La situation demeure tendue dans les artères des différentes villes du pays, plus particulièrement dans la capitale où l'Avenue Bourguiba vit quotidiennement au rythme des manifestations et où la place névralgique de la Kasbah vibre depuis quatre jours et quatre nuits aux mouvements des foules qui y ont élu domicile 24 heures sur 24. Or si la confusion continue à dominer la vie quotidienne aussi bien au sein des différents départements ministériels et publics et des divers établissements privés, les choses commencent à s'éclaircir quant aux parties qui tirent les ficelles et tentent d'utiliser la fougue et la flamme des masses, notamment les jeunes, à des fins occultes et pour servir des intérêts étroits. Face aux réclamations des partisans de la reprise du travail et des cours scolaires qui sont allés jusqu'à manifester leur volonté par des marches pacifiques, l'obstination de l'autre partie, plus précisément l'UGTT, se fait pressante et tente de maintenir la pression en prenant en otage et la rue et les écoles. Exploitant sa capacité de mobilisation et la discipline de ses adhérents, l'UGTT s'entête à maintenir sa revendication essentielle consistant au départ du gouvernement d'union nationale tout en faisant la sourde oreille à tout autre son de cloche. Autrement dit, la centrale syndicale s'emploie à imposer son diktat et ses condition à tout le peuple, car, justement, elle est loin, notamment par les temps qui courent, de représenter le peuple. Certains n'hésitent pas à voir dans l'attitude de l'UGTT, comme l'on souligné des analystes sur le plateau de la chaîne nationale de télévision, une manœuvre pour détourner l'attention de l'opinion publique des problèmes internes dans lesquels elle se débat sans oublier les accusations de malversations qui fusent de toutes parts quant à la gestion de ses affaires internes. Sans oublier la bataille qui se déroule, depuis quelques mois déjà, quant au fameux article 10 du règlement intérieur à propos de la candidature au secrétariat général de la centrale. D'ailleurs, pas plus tard que ce mercredi 26 janvier 2011, un jeune s'est immolé par le feu devant les locaux de l'UGTT de Gafsa. Ce jeune est entré dans l'enceinte de l'Union pour exprimer sa colère et revendiquer l'amélioration de sa condition sociale dans la mesure où il était sans emploi. Au lieu de l'écouter, des membres du syndicat l'ont roué de coups et l'ont renvoyé du siège de l'URT ce qui a amené ce jeune à s'immoler par le feu. Auparavant, des incidents ont eu lieu devant ces locaux lorsqu'un groupe de commerçants s'est dirigé à l'UGTT de Gafsa pour manifester son refus des mouvements de grève. Pour sa part, le Mouvement "Ettajdid" a appelé à "faire preuve de vigilance face à certaines initiatives à même de perturber le fonctionnement des mécanismes de transition démocratique et à semer la zizanie dans les rangs de l'opinion publique, à l'instar du projet de création d'un Conseil de protection de la révolution". A Tunis, plus précisément à La Kasbah, on a été témoins de scènes hallucinantes devant et dans les halls des différents sièges des ministères entre La Kasbah et Bab Bnet. Des rassemblements plus ou moins importants, y compris devant le Palais de Justice et le ministère de la Justice, scandent des slogans réclamant leurs droits et hostiles au gouvernement d'union nationale. Des scènes qui font peur et donnent froid au dos, tant l'anarchie est grande et la confusion générale. Il semble que l'UGTT n'est pas la seule partie à tenter de profiter de la Révolution du peuple, une autre partie serait en train de profiter de la situation et de semer la zizanie dans la rue. En effet, l'Ordre des avocats tunisiens a dénoncé la présence à l'avenue Bab Bnet, près de la place de la Kasbah, de groupuscules qu'il soupçonne être des milices du RCD. Des individus de ces milices se seraient mêlés aux manifestants pacifiques, aux citoyens et aux avocats se trouvant à la place de la Kasbah pour semer le trouble en jetant des pierres un peu partout. Ces individus ont cherché, selon l'Ordre des avocats, à pousser les forces de l'Ordre à utiliser les gaz lacrymogènes en grande quantité déclenchant ainsi des mouvements de panique et même des blessures et des étouffements, tout autour de la place de la Kasbah et jusqu'au Palais de justice. A noter, que les participants à la « caravane de la liberté », venus de plusieurs gouvernorats du pays poursuivent, encore pour la quatrième journée consécutive, leur sit-in devant le siège du gouvernement à la Kasbah, brandissant les portraits des martyrs de la révolution du peuple et des pancartes appelant en particulier, et dans différentes langues à la chute du gouvernement actuel. Des observateurs estiment que l'apparition du secrétaire général du RCD, Mohamed Ghariani, sur la chaîne satellitaire El Arabiya et son insistance sur le prochain retour du RCD et sa restructuration, probablement, sous une autre appellation auraient encouragé certains nostalgiques à reprendre du service. S'achemine t-on, alors, vers une période d'affrontements entre les deux parties par manifestants interposés ? Il ne faut pas perdre de vue que lors du croisement de deux marches, mercredi 26 janvier 2011, les contestataires du gouvernement d'union nationale ont tenté d'interdire les adeptes de l'opinion contraire d'exprimer leur point de vue, mais heureusement aucun incident ne s'est produit entre les manifestants des deux marches. Et même si les mouvements populaires au centre-ville reflètent la conscience politique du peuple tunisien en général et l'intérêt qu'ils portent aux évolutions de la situation nationale, il est clair que ces mouvements traduisent le degré de tension et d'agitation qui règne au sein des rangs des différentes parties, toutes tendances intellectuelles et idéologiques confondues. Au vu des faits constatés dans la rue, il est utile de mettre en garde contre l'anarchie qui est en train de s'instaurer risquant de bloquer le travail des différentes structures de l'Etat avec toutes les conséquences néfastes et imprévisibles que cela peut avoir sur la bonne marche des affaires du pays. Noureddine HLAOUI