CMF. Quelle signification pourrait-on donner à ces initiales autres que celles du Conseil du Marché Financier ? A force d'observer notre autorité de régulation, je suis plutôt tenté de dire que les lettres CMF signifient plutôt « Chey Ma Famma », c'est-à-dire il n'y a rien ! Circulez, il n'y a rien à voir ! Qu'une banque annule un communiqué qui a fait exploser un titre, le CMF ne trouve pas grand-chose à dire, Chey Ma Famma ! Que le marché cherche à en savoir davantage sur l'âge de certains ayants droits d'une société cotée, le CMF ne veut pas dire grand-chose. Qu'une banque ne publie pas à temps (et avec des mois et des mois de retard) ses résultats, le CMF n'en dit pas un mot. Qu'il y ait de la tension et un préavis de grève dans une société cotée, le CMF agit comme si de rien n'était. Est-il d'ailleurs obligé de nous éclairer ? Selon la loi n° 94-117 du 14 novembre 1994, il est exigé des sociétés admises à la cote, en plus de l'information annuelle relative aux états financiers, une information semestrielle sur ces états. Pour ce qui est de l'information continue, la même loi a mis à la charge des sociétés faisant appel public à l'épargne, l'obligation de publier par communiqué de presse toute information ou renseignement susceptibles d'avoir une répercussion sur la valeur de leur titre en bourse. Cette obligation est-elle respectée ? Le CMF la fait-il respecter ? D'après ce qu'on constate, ce rôle d'information sur les sociétés cotées est plutôt joué par deux-trois journaux électroniques que les sociétés elles-mêmes. Il est indéniable que le CMF, son président et ses juges ont de sérieuses raisons pour motiver leur silence et qu'ils ont les meilleures intentions du monde en agissant comme ils le font. On cherche à bien faire, à mieux faire et parfois on est obligés de choisir la moins pire de deux mauvaises solutions. Seulement voilà, ce silence agace intermédiaires, boursicoteurs, investisseurs et observateurs. La question est : le silence est-il préférable à l'information ? Le CMF semble l'entendre ainsi et il a ses raisons qu'un observateur très avisé, très informé, très au fait de la chose, peut comprendre. Il se trouve que tout le monde n'est pas dans le secret des dieux, loin s'en faut. Un investisseur lambda regarde les choses de loin, voire même de très loin, et s'interroge. Pourquoi tel organisme n'a pas communiqué, tel autre ne s'est pas expliqué et tel autre n'a pas organisé de conférence de presse pour se justifier ? Face à l'absence de réponse et cette culture du silence, il tourne le dos à ce marché pour une raison toute simple : cette opacité ne lui inspire pas confiance. Le « Chey ma famma » n'a pas de place pour les investisseurs du XXIème siècle. Le marché exige de l'information, de la transparence et une autorité forte qui sait frapper du poing sur la table pour faire appliquer la réglementation. Taire une information le temps de chercher une solution honorable à présenter publiquement pourrait être une bonne chose, dans quelques très rares cas, à court terme. Seulement, cette exception commence à devenir une règle et on a l'impression qu'on oublie la vision à long terme. Notre marché ne peut pas être l'unique sur la planète où les entreprises n'ont que de bonnes choses à communiquer et où tout va bien pour le meilleur des mondes. Comme toutes les places financières, nos sociétés commettent des erreurs et peuvent déclencher des scandales. Dire CMF (dans le sens Chey Ma Famma) n'a plus de sens, ne peut être cru par personne et supprime à nos entreprises leur droit « légitime » à l'erreur. Cacher ses erreurs ne peut que les encourager à en commettre davantage, donner des idées aux autres et multiplier les précédents. Notre très petite place financière gagnerait davantage avec une bonne communication, une bonne information et de la transparence. En clair, il nous semble que cette place a de meilleures chances de croître beaucoup plus vite si la réglementation en vigueur est strictement appliquée. Cette option laisserait quelques entreprises sur le carreau et nuirait aux intérêts de certains ? Tant pis ! On ne fait pas d'omelettes sans casser des ufs. Il vaudrait mieux réfléchir à l'intérêt collectif qu'à l'intérêt de certains.