Les deux sortent de leur réserve et dénoncent, en substance, une justice qui manque de sérénité et qui ne s'en tient pas aux faits. Business News reprend les propos publiés dans un communiqué par un comité de défense de Béchir Tekkari et ceux des avocats de Abderrahim Zouari livrés lors d'une conférence de presse tenue vendredi 12 août 2011. « Une décision de libération provisoire signée à Bab Bnet est avortée avant d'arriver à la caserne d'El Aouina ». Maitre Mohamed M'Kacher, avocat de Abderrahim Zouari, ironise sur l'inventivité dont a fait preuve le système judiciaire pour garder son client en détention. Les avocats de l'ancien ministre, Mohamed M'kacher, Fayçal Ben Jaâfar, Nadia Cherif, ont mené une attaque en règle contre ce qu'ils estiment une dérive populiste du système judiciaire. Un réquisitoire tout en finesse et avec beaucoup de précautions rhétoriques, les avocats se refusant « à critiquer » toute décision de justice par respect de la déontologie. Mais les dérives et les aberrations juridiques des derniers jours imposaient une mise au point, estiment-ils. Les journalistes s'attendaient à des révélations ou des précisions sur des éléments du dossier. Une mise au point dont se chargea, essentiellement, Me M'Kacher. Premier grain de sable dans la machine judiciaire, « une déclaration d'un ancien procureur, Néjib Maâouia, livrée à un quotidien de la place qui a avoué être intervenu dans l'instruction pour maintenir Abderrahim Zouari en détention » (ndlr : contacté, M. Mohamed Nejib Mâoui indique qu'il n'a jamais donné de déclaration à aucun journal de la place, mais qu'il s'agit plutôt du contenu de la conférence de presse qu'il a tenue et dans laquelle il a indiqué que le ministère public a intervenu pour maintenir M. Zouari en garde à vue jusqu'à son prochain interrogatoire dans d'autres affaires déjà en cours d'instruction et qu'il s'agit d'une procédure légale et nécessaire dans les cas où il faut prévenir une éventuelle fuite du prévenu). Ceci, est considéré, par les avocats, comme un empiètement du ministère public dans l'instruction qui crée un déséquilibre entre la défense et l'accusation. Autre anomalie soulignée par l'avocat, la décision de maintenir son client en détention après qu'une libération eut été ordonnée par la chambre des mises en accusation dans les affaires liées au financement du RCD. Une garde à vue décidée en se basant sur un dossier qui « trainait » depuis quatre mois et sur lequel Abderrahim Zouari a lui-même demandé au juge d'instruction d'être entendu à plusieurs fois, selon ses avocats. Mohamed M'Kacher estime que la procédure utilisée est une procédure réservée aux cas exceptionnels ou d'urgence et que ce n'était nullement le cas. L'interprétation de la situation ne fait pas de doutes pour les trois avocats. La justice subit la pression de la rue. Et à Me M'Kacher de rappeler que le procès de Nuremberg a duré trois ans. Les accusations légères du groupe des 25, les déclarations incendiaires de Yassine Brahim, certains médias qui font dans le populisme pénal, tout ça participe à l'installation d'un climat délétère. Tout nouveau mandat dépôt est acclamé comme une victoire et fait l'ouverture du 20h et toute libération est considérée comme une désillusion nationale. « Il n'existe pas de justice transitionnelle, la justice ce n'est pas des décrets, la justice c'est des dossiers, des faits, des preuves… », assène Mohamed M'Kacher. « Nous risquons le retour des procès politiques », considère Nadia Cherif. La presse a une responsabilité historique, conclut Me M'kacher. Les citoyens sont en colère parce qu'ils ignorent souvent les éléments clés des dossiers et c'est exactement le rôle des médias d'éclaircir tous les éléments d'une affaire et de donner la parole à toutes les parties prenantes, poursuit-il. « La révolution c'est la civilisation, la culture, ce qui aboutit à un Etat de droit ». Pour ce qui est de Béchir Tekkari, ancien ministre de la Justice, un comité pour sa défense a été créé et a publié un communiqué, vendredi 12 août 2011, dans le quotidien Echourouq, dans lequel il expose la version de l'ancien ministre de la Justice dans l'affaire du restaurant Grand Bleu. L'affaire pour laquelle Béchir Tekkari a été emprisonné pendant trois semaines avant d'être libéré le 3 août déclenchant ainsi une grande polémique. Dans le communiqué publié par Echourouq, on indique que la campagne visant Béchir Tekkari est programmée par certains milieux pour faire pression sur la Justice et la pousser à le poursuivre et l'arrêter. Selon le comité, l'évaluation du travail politique ne peut en aucun cas être une base pour des poursuites pénales. Le comité estime que les pressions actuelles essaient de toucher à l'indépendance de la Justice et donne, à son tour, des éclairages concernant l'affaire Grand Bleu, sans toutefois violer le secret de l'instruction. Le restaurant appartenait à Hafedh Gandouz décédé en juillet 2005. L'héritage a causé un conflit judiciaire au pénal et au civil entre la veuve de Hafedh Gandouz et ses frères. Suite à ce conflit, un juge a ordonné la vente des actions du restaurant, selon un cahier des charges et un appel d'offres. Le produit de la vente a été distribué ensuite à tous les héritiers clôturant ainsi définitivement le dossier. Le comité de défense de Béchir Tekkari souligne que leur client n'a rien à voir avec ce conflit. Que s'il a été poursuivi, ce n'est pas suite à une plainte d'un des membres de la famille, mais de la Commission de lutte contre la corruption (que préside Abdelfattah Amor NDLR). Commission qui s'est basée sur de simples correspondances d'information entre le ministère de la Justice et la Présidence de la République à propos de ce dossier et sans aucune ingérence dans le travail judiciaire, selon le comité de défense. Les avocats de Béchir Tekkari attirent l'attention de l'opinion publique qu'il n'y a aucune victime dans cette affaire, ni privée ni publique. La vente a rapporté quelque neuf millions de dinars, alors que les expertises ont évalué le restaurant à quelque 5,8 millions de dinars. Ils indiquent que la justice (qu'elle soit civile, pénale ou aux ordres) a fait son travail conformément à la loi sans aucune ingérence. Ils précisent enfin que la libération de Béchir Tekkari n'est pas motivée par des raisons médicales, mais parce que le contenu du dossier est basé sur des données concrètes. Le comité de défense justifie son communiqué adressé à l'opinion publique par le fait des dérapages dangereux observés actuellement dans la bonne marche du pays alors qu'il faut laisser la voie aux magistrats pour travailler tranquillement, conformément à la loi, sans pressions et surenchères. Radhouane Somai