L'heure est grave pour le football tunisien dans toutes ses composantes : clubs, supporters, infrastructures, dirigeants, joueurs, staff technique et, dans une certaine mesure, l'instance dirigeante, en l'occurrence la Fédération tunisienne de football et la Ligue 1. Et dans toutes ses valeurs concernant l'esprit sportif, la charte et le respect des biens de la collectivité. Partout, on tire la sonnette d'alarme, plus particulièrement chez les clubs qui se voient obligés de casquer des amendes, devenues courantes, hebdomadaires et, surtout, de plus en plus importantes. Et depuis quelques semaines, nombreux sont les clubs qui se voient condamnés à des pertes sèches et faramineuses parce que privés des recettes du public et, par voie de conséquence, des recettes publicitaires. Les déficits se chiffrent, parfois, à des centaines de milliers de dinars, ce qui a fait dire à des responsables de certains clubs qu'au rythme où vont les événements, ils ne sont pas loin de la banqueroute. Etat des lieux Les récents incidents survenus lors des matches Espérance Sportive de Tunis et Club Sportif d'Hammam-Lif, en championnat et Club Africain et Club Sportif Sfaxien, en Coupe de Tunisie, sont venus jeter de l'huile sur le feu et étaler, au grand jour, l'acuité de la crise qui couve depuis plusieurs semaines. La rencontre de la première demi-finale opposant le Club Africain au CS Sfaxien a été émaillée de certains incidents de violences de la part du public sfaxien et de lancement de fumigènes chez les supporters clubistes. Résultat inéluctable : des sanctions attendues des amendes pour les deux clubs et un match huis-clos pour le C Africain. Et si la réglementation est appliquée, l'huis-clos est inévitable. A moins de revirement de dernière minute ! Autrement dit, le prochain derby de la capitale se déroulera, sauf imprévu, sans public. Il n'y aura, donc, pas de spectacle, pas de fête et surtout pas de recettes pour l'équipe qui reçoit, à savoir le Club Africain. Et selon les connaisseurs, le Club de Bab Jedid subirait, alors, une perte sèche située entre 400 et 500 mille dinars ! Auparavant, le Club de Bab Souika a été condamné à des amendes, à supporter les frais de réparation des dégâts subis par le Stade d'El Menzah, lors de la fameuse rencontre EST CSH Lif et à trois matches à huis-clos, soit aussi à une perte de près de 500 mille dinars, voire plus. La Ligue n'est pas à ses premières sanctions de ce genre. Le CS Sfaxien, la Jeunesse Sportive de Kairouan, El Gaouafel de Gafsa et, tout récemment, le CA Bizerte se sont vus infliger les mêmes « punitions ». Or, si la tendance venait à se confirmer, à l'avenir, l'on s'achemine vers des huis-clos frappant, probablement, la moitié des matches de la Ligue 1 ! Ce serait la fin de notre championnat et de notre football qui est finalement, et avant tout, un spectacle et une fête. Ce serait, également et surtout, la faillite de nos clubs dont les dirigeants commencent à évoquer le spectre de la banqueroute. Et les questions qui se posent et s'imposent sont nombreuses. Jusqu'à quand les clubs vont être les otages d'une poignée de supporters lanceurs de fumigènes et de bouteilles et autres projectiles ? Jusqu'à quand la Ligue va appliquer des textes de loi désuets et sans le moindre bon sens ? Et dire que sous d'autres cieux, la décision de l'huis-clos n'est prise qu'en dernier recours et dans les cas extrêmes. Autrement dit, il s'agit d'une mesure d'exception. Or ce qui est exception, ailleurs, a tendance à devenir la règle dans notre football ! Il faut dire que le malaise est partout. Tout le monde se plaint de tout le monde. A titre d'exemple, plusieurs sont les supporters d'une équipe qui, après avoir effectué des centaines de kilomètres, se voient leur billet carrément déchiré et refuser l'accès au stade. Les fans, quand ils arrivent au stade, se trouvent déjà dans un état second. Et pour les exciter davantage, ils sont mal accueillis aux entrées à cause des longues files d'attentes. D'autres se voient contraints d'entrer torse nu parce qu'on leur a interdit le port d'un tee-shirt avec des marques ou des inscriptions « prohibées ». Or, là aussi, le manque d'information et de communication se trouve à l'origine de ce genre de situations aberrantes et aggravantes. Du coup, on se retrouve avec des galeries surexcitées, prêtes à exploser à la première et moindre irritation. Le mal est bien là, et il s'agit d'y remédier. Mais auparavant, un diagnostic précis et objectif doit être établi dans un cadre de réflexion saine et de concertation générale impliquant les différentes parties intervenantes à savoir, autorité de tutelle, Comité olympique, dirigeants de clubs et Fédération de football. Il est impératif et urgent d'établir les tenants et aboutissants de la crise, loin de tout esprit partial ou chauvin afin de pouvoir mettre au point les remèdes nécessaires en toute sérénité. Il y va de l'avenir du sport-roi en Tunisie. Noureddine HLAOUI