Le rapport annuel sur la situation de la presse en Tunisie a été publié le 3 mai. Un rapport que tous les journalistes attendaient avec impatience. Cette année plus que les autres. S'agissant du premier rapport du Syndicat dans ses nouvelles identité et prérogatives et d'un Bureau fraîchement élu qui n'est pas réputé pour avoir sa langue dans la poche. A la lecture du rapport, cependant, la déception est égale au degré d'impatience. Un rapport truffé de bonnes et mauvaises notes attribuées aux uns et aux autres. Un rapport truffé de leçons. Un rapport truffé d'omissions. Un rapport truffé de contrevérités pour ne pas dire mensonges. En bref, un rapport orienté pour polémiquer plutôt que pour résoudre des problèmes. « C'est une discussion de café transformée en rapport », commentera Khemais Khayati après avoir soigneusement lu tout son contenu. Pourquoi cet avis sur un Bureau sur qui, tout le monde (et notamment ceux qui l'ont élu) a noué beaucoup d'espoir ? C'est simple : l'état des lieux tel que présenté par le rapport 2008 ne rend pas compte de la vraie réalité du terrain telle que nous la vivons au quotidien. Je ne m'attarderai essentiellement que sur la presse électronique. Un secteur naissant livré à lui-même, sans réglementation aucune. Il fut un temps, quant on tapait dans le moteur de recherches Google News pour obtenir de l'actualité sur la Tunisie, on tombait essentiellement sur des journaux étrangers proposant un lot d'informations reprenant nos couacs et minimisant nos réussites. Avec la presse électronique tunisienne, c'est un contenu tunisien développé par des Tunisiens qu'on retrouve désormais (et essentiellement) dans les moteurs d'actualités tels Google News ou Yahoo Actualités. La Toile étant ce qu'elle est (une jungle), il est à la portée de tout un chacun de créer un site et de s'auto-proclamer journaliste du jour au lendemain, bien que le titre de journaliste obéisse à une loi bien précise. Ne peut se déclarer journaliste que le détenteur d'une carte de presse délivrée par le ministère de la Communication. Dans cette jungle, on trouve un mélange de blogs, de pseudo-journaux, de sites ramassant communiqués et courriers injurieux et des journaux. Dans toute cette jungle, deux journalistes tunisiens (et uniquement deux) ont osé l'aventure en créant leurs propres journaux électroniques et en les dotant des moyens financiers et humains nécessaires. Il s'agit de Khaled Boumiza (fondateur d'African Manager) et de moi-même (Business News). Des centaines de milliers de dinars y ont été investis avec pour objectif la création d'un journal électronique tunisien respectant la déontologie de la profession et livrant à ses lecteurs (en Tunisie et dans le monde) une information de qualité digne de notre pays. Le rapport du Syndicat n'en a eu, pourtant, que cure ! Dans la partie consacrée aux faits saillants de l'année, on ne trouve aucune mention de l'existence de ces supports. Dans la partie consacrée au secteur de la presse électronique, les rédacteurs du rapport évoquent les blogs, les sites ramassant les communiqués et lettres injurieuses au régime, les spécialistes du copier coller et vol d'articles mis en ligne par des anonymes se cachant derrière l'écran de leur ordinateur. Mais en aucun cas il n'est question de ces supports créés par des journalistes qui se sont jetés dans une eau glaciale. Les rédacteurs de ce rapport n'ont fait que mentionner les mauvais côtés de cette nouvelle « presse » venue bousculer les traditions. Afin de mieux noircir l'image de la presse électronique en Tunisie, les rédacteurs du rapport osent cette contrevérité, signifiant que quelques « sites » recrutent des journalistes professionnels, mais que la situation de ces journalistes est encore opaque et qu'ils comptent essentiellement sur des pigistes. A la demande d'un membre du Bureau du syndicat, et afin de donner une information exacte par la source, M. Boumiza et moi-même avions présenté une synthèse de la situation telle que nous la vivons au quotidien. Nous avions bien souligné la problématique de la non-reconnaissance officielle par les autorités (il y a bien une reconnaissance officieuse, puisque ces mêmes autorités nous soutiennent à « mezzo voce » et nous invitent à plusieurs manifestations). Nous avions bien présenté la problématique de la carte professionnelle vis-à-vis de nos salariés PERMANENTS et non pigistes. Nous avions aussi évoqué notre besoin de nous insérer, pour des raisons juridiques et administratives, sous le couvert du code de la presse. Les rédacteurs du rapport ne peuvent pas prétendre ignorer cet état des lieux ! Ils le savent ! Et quant ils écrivent que la situation est opaque, c'est faux ! Ils ont reçu toutes les informations nécessaires pour qu'ils n'écrivent pas cela. Pis encore, les rédacteurs écrivent que « certains » journaux électroniques ont reçu des propositions de financement des autorités américaines via le MEPI ! D'après ce que l'on sait, aucun journal électronique n'a touché un millime du MEPI. Le syndicat s'est-il assuré que des supports papier (à qui il a donné de bonnes notes) n'ont pas reçu des subventions de ce même MEPI ? Il n'en parle pas, bien que ces supports agissent ouvertement sans complexe aucun ! Que les autorités temporisent pour reconnaitre d'une manière officielle les journaux électroniques, cela se conçoit et pourrait se comprendre. Qu'ils soient niés par leurs pairs est injuste ! Cette Chronique a été publiée dans le magazine Réalités n°1167 du 8 mai 2008 A lire également sur le même sujet : Prenez la peine de la méthode, Camarades !