À quelques semaines des élections très attendues de l'Ordre des avocats, programmées pour le 13 septembre 2025 à la Cité de la Culture à Tunis, Hatem Mziou, batonnier sortant, est revenu sur son mandat lors d'une interview accordée, dimpanche 10 août 2025, à Diwan FM. Alors que de nombreuses critiques ont visé l'Ordre, Hatem Mziou qualifie, de son côté, sa mandature de « période de consolidation de l'indépendance de la profession d'avocat ». Dans un contexte tunisien marqué par des tensions politiques et sociales importantes, mais aussi par des pressions extérieures, la profession a - estime-t-il - réussi à préserver son autonomie face à « toutes tentatives d'ingérence, qu'elles viennent d'ici ou de là-bas ».
Selon M. Mziou, parmi les principales priorités de cette mandature figurait la réforme du cadre légal et institutionnel de la profession. Hatem Mziou insiste sur le travail « patriotique » accompli par son équipe : préparation et dépôt de projets de loi sur le statut des avocats, sur le fonds de défense, ainsi que sur l'amélioration de la gouvernance interne. Toutefois, le batonnier déplore un « manque de volonté politique » et une lenteur administrative persistante. « Nous avons multiplié les négociations avec les autorités concernées, mais malheureusement, la réponse officielle se fait toujours attendre », regrette-t-il.
Cette absence de réponses tangibles est une source de frustration pour le doyen, qui reconnaît ne pas être pleinement satisfait des résultats obtenus. L'un des défis majeurs évoqués est la difficulté à mobiliser l'ensemble de la profession autour des actions revendicatives. M. Mziou explique que les divisions politiques ont souvent freiné les initiatives collectives. « Il existe une diversité d'opinions légitime et démocratique dans la profession, mais elle a parfois empêché une mobilisation unanime, notamment lors des mouvements de protestation ou des actions revendicatives », souligne-t-il. Cette situation a donné lieu à des critiques, certaines le taxant de « faiblesse dans la défense des droits et libertés »
Sur la question sensible des droits et libertés, Hatem Mziou tient à souligner que l'Ordre des avocats a régulièrement pris position contre des textes ou des pratiques jugés attentatoires aux droits fondamentaux, à l'instar du controversé décret 54. Il mentionne aussi la vigilance portée par la profession quant aux atteintes à l'indépendance judiciaire, notamment à travers des prises de position publiques et un suivi attentif des procès et des conditions d'arrestation des avocats ou de citoyens. Toutefois, il admet que la portée de l'Ordre reste limitée face à des institutions étatiques aux décisions parfois arbitraires. Le doyen insiste sur la nécessité d'une séparation effective des pouvoirs et sur l'importance d'un Etat respectueux du droit et des engagements constitutionnels.
Alors que le scrutin approche, Hatem Mziou lance un appel à la responsabilité collective. « L'Ordre des avocats doit continuer à être un pilier fort et indépendant de la démocratie tunisienne, un défenseur infatigable des droits et des libertés, au-delà des clivages politiques », affirme-t-il. Le bâtonnier Hatem Mziou fait aujourd'hui l'objet de nombreuses critiques, y compris dans les rangs mêmes du barreau, en raison de son approche jugée trop prudente face aux attaques répétées du régime contre les avocats. Contrairement à ses prédécesseurs emblématiques, connus pour leur engagement politique et leur militantisme en faveur des droits et des libertés, Mziou privilégie une ligne strictement professionnelle, limitant ses réactions à quelques communiqués et démarches formelles. Cette posture, perçue comme un abandon d'une tradition historique de résistance, alimente le sentiment que l'Ordre des avocats se montre désormais incapable de défendre efficacement ses membres les plus exposés aux poursuites et intimidations politiques.