, dans un élan de solidarité inédit. Les participants réclament la fin immédiate des activités polluantes du GCT et l'application intégrale de l'accord du 29 juin 2017, resté lettre morte jusqu'ici.
Une réponse sécuritaire contestée La mobilisation, pacifique dans son essence, a toutefois été dispersée par les forces de l'ordre au moyen de gaz lacrymogène. Les forces sécuritaires ont tenté d'éloigner les manifestants des locaux du GCT. Plusieurs vidéos montrent des manifestants suffoquant, les yeux rougis. Ce recours à la force a suscité une vague d'indignation. De nombreux observateurs et militants ont dénoncé une réponse « disproportionnée » à un mouvement citoyen pacifique. « Au lieu d'écouter la voix des habitants, les autorités ont préféré le silence et la répression », a commenté l'un des participants.
Silence gouvernemental et colère grandissante Jusqu'à présent, le gouvernement et les ministères de l'Environnement et de l'Industrie n'ont émis aucun communiqué en réaction à ces événements. Ce mutisme alimente davantage la frustration d'une population qui se sent ignorée, alors que les habitants de Gabès dénoncent depuis des années la dégradation de leur cadre de vie, entre mer asphyxiée, nappes polluées et air saturé de substances chimiques. Pour les citoyens de Gabès, la manifestation du 15 octobre n'était pas seulement un cri d'alerte environnemental, mais un acte de résistance face à des décennies d'indifférence. Un message clair adressé à Tunis : celui d'une ville qui refuse de suffoquer en silence.