Dans une interview accordée à notre consœur Saoussen Boulakbèche du supplément économique du quotidien La Presse, Nabil Chettaoui, PDG de Tunisair, a évoqué la nécessité de privatiser la compagnie aérienne nationale. «La privatisation est donc pour moi une chose inévitable sur le long terme, parce que les conditions d'entrées croisées dans les capitaux ne sont pas facilement acceptées dans l'aérien, du fait des accords bilatéraux. Ce verrou va sauter dans quelques années et nous allons adhérer au mouvement international de libéralisation si nous espérons garder le pavillon tunisien », a déclaré M. Chettaoui. Le PDG de Tunisair explique clairement son raisonnement qui, avouons le, obéît à une logique de bon sens : « Nous sommes une compagnie presque européenne, tout simplement parce que 80 % de notre activité se passe avec l'Europe, notre concurrence et notre manière de travailler se basent sur ce marché par excellence. Et lorsque nous voyons le mouvement de consolidation qui est en train de s'opérer sur l'Europe, nous nous attendons, dans quelques années, à avoir trois pavillons. Le premier, autour d'«Air France -KLM», un autre «British Airways» et «Iberia», et puis un autre composé de «Lufthansa» et de certaines compagnies des pays de l'Est. Ce mouvement va en se consolidant. Des mouvements qui ne peuvent avoir lieu qu'à travers des échanges dans le capital. Ainsi, la Tunisie a deux choix à faire. Soit nous restons en dehors de cette mouvance, pour garder le statut de petite compagnie de niche, et là nous serons condamnés à disparaître, ou bien nous entrons dans ce mouvement de consolidation et cela ne peut se faire que par échange dans le capital. Et si nous faisons rentrer une grande compagnie dans notre capital, cette dernière va chercher à avoir la majorité du capital pour justement avoir la liberté de décision. Et c'est justement pour cette raison que j'ai dit qu'à long terme, ce sera la tendance mondiale à laquelle il nous serait difficile d'échapper. Il y a toujours une solution pour qu'une compagnie de niche puisse résister. Elle se limite à une petite part de marché qui ne lui fait pas gagner beaucoup mais c'est un choix à faire. Est-ce que cette attitude traduit les ambitions de la Tunisie? Je ne le pense pas. Notre pays a parié sur l'ouverture de son économie et elle a réussi son pari et j'estime qu'il n'y a aucune raison de ne pas refaire ce qui a été entrepris dans l'industrie, avec les services et, notamment, le transport aérien. » A la question de savoir quels sont les avantages et les inconvénients du fait que l'Etat est majoritaire à hauteur de 75 % dans le capital de la compagnie, M. Chettaoui répond ainsi : « Lorsque vous savez que le Chef de l'Etat a une sollicitude particulière vis-à-vis de «Tunisair», cela ne peut que nous renforcer. Dans tous nos arbitrages avec d'autres ministères…au niveau de la fiscalité ou autres, le Président Ben Ali a toujours tranché en faveur de Tunisair. Et d'ailleurs, l'intérêt que manifeste à notre compagnie le Chef de l'Etat, concerne également toutes les grandes compagnies du pays qui constituent le fleuron de notre économie. Cette sollicitude donne également aux agents une confiance en l'avenir car ils savent que l'Etat les soutient et qu'il ne lâchera pas le pavillon tunisien. Par contre, ce deuxième avantage est à double tranchant car le personnel n'est pas motivé à toujours donner le meilleur de lui-même. C'est l'esprit de la fonction publique qui règne. Les agents de «Tunisair» se considèrent fonctionnaires plus que personnels d'une compagnie de services. Dieu merci, ce n'est pas le cas de tous. Beaucoup de commandants de bord accomplissent parfaitement leur travail et veillent sur la ponctualité des vols, nos techniciens sont très soucieux de la sécurité des appareils, nos agents de comptoir essayent au mieux de satisfaire les clients. »