Trois jeunes militants écologistes ont été condamnés, mardi 28 mai 2025, à des peines de prison ferme pour avoir participé à une manifestation contre la pollution industrielle dans la région de Gabès. Mohamed Ali Trimi écope de quatre mois de prison, tandis que Moez Rajhi (19 ans) et Anas Chatouna (17 ans) sont condamnés à deux mois chacun. Les faits remontent au vendredi 23 mai, date à laquelle plusieurs jeunes avaient organisé une marche dénonçant la pollution chronique de leur région et réclamant le démantèlement des unités polluantes du Groupe chimique tunisien. Selon l'avocat Bassem Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, les trois jeunes ont été poursuivis sur la base des articles 79 et 127 du Code pénal, pour participation à un attroupement jugé menaçant à l'ordre public et violences à l'encontre d'un agent public. Pour leurs soutiens, les véritables raisons sont ailleurs : leur engagement pour la justice environnementale, dans une région sinistrée depuis des décennies par l'industrialisation chimique. Dans une publication du 26 mai, Me Trifi dénonçait déjà l'injustice de la procédure, insistant sur le caractère pacifique de la mobilisation.
L'un des trois jeunes, Anas Chatouna, n'a pas encore 18 ans. Ce lycéen aurait dû être en pleine session d'examens. Son arrestation puis sa condamnation ont provoqué une vague d'émotion sur les réseaux sociaux. Un message, signé par l'un de ses professeurs, a largement circulé en ligne. « Aujourd'hui, Anas aurait dû être en classe, en train de passer ses examens », écrit-il. « Ce n'est pas un criminel pour qu'on l'enferme avec des meurtriers ou des trafiquants ». L'enseignant conclut par un message d'espoir : « Tu finiras par sortir, Anas. Redresse la tête. Ce genre d'épreuve forge les hommes ».
Sur les réseaux sociaux, les réactions se multiplient, dénonçant une « criminalisation de la jeunesse militante » et des verdicts rendus avec une rapidité inhabituelle. L'activiste Ayoub Amara résume ainsi : « Le 23 mai, ils manifestaient pacifiquement contre la pollution à Gabès. Le 28 mai, ils sont condamnés. Voilà la Tunisie qui se rétablit ! ». Le blogueur Mehrez Belhassen ironise aussi sur cette célérité judiciaire : « Une telle rapidité d'exécution… Allez-y, dites encore que l'Etat ne fait rien ! ».
Le journaliste Haythem El Mekki dénonce, lui, l'absurdité du motif : « Le crime : protester contre la pollution. Allez-y, justifiez, interprétez, accusez-les de trahison… Tout se paie ». La militante Naziha Rjiba est plus directe : « Gabès respire du poison, mange du poison, boit du poison. Et ceux qui réclament sa libération de ce fléau reçoivent le poison de la prison ».
Pour plusieurs activistes et ONG, cette affaire s'inscrit dans une dynamique plus large : celle d'une répression des mouvements citoyens, notamment lorsqu'ils abordent des enjeux sensibles comme l'environnement ou les droits socio-économiques. À Gabès, les manifestations contre la pollution sont régulières depuis des années. Mais la réponse des autorités semble de plus en plus répressive, en décalage total avec les revendications légitimes des habitants.