Février 1989 à Marrakech est, pour l'Union du Maghreb Arabe (UMA), une date phare avec laquelle tout le monde a cru, ou presque, que l'espace économique maghrébin ne tarderait pas à se mettre en place. Aujourd'hui, 20 ans après la naissance de cette UMA, on en discute encore. On dialogue, on approfondit la réflexion, on parle, on parle......et le problème c'est qu'on répète, toujours, les mêmes choses et ce à chaque rendez-vous. Et à l'occasion du 2ème forum des hommes d'affaires maghrébins, tenu lundi 10 mai 2010, on s'est adonné au même rabâchage. Ce sont les mêmes problématiques, les mêmes obstacles et les mêmes chiffres, désolants d'une intégration quasi absente, qui ont été évoqués, et les mêmes vux d'espoir de voir, enfin, surgir un espace économique maghrébin, qui ont été formulés. Et au regard de plusieurs, voire tous les intervenants, il y a encore du chemin à parcourir et une complémentarité à construire. Rien de neuf, rien de particulier. A s'interroger pourquoi réunit-on tout ce beau monde si c'est pour redire toujours les mêmes choses ! Alors que les pôles régionaux et regroupements économiques ne cessent de s'imposer, de se consolider et de se renforcer pour une meilleure intégration à la mondialisation, l'espace économique maghrébin est encore au stade des balbutiements. 20 ans après la création de l'Union du Maghreb Arabe (UMA), l'Union Economique et l'intégration du Maghreb trouve beaucoup de mal à se mettre sur pied. Les obstacles sont multiples et les difficultés encore plus. Néanmoins, on peut reconnaître que les hommes d'affaires maghrébins, y croient encore. Ils sont profondément convaincus que c'est à eux, opérateurs économiques de pousser vers la mise en place d'un espace économique commun. En effet, contre vents et marrées, les opérateurs économiques maintiennent fermement la pression pour que le politique facilite l'ouverture des frontières entre les cinq pays de la région. Une fermeture que tout le monde à du mal à expliquer, et encore moins à légitimer, dans une ère de mondialisation, où il n'y a pas de place, comme l'a si bien souligné M. Hédi Djilani, patron des patrons tunisiens, pour des économies fermées. Le politique trébuchant, la pression des opérateurs a apporté un résultat : l'intégration des hommes d'affaires dans le processus et le débat, il y a trois ans. Une tentative de les écouter, et de prendre en compte leurs propositions, leurs doléances et leur plaidoiries en faveur d'un espace économique commun. C'est dans ce cadre qu'est née l'Union des Employeurs Maghrébins (UEM), présidée, aujourd'hui, par la Libye et qui tient à Tunis, depuis hier, son 2ème forum, en partenariat avec l'UTICA et la Revue libanaise « Iktisad Wa Aâmel ». 20 ans après, on entend désormais les mêmes discours : le marché maghrébin unique n'arrive toujours pas à dépasser les obstacles, l'union économique n'arrive pas à se mettre en place et les difficultés que rencontrent les PME maghrébines, ayant décidé d'élargir leurs activités aux pays voisins, sont énormes. Encore une fois, on a eu droit aux informations relatives au coût du non Maghreb qui se traduit par une perte d'environ 2% de croissance, et 200 mille emplois par an, pour chaque pays de la région. 20 ans après, la création de l'UMA et après l'organisation d'une multitude de rencontres sur la question, l'espace économique maghrébin n'arrive pas à se concrétiser. A l'exception de quelques entreprises qui ont décidé de s'internationaliser vers les pays voisins, en y investissant et en s'y implantant, on est loin d'affirmer que la complémentarité y est, encore moins l'intégration. D'ailleurs, l'insertion de chaque économie séparément à la zone Euromed, témoigne que le chemin à parcourir pour atteindre l'intégration est encore long. Les orateurs ont reformulé les mêmes propos et les mêmes chiffres. Des chiffres qui ne se sont pas améliorés et demeurent faibles : les échanges commerciaux ne dépassent pas les 4% et les investissements directs étrangers représentent un taux « ridicule », pour reprendre les termes de Redha Hamiani, président du Forum des Chefs d'entreprises algériens. Un taux trop bas soit, 0,3% des IDE mondiaux. Et pourtant, Habib Ben Yahia, Secrétaire général de l'UMA, a souligné, encore une fois, « qu'un Maghreb Uni contribuerait à l'amélioration des échanges commerciaux bilatéraux, et à la croissance du PIB de chaque pays, d'environ 1,84%, soit environ 5 milliard de dollars de plus. Et l'impact positif se fera ressentir sur l'amélioration du chiffre d'affaires annuel, d'environ 2000 à 3000 PME maghrébines, ce qui permettra de réduire le taux de chômage au Maghreb de 1%. Le coût du non Maghreb se traduit, pour les pays concernés par une perte de 4600 millions d'euros, en termes d'investissements directs étrangers. Or, l'intégration économique du Maghreb pourrait contribuer à une croissance supérieure pour deux raisons, comme l'explique M. Djilani. D'abord, eu égard aux impacts «d'échelle et de concurrence». L'élimination des barrières au commerce équivaut à un élargissement du marché, à mesure que les marchés nationaux s'orientent vers une intégration au marché régional. Ce qui permettrait, selon plusieurs experts et analystes, aux entreprises de bénéficier d'une plus grande échelle de production et stimulerait l'investissement pour lequel la taille du marché a son importance ». Les hommes d'affaires maghrébins affirment leur disponibilité à vouloir commercer, investir et échanger entre voisins. Ils espèrent voir un jour disparaître tous les obstacles et se voir appliquer les mêmes libertés accordées à l'Union Européenne, dans le cadre des accords d'association signés par chaque pays séparément. Les volontés sont bien animées et fermes pour investir intra-muros et les exemples d'implantations réussies sont multiples notamment de groupes tunisiens en Algérie, ou marocains, algériens et libyens en Tunisie. Mais les difficultés résistent et elles ont été longuement discutées. Il semblerait que les bonnes volontés des opérateurs sont entravées par des milieux hostiles. Il n'est pas facile d'opérer dans un Maghreb qui n'arrive pas à s'intégrer. Certes on a eu droit aux mêmes idées, mêmes réflexions, mêmes débats. Du déjà entendu et du déjà vu. Mais il semblerait que les opérateurs économiques souhaitent dépasser les simples paroles et passer au concret. D'ailleurs le forum a focalisé, outre sur les débats et conférences, sur des rencontres B2B, pour relancer et consolider le businesse. Et de toute évidence, ils y sont bien obligés. Ce sont eux qui réussiront à faire pression sur le politique pour faire avancer les choses d'autant plus que nul n'est à l'abri des crises économiques. Et, celle qui perturbe actuellement la zone euro, serait de nature à secouer les bonnes volontés et à impulser l'édification de l'espace maghrébin, afin qu'il ne se limite pas à un simple espace d'écoulement de marchandises européennes, ce qui en fait, malheureusement, une zone très peu attractive des IDE, déjà en baisse, crise économique mondiale oblige. En résumé, encore une fois, on s'est contenté à imaginer et à rêver un Maghreb intégré et complémentaire. En attendant des jours meilleurs qui tardent à pointer à l'horizon. Insaf Fatnassi