Je rentre de Vienne, où j'ai eu l'occasion d'assister à une conférence consacrée à l'avenir de l'Afrique du Nord, et ce à l'invitation de la WKO, l'Agence Autrichienne d'appui à l'exportation. Cette conférence avait pour but de présenter aux opérateurs économiques autrichiens la situation que vivent les pays d'Afrique du Nord, en particulier la Tunisie et l'Egypte. Cette conférence avait pour but non pas seulement de rassurer les opérateurs, mais plus de les convaincre que des opportunités nouvelles peuvent s'offrir à eux, du fait la situation que vivent ces pays, et de l'impact positif attendu de la révolution sur les économies de ces pays. Il faut d'abord, signaler la forte audience d'opérateurs économiques à cette conférence, en présence de représentants de la délégation européenne, des attachés commerciaux de la WKO dans les différents pays, et du ministère autrichien des finances. Mais c'est aussi peut être l'occasion de s'intéresser à ce petit pays d'Europe (8 millions d'habitants), qui fait peu parler de lui, mais qui démontre une belle santé économique en période de crise en Europe. Un pays sérieux, travailleur, mais qui en même temps a su conserver et proposer un niveau de qualité de vie élevé à ses citoyens, avec des villes à taille humaine, une campagne et une agriculture préservées. Un pays qui a su trouver une place au sein de l'Europe, sans tapage et qui aujourd'hui fait mieux que bien d'autres en termes économiques, le PIB par habitant est de 38000 dollars, plaçant l'Autriche à la 17ème place mondiale, devant l'Allemagne, le Japon ou la France. C'est ainsi qu'en 2009, Vienne a été classée par le cabinet Mercer, ville la plus agréable à vivre dans le monde, en s'appuyant sur des critères tels que la qualité de l'environnement politique et social, la santé de l'économie, comme le nombre d'écoles ou la qualité des services médicaux. Ce qui est plus étonnant encore, c'est que l'Autriche a su créer des champions nationaux, qui sont devenus aujourd'hui le fer de lance de l'économie, et parfois même dans des secteurs inattendus, comme la prospection pétrolière par exemple. Je me doute bien que pour beaucoup cet exemple n'est pas pertinent, et que d'aucuns pensent que le principal atout de l'Autriche est la mentalité des Autrichiens, et que cela change tout. Mais la mentalité se forge et se construit, et je crois dans le pouvoir de la politique pour cela. Alors, quels enseignements pouvons nous tirer d'un tel exemple méconnu en Tunisie, eh bien tout d'abord que la taille ne fait pas tout, et qu'en économie aussi « Small is beautiful », que la politique ne doit pas être guidée par l'économie seule, mais par la recherche du bien-être des citoyens et leur qualité de vie, et que l'aménagement du territoire en est une composante majeure. Enfin, que les choix économiques doivent être ciblés et orientés vers la création de champions nationaux dans les secteurs présentant des avantages compétitifs. L'aménagement du territoire, composante essentielle du développement, a été tellement négligé en Tunisie, qu'il est devenu la cause principale du déséquilibre régional qui provoque autant d'injustices. La cause aussi de l'exode massif vers les villes côtières, et l'insuffisance chronique en matière d'infrastructures malgré les investissements dans l'Est du pays, et du fait du sous investissement dans l'Ouest. L'aménagement du territoire est un outil du développement, qui doit être mis au service de l'attractivité des régions, villes et campagnes, côtes et montagnes, pour offrir à toute la population les mêmes opportunités de réussite. C'est aussi un outil pour une meilleure qualité de vie, à travers les choix en matière d'urbanisme, de transport et d'équipements publics. En même temps, l'économie doit se construire autour de champions nationaux, et là, force est de constater que nos principaux opérateurs économiques restent à ce jour des entreprises publiques, peu engagées dans l'économie mondiale et l'internationalisation. Pourtant, il y a un diagnostic simple à faire, la Tunisie ne pourra pas faire face à ses besoins en matière d'emplois, à travers une création interne, les Tunisiens doivent se faire à l'idée qu'ils devront, de plus en plus, s'expatrier pour trouver un emploi à l'avenir, et cela passera forcément par une présence plus forte de nos entreprises à l'international. Nos principaux opérateurs nationaux devront s'impliquer dans la création de filiales à l'international, dans le pétrole, les mines, le transport aérien et maritime ou encore les télécoms et la banque. Pour cela, le marché africain est là, les financements disponibles et les compétences prêtes. C'est simplement l‘engagement politique qui a toujours fait défaut. On ne doit plus seulement penser en termes d'exportation des PME privées, mais surtout d'internationalisation des champions nationaux qui draineront derrière eux d'autres opérateurs dans les services. Ce sont ces choix que l'Autriche a mis en avant au cours de ces dernières années, et qui ont donné des résultats exemplaires sur tous les plans, plaçant ce pays à la 35ème place mondiale par le PNB, pour 8 millions d'habitants. Aujourd'hui, il y a des choix majeurs à faire, pour proposer à la Tunisie et aux Tunisiens un avenir meilleur, mais pour cela, il faudra de la vision et du courage pour entreprendre et mettre en œuvre une politique ambitieuse, axée sur une meilleure organisation spatiale à l'intérieur et une plus grande présence à l'extérieur. L'Autriche, une réussite insolente, un exemple à suivre. Walid BEL HADJ AMOR est ingénieur diplômé des grandes écoles françaises, Associé-Directeur Général Adjoint de Comete Engineering. Il est expert dans le domaine des infrastructures de transport et de l'aménagement du territoire et spécialiste du marché africain.
