Après une première tentative de privatisation pas vraiment réussie, l'ICAB a été reprise par un des plus grands groupes italiens de la filière finissage qui n'est autre que le groupe Niggeler&Kupfer (NK), leader européen dans le secteur du coton avec un chiffre d'affaires avoisinant les 75 millions d'euros, pour l'année 2007. Elle devient ainsi « Teinturerie, Finissage Méditerranéens » (TFM) et pourra entrer en production en septembre. Un investissement qui s'inscrit parfaitement dans les objectifs fixés par les pouvoirs publics au secteur textile et habillement. Celui d'en garantir l'intégration demeure capital pour l'économie nationale. Chronique d'une success story annoncée qui ne manquera pas de renforcer le positionnement du secteur sur les circuits courts et les produits à forte valeur ajoutée. L'ancien site industriel national de finissage et de tissage SITTER a réussi à résister à toutes les spéculations possibles et éventuelles. Après une première privatisation remportée par l'International Company Ayadi Bittan (ICAB) et désormais vouée à l'échec, le site est passé entre les mains de deux banques tunisiennes. Mais voilà, l'intérêt de préserver le tissu industriel national l'a finalement emporté et l'Appel d'offres international lancé par le ministère de l'Industrie, de l'Energie et des PME a été remporté par le groupe italien Niggeler&Kupfer (N&K), spécialisé dans le finissage. L'objectif des pouvoirs publics est d'assurer la continuité de l'activité, à travers un investissement capitalistique de haute valeur ajoutée, d'où l'option pour le groupe italien. A ce titre, Néjib Karafi, Directeur Général du Centre Technique de Textile (CETTEX), a affirmé que la Tunisie n'a pas opté pour le plus disant mais plutôt pour l'entreprise qui aura des atouts significatifs à même de contribuer à la concrétisation des objectifs du secteur. Faut-il rappeler que la filière tissage, filature et finissage est le maillon faible du secteur textile selon les deux études effectuées par Gherzi? En effet, elle se caractérise par de petites entreprises qui se concentrent sur des produits basiques avec un niveau de productivité peu performant. Selon le DG du CETTEX et sur la base des études réalisées, la filière n'a pas réussi à tirer profit du dynamisme de l'habillement qui consomme 400 millions de mètres linéaires, et elle n'arrive même pas à couvrir les besoins nationaux ce qui constitue un grand frein à l'intégration du secteur. D'où toute l'importance de l'implantation du groupe italien dans la zone industrielle de Bir El Kassâa, pour un volume d'investissement immatériel et matériel de 12 millions d'euros. Baptisée « Teinturerie Finissage Méditerranéens » (TFM), l'unité entera en activité en septembre avec une capacité de production au démarrage de dix millions de mètres carrés de tissus prêt à teindre et cinq millions de tissus teints. L'initiative du Groupe N&K s'articulera autour de quatre marchés et pas uniquement sur l'export. Il s'agira de la production pour les besoins internes du groupe lui-même, de la production pour le compte des clients du groupe en matière de tissus écru, de la production pour le compte du marché européen du tissu/habillement et de la production pour le compte du marché de l'habillement tunisien en tant que sous-traitant (y compris les marchés publics). L'activité de la société sera d'autant plus facilitée que l'année 2007 a marqué un tournant décisif dans le secteur textile et habillement. En effet, on a assisté à une nouvelle vague d'investissements dans les activités en amont, soit le tissage, le finissage, la filature et la teinture. « L'analyse de ces projets, affirme M. Karafi, démontre que la forte demande d'habillement conjuguée à la montée en gamme du secteur, est en train de générer un sourcing de proximité à même d'assurer une meilleure réactivité des entreprises d'habillement. Un sourcing de proximité qui favorise le développement du couple moteur habillement/ennoblissement afin de générer l'intégration du secteur et surtout sa montée en gamme, sa capacité à fournir un « full package », sa réactivité et par la-même sa valeur ajoutée. Force est d'admettre que les principaux acteurs de l'instauration de ce sourcing de proximité sont majoritairement des groupes internationaux italiens de grande envergure, qui ont su tirer profit des mesures d'encouragement aux investissements dans la filière. Et l'implantation du groupe N&K est un bel exemple de ce processus. D'ailleurs Paolo Archetti, Président du groupe a déclaré qu'outre le cadre incitatif et propice au travail en Tunisie, il faudrait faire référence aux autres facteurs qui ont incité le groupe à s'implanter dans la zone de Bir el Kassâa. D'abord, la zone industrielle est dotée d'une infrastructure fonctionnelle dont une station d'épuration d'eau, ligne à haute tension Ensuite, l'importante demande en tissus d'habillement des entreprises off-shore (plus de cent millions de mètres hors denim). Enfin, la croissance potentielle de la demande avec la création de projets d'investissements dans la filière confection annonçant une évolution à la hausse des besoins en tissus. Dans tous les cas, la Tunisie et son environnement des affaires n'a pas de secrets pour le groupe italien qui y est déjà implanté depuis 1997, à travers une unité de tissage dans la zone industrielle de Ksar Saïd, d'une capacité de production annuelle de 7,6 millions de mètre, réalisant un chiffre d'affaires de 22 MD, et employant 158 personnes. Confiant dans le site tunisien des affaires, le groupe a renforcé ses investissements. Aussi, depuis 1999, il a racheté deux unités de filature à Boumerdess (ex Bacosport), l'une de coton peigné et l'autre de coton cadré open end, dont la production est, aujourd'hui, de 15 tonnes de fil par jour. Le groupe italien est leader sur le marché européen dans le secteur du coton, qui a totalité en 2007 un chiffre d'affaires d'environ 75 millions d'euros dont 90% généré par le marché communautaire. Avec ce nouvel investissement de 12 millions d'euros, le groupe renouvelle sa confiance dans le site tunisien des affaires et ouvre la voie à d'autres investissements en Tunisie. Le placement réalisé à Bir El Kassâa envisage de créer avant la fin de l'année 2008, 75 nouveaux postes d'emploi de haute qualification dont 55 cadres supérieurs et moyens (ingénieurs et techniciens supérieurs), et de porter ainsi le taux d'encadrement technique à plus de 73%. A cela s'ajoute six techniciens italiens qui seront présents lors de la phase initiale du projet, en vue de garantir la formation des employés, parallèlement aux programmes de formation qui seraient dispensés par le CETTEX. Au regard du Président du groupe N&K, la Tunisie a un avenir prometteur dans la filière du finissage et le groupe entend participer au développement de cette branche. En effet, la Tunisie a importé en 2007, 431 millions de mètres linéaires de tissu, c'est dire l'importance de la branche habillement en dehors du denim. Pour le créneau correspondant à la future production de TFM, les importations se situeraient autour de 80 millions de mètres de tissu. A cela il faudrait ajouter la demande des marchés publics qui, en 2007, a requis pour le personnel des ministères de la Défense nationale, de l'Intérieur et de la Douane, près de 1,4 millions de mètres de tissu fini. Aussi, les dirigeants du groupe sont-ils très optimistes quant aux opportunités qui leur sont offertes. « A l'instar de ce qui s'est passé en Italie et qui a permis le développement du Made In Italy, nous souhaitons développer l'activité finissage en Tunisie vers une plus forte valeur ajoutée qui permettrait d'atténuer partiellement les volumes considérables d'importations de tissu en provenance principalement d'Europe », a indiqué le Président du groupe. S'agissant d'une seconde privatisation, on ne pouvait que se demander ce que sont devenus les employés de l'ICAB. A cette interrogation, M. Karafi a souligné que le nouveau projet présuppose une haute technicité de savoir faire. Un changement de mentalité et une grande capacité d'adaptation aux nouvelles technologies et nouvelles normes étaient de vigueur. Aussi, tout le personnel a été dédommagé, les banques ont repris leur argent et le site a été préservé. Cela dit, M. Archetti a ajouté que quelques employés de l'ancienne société ont été maintenus. Le groupe sera présent au Texmed 2008, qui se tiendra du 18 au 20 juin courant. Un salon parmi les plus importants à l'échelle euro-méditerranéenne et auquel seront présents plusieurs donneurs d'ordres internationaux dont le premier décideur, en matière de sourcing, d'un des premiers groupes dans le monde, à savoir Benetton, qui compte parmi les clients de N&K. Un groupe dont le récent investissement permettra une meilleure intégration de l'industrie textile/habillement et une meilleure réactivité, donc, une meilleure compétitivité. Qui sait, il encouragera peut-être d'autres groupes internationaux dont l'intégration dans d'autres pays concurrents de la Tunisie n'a pas réussi ?