La presse électronique a vu la naissance de ses premiers supports en 1999. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts et un bon nombre de titres a vu le jour. La Tunisie compte aujourd'hui une bonne vingtaine de journaux électroniques. Certains ont participé à la création de supports, au profit de tiers, avant de lancer le leur, et d'autres ont démarré leur propre projet sans aucune expérience journalistique préalable. Quels sont cependant les supports qui respectent les normes de la profession journalistique ? Comment doivent-ils être reconnus ? Quel droit peuvent-ils réclamer, s'agissant de publicité publique ? Combien de visiteurs les lisent-ils au quotidien ? En un mot, quelles sont leurs doléances ? Les directeurs de journaux ont retrouvé, chez leur ministre Rafâa Dekhil, toute l'ouïe qu'ils réclament lors de la réunion qu'il leur a accordée. Une réunion qui a permis d'exposer en toute franchise les problèmes et les pistes de solutions qui, vraisemblablement, ne tarderont pas à être mises en exécution. Le ministre a, en effet, le mérite de reconnaître cette presse en l'associant déjà à plusieurs événements économiques et politiques. Maintenant, il entend aller encore de l'avant et tout indique que la presse électronique tunisienne va connaitre des lendemains prospères. Une réunion s'est tenue mardi 2 décembre 2008, entre Rafâa Dekhil, ministre de la Communication et des Relations avec la Chambre des Députés et la Chambre des Conseillers et les directeurs des journaux électroniques tunisiens. Etaient aussi présents à cette réunion des représentants du ministère des Technologies de la Communication, du Conseil supérieur de la Communication et des patrons d'entreprises évoluant sur le net. Objet de la réunion : écouter les doléances des intervenants d'un secteur en pleine croissance et essayer d'apporter les solutions nécessaires et possibles en vue de son développement. Intervenant en premier, Mohamed Hamdane, directeur de l'Institut tunisien de Presse et des Sciences de l'Information (IPSI), a exposé brièvement les modules de formation proposés aux étudiants spécialisés en presse électronique. Une spécialité dispensée en quatrième année pendant 24 semaines à raison de dix heures par semaine. Khaled Boumiza, fondateur d'African Manager, a traité des problèmes rencontrés au quotidien. Il a d'abord attiré l'attention sur l'important rôle joué par la presse électronique dans la présentation d'une image bonne et juste de la Tunisie sur les principaux moteurs de recherche sur Internet. Le premier des problèmes sur lesquels s'est étendu M. Boumiza est lié à la reconnaissance et à l'octroi de la carte de presse, par le ministère de tutelle, aux journalistes des médias électroniques. Ce problème empêche l'expansion de ces supports qui ne peuvent plus persuader les journalistes compétents de travailler chez eux, faute de cette reconnaissance. Les journalistes débutants maîtrisant la langue française étant fort rarissimes, d'où la recherche de professionnels expérimentés. Deuxième problème exposé, celui du financement de la presse électronique dont le business model est basé exclusivement sur la publicité. Se pose ainsi la question de la légitimité de l'obtention de la publicité publique et la question de la ristourne. M. Boumiza ne manquera pas de rappeler la décision présidentielle d'octroyer une ristourne aux sites web proposant du contenu. Cette décision reste inappliquée jusqu'à ce jour, par le ministère des Technologies de la Communication et qui n'englobe pas, de toute façon, la presse électronique, en dépit du contenu volumineux proposé quotidiennement sur Internet. C'est un contenu tunisien qui uvre à propager l'image de marque de la Tunisie et qui propose de l'information sur l'actualité en Tunisie, notamment économique, fort prisée par les citoyens, les investisseurs et les observateurs tunisiens et étrangers. Le directeur de Business News, rédacteur de ces lignes, a évoqué le problème du plagiat et de la présence de plusieurs parasites qui, à partir d'un site web monté de toutes pièces et de quelques "copier-coller" de dépêches d'agences, se présentent comme des journaux électroniques et essaient de duper les internautes. Il a rappelé que ces parasites gênent énormément la bonne marche des autres journaux électroniques, ceux qui respectent la déontologie et emploient à temps plein ou à temps partiel des journalistes confirmés qu'ils paient au prix fort. Il a fait part également des statistiques fort exagérées, annoncées par certains supports. Les auteurs de ces pratiques vont même jusqu'à déclarer un nombre de lecteurs supérieur au nombre d'internautes tunisiens. Or les lecteurs tunisiens francophones et intéressés par l'actualité économique sont connus. Le fait de mentir sur les statistiques ne peut que nuire à l'ensemble du secteur, d'où la nécessité d'un tiers certificateur, reconnu par tout le monde. Moez Souabni, membre du Conseil supérieur de la Communication, a défendu pour sa part le droit de tout un chacun de créer un projet dès lors qu'il respecte les normes de la profession. Il propose, à ce sujet, de placer la presse électronique sous le parapluie du Code de la Presse. Proposition appuyée par l'ensemble des professionnels présents, possédant un journal électronique. Naoufel Ben Rayana, directeur de Tustex (véritable pionnier du secteur puisque son journal a été créé en 1999), a évoqué pour sa part la question du plagiat par la presse papier. Hachemi Ammar, directeur de Webmanagercenter a insisté, quant à lui, sur la nécessité d'octroyer une carte de presse aux journalistes de la presse électronique, faisant remarquer que ce sont les mêmes personnes qui sont considérées comme journalistes professionnels lorsqu'elles exercent dans un support papier et qu'elles cessent du jour au lendemain de l'être quand elles travaillent pour un support électronique. Mondher Mahouachi, responsable de la communication à la Fédération Tunisienne de Football, a évoqué pour sa part le (très) grand nombre de sites internet se présentant comme des journaux électroniques et réclamant, à ce titre, des cartes de presse pour accès au stade. A la FTF, on a essayé d'être pragmatiques et d'agir en fonction des moyens et des places disponibles. Le nombre de places de la tribune de presse des stades étant fort réduit, on a donc interdit son accès à la presse électronique dont les journalistes sont considérés, à la FTF, comme des photographes ! Mais, vu le grand nombre de ces "journaux" (dont certains ne sont que des sites de clubs sportifs), la FTF n'en reconnait que sept ou huit, ceux qu'elle juge les plus crédibles et les plus sérieux. Rafâa Dekhil a écouté très attentivement l'ensemble des intervenants. Il les a invités à se mettre d'accord sur des propositions applicables sur le court terme. Il est vrai qu'il y a parmi les présents, de ceux qui ne dirigent pas de journaux électroniques, soit dit en passant, des personnes qui ont rejeté la question du parapluie du code de la presse, qui pourrait, à leur avis, porter atteinte à la liberté de création. Le ministre a fait preuve d'une grande ouverture, allant jusqu'à rappeler le plein droit du ministère d'octroyer des cartes de presse aux supports présents qui respectent la déontologie et les normes de la profession. « Nous ne nous amuserons pas à donner des cartes de presse à tout un chacun ayant créé un site. Il est impératif que notre interlocuteur soit issu de la profession et respecte la déontologie ». M. Dekhil a rappelé que le parapluie du code de la presse ne peut que protéger les journaux électroniques, prenant à témoin le cas d'un de ces journaux ayant eu grand besoin d'être protégé par ce même code, à l'occasion d'une plainte en diffamation. Le mot de la fin a échu à Salaheddine Dridi, directeur général de l'Information, grâce à qui, avec la ferme volonté du ministre, la réunion s'est tenue. M. Dridi, qui est en sus l'un des plus grands experts tunisiens en la matière, en sa qualité de professeur et chercheur universitaire à l'IPSI, a déclaré « La bonne monnaie finira pas chasser la mauvaise ». Espérons que ce ne sera pas la mauvaise presse électronique qui chasse la bonne !